• 1900 : CHERCHER UN TRAVAIL , TROUVER UN APPRENTI

    CHOMAGE ET RECHERCHE D’UN EMPLOI NE DATENT PAS D’AUJOURD’HUI MEME LA FORMATION DES APPRENTIS POSE PROBLEME, POURTANT NOUS SOMMES AVEC L’ARTICLE CI-DESSOUS AU DEBUT DU XX° SIECLE

     

    1900 :  CHERCHER UN TRAVAIL , TROUVER UN APPRENTI

     

     

    LES BUREAUX DE PLACEMENT

     

    Il est peut-être intéressant de reprendre la question des Bureaux de Placement dans cette revue si hospitalière à toutes les questions d’intérêt municipal.

     

    Le problème de nos jours, ne se pose pas pour la première fois, mais il trouve à l’heure actuelle un regain d’actualité, grâce à la crise de l’apprentissage. Depuis la loi de 1904, en effet, les bureaux de placement se trouvent répartis en div erses catégories : beaux patronaux, syndicaux, mixtes, libres, grâce à la déclaration préalable, spéciaux, pour les domestiques, et les bureaux municipaux dont la création est obligatoire dans toutes les villes d’une population supérieure à dix mille habitants.

     

    Nous ne pensons pas que, répartis entre ces divers organismes, un conflit puisse de nouveau surgir entre les placeurs et les personnes ayant recours à leurs bons offices comme cela s’est produit sous la Révolution et le Second Empire. Et ces deux époques principalement, des exactions tellement graves avaient été exercées sur les malheureux en quête d’une place, que le législateur s’était trouvé dans l’obligation de réglementer sévèrement les opérations auxquelles se livraient les placeurs. Tout cela est maintenant de l’Histoire, pénible à relire mais de l’Histoire. Voyons, le présent.

    Malgré les moyens rudimentaires et le personnel insuffisant dont ils disposent, on peut affirmer que les bureaux municipaux donnent tout leur effort pour accomplir avec le maximum d’utilité leur mission de placement. Mais, il est un domaine dans lequel il nous semble qu’il leur serait possible de faire d’avantage et de parer dans une mesure efficace à cette crise si redoutable pour le pays, de l’apprentissage telle qu’elle se présente actuellement à nous.

     

    Ici, encore, les difficultés financières vont jouer leur rôle, puisqu’elles sévissent à l’heure actuelle aussi bien pour l’Etat et les communes que pour les particuliers.

     

    Toutes les lois régissant l’apprentissage si elles sont en vigueur sont pratiquement devenues caduques, parce que les sanctions qu’elles comportent sont illusoires et qu’un problème dominera toujours les lois humaines quelles qu’elles soient : vivre.

     

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    Or pour vivre à l’heure actuelle, l’adolescent qui sort de l’école à treize ou quatorze ans et qui se rend au bureau de placement soit seul soit accompagné, recherchera la situation capable de lui rapporter tout de suite le gain le plus élevé. Sans s’occuper de l’avenir, sans se demander à quoi cela le conduira plus tard, l’adolescent accepte « n’importe quoi », pourvu que la rémunération attachée à l’emploi qu’on lui offre lui apporte immédiatement des possibilités de vie plus large, plus aisée. Pour l’avenir, on verra…

     

    En réalité, on ne voit rien du tout, si ce n’est des quantités de manœuvre non spécialisés qui, s’en revenant du régiment sans un bon métier dans les mains, continueront de traîner des voitures à bras, de faire des courses et d’errer de place en place à la recherche d’une condition meilleure.

    L’adolescent n’est pas responsable de cet état de choses. Mal conseillé par ses parents qui, l’ayant élevé, estiment avoir assez fait pour lui et ne demandent qu’à leur rapporter désormais un peu de cet argent qu’ils ont dépensé pour lui il a suivi les vagues indications qui lui ont été une fois données : « Prends ce qui se présentera, pourvu que ce soit bien payé. »

     

    Pendant ce temps, les patrons se lamentent, criant à l’envie qu’ils ne trouvent plus d’apprentis, partant plus de bons ouvriers connaissant et aimant leur métier. Certains groupements d’industriels des syndicats patronaux, ont créé dans leur usine même des écoles d’apprentissage et paient pour qu’ils les fréquentent des jeunes gens désireux d’apprendre un métier. Mais ils les paient insuffisamment et l’espoir des gains plus élevés que les apprentis recevront parfois même au bout d’une ou deux années n’est pas assez puissant pour les décider.

