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    <st1:metricconverter productid="1900 A" w:st="on">1900 A</st1:metricconverter> TABLE chez le petit peuple du FOREZ<o:p></o:p>

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    Nous sommes à la cuisine pour observer les Foréziens en train de « bien faire », heureuse expression qui dit bien l’importance et le plaisir de la table.<o:p></o:p>

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    Les Foréziens n’ont pas en effet la réputation de « pichorgner » sur leur assiette, et des études savantes ont montré l’importance accordée à la nourriture dans les budgets familiaux. Naturellement il est difficile de généraliser des remarques sur l’alimentation, qui dépend beaucoup du milieu social.<o:p></o:p>

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    Mais si l’on s’en tient surtout à la nourriture traditionnelle du petit peuple, certaines caractéristiques apparaissent qui lui donne son originalité.<o:p></o:p>

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    Ce qui frappe tout d’abord, c’est l’importance des casse-croûte et des « portions » au détriment des vrais repas, du moins dans la population ouvrière. L’habitude de travailler par poste bouleverse en effet le rythme de la journée et impose ce mode de nutrition. L’évolution sémantique du mot portion est significative. A l’origine l’emploi du mot ne peut se justifier que par un déterminatif : une portion de fromage (voire une portion de beurre, où le mot prend le sens de tartine). Mais peu a peu le terme est de devenu indépendant de tout complément, pour signifier à lui seul un casse-croûte sommaire…<o:p></o:p>

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    …Dans les repas le porc tient une place importante, il est à l’origine de la soupe aux choux (avec du lard un peu rance). Potée, pâté de tête, « grillatons » à la graisse fondue et rissolés à la poêle, lardons chauds, les salades de « barabans » « pissenlits). On râpe aussi des pommes de terre, on bat des œufs entiers, un peu de crème, sel et poivre et l’on fait cuire à la poêle ce plat typiquement régional « la râpée ». En été une écuellée de pain trempé dans le lait froid remplace la soupe, les hommes préfèrent une « sucane » avec du vin sucré au lieu du lait. A la fin du repas on mange du lait caillé, que l’on appelle « tome » ou « recuite », du « sarrasson » (ce qui reste dans la baratte quand le beurre est pris) très bon en salade avec huile, vinaigre, « pourette » (ciboulette) ou ail. fromages régionaux : « rigotte » et « cabrillons » (petits fromage de chèvre), « vacharet » ( fromage au lait de vache), « Fourme de Montbrison » que certains préfèrent « artisonnés », c'est-à-dire grouillante de minuscules vers.<o:p></o:p>

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    L’alimentation reste fortement marquée par le souci d’économie : avant de devenir un beignet par l’adjonction de sucre, de lait, d’œufs et de sucre le « matefaim» était une crêpe épaisse de farine de seigle ou de blé noir délayée dans de l’eau, destinée à « tamponner » l’estomac (un tampon était un gros bouchon de bonde).<o:p></o:p>

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    La ménagère connaît les plats qui font « d’abonde » (abondant, nourrissant et avantageux) parce qu’on en mange peu, on est vite « coufle » (rassasié). Elle à l’art d’utiliser les restes : pain dur dans une soupe « mitonnée », soupe au pain cuit, longuement bouilli à feu doux, ce qui vaux mieux qu’une « eau boulie », un « bouillon branlant » ou « pointu », chiche en beurre et en légumes<o:p></o:p>

    D’une volaille elle tire « la sanguette » (sang frit au persil et aux oignons), avec les abatis elle fait un ragoût.<o:p></o:p>

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    Les légumes c’est le jardin qui les fournit : « pois dégrenés » (petits pois), carottes qui sont les betteraves rouges à manger en salade, « racines » qui sont les vrais carottes, « corsenaires » (pour scorsonères)… Et si le plat est trop juste, on le fait « rabonder » en ajoutant aux épinards des feuilles de blettes et de l’oseille…Bref ! La bonne ménagère sait rendre son monde « benaise » aux moindre frais.<o:p></o:p>

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    Mais pour atteindre cet heureux état, qui ne calme pas seulement la faim mais apaise tout souci, la manière dont le repas est arrosé compte beaucoup. Le Forézien, tout le monde le sait, est grand buveur et bon buveur. Car le tout n’est pas « d’aplater des canons » au risque de « se fioler » et de « trempaler » comme si l’on avait chargé une caisse ou une « boge » trop lourde.<o:p></o:p>

    Il faut du savoir boire. Mauvais buveurs ceux qui « s’encoucourlent », qui suffoquent en buvant trop vite ! L’idéal est « d’assader » son vin, de le déguster, de le savourer (même racine latine, sadipus).<o:p></o:p>

    Mais pour cela il faut autre chose qu’un vin de « babet » (pomme de pins), un véritable « coufle-bôt », un vin bon à gonfler les crapauds. Là-dessus on peut faire confiance aux Foréziens, eux-mêmes producteurs de vins honorables et voisins de vignoble réputés.<o:p></o:p>

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    Fin d’un  « MOSQUITO » du village de LAY<o:p></o:p>

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    « Pédago » fraîchement à la retraite, estimé dans son village, notre homme dont la fête était le 25 décembre, venait d’être élu comme adjoint à la dernière élection municipale.<o:p></o:p>

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    La seule chose qu’il n’aime pas et vous l’avez sûrement ressentit comme lui : la désagréable sensation que l’on éprouve à devoir cohabiter avec un moustique.<o:p></o:p>

    L’expérience en tout cas, est à la portée de quiconque.<o:p></o:p>

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    Il a pour cet insecte carnivore, une particulière aversion et chaque fois qu’il est amené à en rencontrer c’est toujours sous le signe d’une agressivité mal contenue.<o:p></o:p>

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    Pourtant à la faveur d’un entretien qu’il désirait informel, il avait espéré aboutir à un modus vivendi : peine perdue. Il en va de certains animaux comme de certaines gens, tout dialogue proposé, le fut-il sans aucun préalable et avec la garantie d’une large ouverture d’esprit se heurte à un mur d’incompréhension.<o:p></o:p>

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    La tentative de séduction avait débuté un soir du mois d’août, alors que la lumière du jour et la moiteur de l’atmosphère se prêtaient particulièrement à une telle rencontre. Il avait avisé un énorme « mosquito » discrètement installé à l’intérieur du rideau de la fenêtre et qui semblait attendre son heure pour se livrer à son activité coutumière :<o:p></o:p>

      « Veuillez m’excuser si je vous dérange, mais je souhaiterais avoir un bref entretien avec vous.<o:p></o:p>

    -         De quoi s’agit-il,  fut-il répondu sur un ton peu amène qui augurait mal de la suite.<o:p></o:p>

    -         Je pense que vous devinez sans peine quel est l’objet de ma démarche ?<o:p></o:p>

    -         Franchement, je n’en ai pas la moindre idée. Nous vivons me semble-t-il dans deux mondes très différents et les occasions de nous rencontrer sont extrêmement rares.<o:p></o:p>

    -         Justement, c’est là je crois, que vous vous méprenez.<o:p></o:p>

    -         Je ne pense pas monsieur avoir l’honneur de vous connaître.<o:p></o:p>

    -         Peut-être pas encore, mais si cela se produit dans les conditions habituelles, il risque d’être trop tard pour vous comme pour moi.<o:p></o:p>

    -         Je ne vois toujours pas où vous voulez en venir.<o:p></o:p>

    Décidément notre homme se dit en lui-même, ou tu as à faire à un sous-produit ou tu es tombé sur un spécimen particulièrement retors.<o:p></o:p>

    L’expérience lui prouva par la suite que la deuxième hypothèse était la bonne.<o:p></o:p>

    Il tenta l’ouverture :<o:p></o:p>

    « Le moustique est-il comme l’homme, confronté dans certaines régions au problème de la faim ?<o:p></o:p>