     

    C’est alors que le rôle du bureau de placement pourrait se manifester d’une façon plus efficace en faisant ressortir aux yeux des jeunes gens dont l’inexpérience est complète l’utilité du sacrifice qu’ils pourraient consentir en acceptant une rémunération, moindre sans doute que celle qu’ils recevraient en entrant comme manœuvres, coursiers, livreurs dans n’importe quelle maison, mais combien leur situation serait préférable dans l’avenir lorsqu’ils possèderaient bien un bon métier, capable de les faire vivre largement et de leur donner l’orgueil de l’œuvre accomplie, en même temps que les ouvriers spécialisés plus nombreux

     Seraient mis à la disposition de l’industrie qui, à l’heure actuelle, dans de nombreux corps de métier, manque de bras.

     

    Certains répondront que grâce à l’immense développement du machinisme et des manufactures, il n’est plus nécessaire de se spécialiser dans un métier quelconque et qu’on a vu, en courant du maniement de machines encore inconnues d’eux et de les conduire d’une manière surprenante. Cela est parfaitement exact. N’importe qui peut apprendre en fort peu de temps le maniement des leviers d’une automobile, mais, à la première panne d’essence, le néophyte se montrera mauvais mécanicien parce qu’il faut des années pour percer le mystère des nombreux organes qui aident au fonctionnement d’une automobile.

    De plus, dans tous les métiers d’art où le travail se fait exclusivement à la main, ferronniers, ciseleurs, sculpteurs sur bois, ajusteurs de précision, maroquiniers de luxe, décorateur sur porcelaine etc… etc… tous genres d’ouvrages ou nous sommes certainement les premiers dans le monde pour le fini de l’exécution, l’apprentissage d’une durée parfois longue reste indispensable puisqu’on n’imagine pas ces travaux d’art exécutés à la machine et par série.

     

    1900 :  CHERCHER UN TRAVAIL , TROUVER UN APPRENTI

    Il nous semble que, dans ces divers domaines les bureaux de placement pourraient avoir une très heureuse influence en aidant les jeunes gens dans la recherche d’un métier choisi suivant leurs aptitudes et leurs goûts, d’un métier plus rémunérateur, une fois les années d’apprentissage passés, que ne le sont en général ceux qui peuvent être exercés par n’importe qui, d’un métier dont l’homme ait l’orgueil, afin qu’un jour nous cessions de voir dans la rue ce spectacle navrant d’un homme qui peine, attelé entre les brancards d’une voiture à bras.

     

    Pour obtenir un tel résultat, il faudrait prendre ces jeunes gens à part, dans un bureau les interroger, leur donner la certitude qu’on recherche leur bien, leur mieux-être, les amener à se confier de manière à leur donner les directives qui leur manquent, à les orienter sûrement.

     

    Peut-être aussi, au lieu de les recevoir rapidement, confondus avec la foule des autres travailleurs, serait-il possible de leur affecter des jours spéciaux, un ou deux par semaine, et d’étudier ainsi à loisir chaque cas particulier un peu plus longuement que cela se, pratique pour ceux dont la vie est faite et la carrière toute tracée.

    Il nous semble que dans ce domaine de leurs attributions, les bureaux municipaux pourraient faire œuvre utile, profitable à tous à ceux qu’ils doteraient d’un métier d’abord, à ceux aussi qui, plus tard, seraient appelés à utiliser les services d’ouvriers capables, instruits, ayant le goût de leur travail, ce qui, il faut bien en convenir, devint chaque jour de plus en plus rare.

     

    Là aussi, il y a un courant à remonter, des erreurs à répudier. Avec de la bonne volonté il n’est surement pas impossible d’y parvenir.

     

    Jean LEPINE (Docteur en Droit)

     

     


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