    -         Pas que je sache. Nous avons déterminé entre nous un certain nombre de territoires où nous trouvons d’ordinaire la nourriture abondante qui nous convient.<o:p></o:p>

    -         Le corps humain fait-il partie de ce territoire ?<o:p></o:p>

    -         Au même titre que celui des animaux : nous ne faisons aucune différence entre ces diverses zone d’activité.<o:p></o:p>

    -         Mais enfin, protesta Noël, vous prenez des risques inutiles.<o:p></o:p>

    -         C’est affaire d’habitude et je crois savoir que chez l’homme il est des individus que cela n’effraye pas.<o:p></o:p>

    -         Certes, mais chez nous c’est la minorité, tandis que chez vous…<o:p></o:p>

    -         C’est peut être ce qui fait la différence entre nos espèces.<o:p></o:p>

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    Décidément l’entretien tournait cours. L’heure avançait et l’homme voyait arriver le moment où chacun campé sur le pied de guerre se refusant à toute concession.<o:p></o:p>

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    La sagesse indienne, pour laquelle il avait beaucoup de sympathie, lui rappela que sous d’autres cieux on n’attente pas à la vie d’un animal, fut-il parmi les plus petits. Il essaya don une dernière fois d’amener son futur adversaire à plus de compréhension : « Ne pensez-vous pas que nos intérêts bien compris pourraient s’accommoder d’une entente tacite ? »<o:p></o:p>

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    Le moustique prit sa tête entre deux pattes et parut plonger dans une profonde réflexion ; mais il se ressaisit aussitôt :<o:p></o:p>

    -         Monsieur, je vous vois venir ; vous allez me suggérer d’aller exercer mes activités chez votre voisin ?<o:p></o:p>

    -         Je n’irai pas jusque-là mais…<o:p></o:p>

    -         Inutile d’insister, notre planning est établi de longue date.<o:p></o:p>

    -         Alors c’est la guerre ?<o:p></o:p>

    -         Appelez ça comme vous voudrez.<o:p></o:p>

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    Les ponts étaient définitivement coupés, si tant est qu’une liaison quelconque ait pu être établie. Le sachant sur ses gardes, l’animal prit son vol aussitôt pour aller se mettre à l’abri dans l’espace laissé libre par une plinthe mal fixée au mur. L’endroit était inaccessible. Notre homme avait perdu la première manche.<o:p></o:p>

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    La nuit vint. Quand toutes possibilités de veille furent épuisées alors que la bête n’était toujours pas sortie de son repaire, il se couche et s’endort rapidement.<o:p></o:p>

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    Les hostilités s’ouvrirent vers les trois heures du matin, dans cet espace de temps où l’individu plongé dans un sommeil profond recommence à faire surface.<o:p></o:p>

    L’insecte bourdonnais dans la pièce mais se tenait à distance respectueuse. Noël éteignis et s’immobilisa. Le moustique devinant son stratagème, resta un long moment sur la défensive puis, supposant qu’une respiration régulière annonçait  un retour dans les bras de Morphée, il fonça sur la joue gauche.<o:p></o:p>

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    La claque vigoureuse que s’administra Noël n’eut d’autre résultat que d’accentuer l’effet de la piqûre. Cette fois c’en était trop. Il se leva d’un bond alluma toutes les lampes. Repéra facilement l’insecte déjà repu, son vol hésitant en témoignait ; armé d’une pantoufle il monta en première ligne.<o:p></o:p>

    Dans les concours de boule de notre canton notre homme était redouté par ses adversaires pour son adresse presque magique. Il ne faillit pas à la règle.<o:p></o:p>

    La première fois fut la bonne, sa savate écrasa l’insecte sur le plancher de la chambre. Ainsi le conflit se terminait dans un bain de sang auquel, bien que vainqueur il avait apporté la plus large contribution.<o:p></o:p>

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                                               Léo Miquel (les contes des bords de Rhins)<o:p></o:p>


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    Un bon Hôtel à Laval (Mayenne)<o:p></o:p>

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    En ces temps où les pénuries sont nombreuses, et le carburant très cher ; si vous passez par ce département très vert, mais aussi très touristique, nous vous conseillons de faire étape ou plus au :

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    FASTHOTEL<o:p></o:p>

    Rue Paul Mer<o:p></o:p>

    Tél. : O2 43 68 30 30<o:p></o:p>

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    •  Accueil chaleureux,  les responsables sont supers sympathiques.
    • Petite chambre douillette avec tout le confort. Lit apprécié.
    • Déjeuners copieux dans une salle agréable et ensoleillée (nombreux dépliants touristiques pour les vacanciers).
    • Prix des chambres, raisonnable.
    • Bien que situé dans une zone industrielle, endroit calme et tranquille.
    • Chants des oiseaux garantis le matin
    • A proximité restaurants Campanile et Buffalo Grill (inutile de prendre sa voiture) et grands magasins pour les achats des dames.
    • Pour plus de renseignements sur les prestations fournies voir le dépliant de l’hôtel

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    <st1:metricconverter productid="1900 A" w:st="on">1900 A</st1:metricconverter> TABLE (décor et menu)<o:p></o:p>

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    Avec les manuels de la baronne Staffe, on sait comment s’y prendre pour réussit une soirée mondaine.<o:p></o:p>

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    Bien sur, ces conseils ne s’adressent pas à des célibataires endurcis, mais bien à des maîtresses de maison qui apprennent à recevoir « avec grâce, avec aisance, avec cordialité. C’est la science charmante des femmes ». <o:p></o:p>

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    Le monde bourgeois, dont l’ordre règne au XIX° siècle, a fait entrer dans l’ameublement la table ovale ou ronde, qui atténue la hiérarchie. C’est à la campagne, où le maître de maison coupe le pain et plie son couteau pour donner le signal de la fin du repas, que la table rectangulaire existe encore.<o:p></o:p>

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    De même le service à la française, très compliqué, qui demandait beaucoup d’espace, et la présence de réchauds car on servait plusieurs plats simultanément, paraît suranné. Même dans un dîner d’apparat, on fait le service à la russe, surtout depuis que le célèbre cuisinier Carême a travaillé à la cour du tsar à Saint-Pétersbourg. La table doit être décorée de fleurs et de quelques confiseries.<o:p></o:p>

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    On dépose les viandes devant le maître ou la maîtresse de maison pour les montrer, après quoi, on les remporte pour les découper.<o:p></o:p>

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    Chaque convive a quatre verres : un pour le vin ordinaire, que l’on coupe encore souvent d’eau ; un pour le vin fin, bourgogne ou bordeaux ; un pour le madère ; enfin un pour les liquoreux, comme le château-yquem très prisé à l’époque.<o:p></o:p>

    Des carafes sont disposées sur la table, de telle sorte que chaque convive puisse se servir facilement. Dans un petit vase, une fleur pour chacun, qu’il met à sa boutonnière ou à son décolleté. Le pliage des serviettes, qui était jusqu’alors un art véritable, s’est beaucoup simplifié.<o:p></o:p>

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    La Belle époque est celle des menus, que nous connaissons bien, car ils étaient tellement beaux, tellement raffinés que nombre de gens les ont collectionnés. Ils sont ainsi arrivés jusqu’à nous. Ils signalaient la place de chacun à table ; puis on les gardait soigneusement dans les archives familiales, comme autant de souvenirs de moments importants. Le comble de l’élégance est de les faire dessiner ou peindre à la main par la ou les jeunes filles de la maison. Mais on peut aussi les acheter ou les faire imprimer pour de grandes occasions, surtout pour des banquets d’associations. <o:p></o:p>

    Celle des Amis des livres par exemple, au début du siècle commandait à un peintre ou à un graphiste, différent chaque année, un dessin ou une gravure pour ses dîners. Des entreprises se servaient aussi de support pour leur publicité comme Liebig, les biscuits Olibet, la liqueur Bénédictine, le digestif Cointreau et, bien sûr les restaurants, les stations thermales.<o:p></o:p>

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    Les plus jolis étaient sans doute ceux qui étaient percés de deux trous, dans lesquels on enfilait un ruban attachant un petit bouquet de fleurs.<o:p></o:p>

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    Après ces préparatifs, le dîner pouvait commencer. Si c’est un dîner cérémonieux, la baronne Staffe nous conseille encore un potage, ou deux, un relevé de potage constitué d’une viande de boucherie, de venaison, ou de poisson. Arrivent ensuite les entrées : grosse volaille, ragoût, gibier à plumes ou civets, et les pâtés chauds qui sont l’œuvre des pâtissiers. Le rôti est un quartier de viande cuit, comme son nom l’indique, il est alors chaud. En revanche, les rôtis froids sont les jambons, les aspics ou galantines, servis avec de la salade. On sert enfin le légume, puis l’entremet sucré – tartes, charlottes, gâteaux, soufflés au choix – une glace et le dessert, ou entre le fromage, les fruits glacés et les confiseries.<o:p></o:p>

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    On a une pensée pour les corsets de ces dames, qui serrent très fort ! Il n’empêche qu’il faut se lever et passer au salon pour le café et les liqueurs.<o:p></o:p>

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    Heureusement les choses sont un peu plus simple dans la famille Proust le jour où l’on invite un personnage tout de même considérable : M. de Norpois, ambassadeur. Voici le menu : bœuf mode en gelée, jambon d’York au four, salade aux ananas et aux truffes, pudding à la Nesselrode. <o:p></o:p>

    L’ambassadeur mange distraitement la salade d’ananas et déçoit un peu l’attente de Mme Proust, mais après le pudding sa gloire est consacrée, M. de Norpois déclare :<o:p></o:p>

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    « Ce ne sera pas trop de la cure de Carlsbad pour me remettre d’un pareil festin de Lucullus »<o:p></o:p>

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    Une bonne cuisinière, dans les maisons bourgeoises assez riche pour en avoir une, est recherchée et appréciée, car elle sert le prestige social et réjouit tout le monde, maîtres et invités.<o:p></o:p>

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                               Anne CONRAD  « Mon village à la Belle Époque » <o:p></o:p>

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    LE  VILLAGE AVANT 1914<o:p></o:p>

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    Le village se serre autour de son église. Sur la petite place, les maisons sont disposées comme au jeu de l’oie. <o:p></o:p>

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    Quand les hommes se déplacent, ils tombent toujours dans les mêmes cases : c’est le plus souvent un café d’où la règle du jeu les renvoie dans un autre café, en avant ou en arrière ; c’est aussi parfois la boutique du barbier ou la forge du maréchal : dans ces cases la règle veut qu’on laisse passer son tour de jouer, mais c’est bien volontiers qu’on s’attarde à commenter les nouvelles.<o:p></o:p>

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    Les femmes aussi ont leurs cases, où elles vont chaque jour sans manque : la boulangerie, la boucherie et surtout l’épicerie d’où il arrive qu’on ne puisse pas repartir, comme dans le puits. C’est qu’il y a un peu de tout dans ces épiceries de campagne, qui sont à la fois alimentation, bazar, quincaillerie, mercerie.<o:p></o:p>

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    Derrière les carreaux de l’unique fenêtre, s’apercevaient quelques boites de sardines dont l’huile devait être rance, un pain de sucre semblable au bonnet de Pierrot, des paquets d’amidon posés en pyramide, un hareng saur, doré et dur comme un vieux bronze, un bocal contenant du café et, dans des petits sacs transparents, quelques boules d’indigo. Trois bougies en faisceau se balançaient, suspendues par leur mèche, au-dessus d’une fine corbeille débordante de cornets multicolores contenant les fameuses « surprises » qui faisaient battre le cœur des enfants, et de bâtons de chocolat à la crème, vêtus comme des pages, dans leur enveloppe de papier argenté. Un bidon d’huile de colza, un sac de gros sel, quelques caisses de macaroni, de riz, de café, complétaient, à l’intérieur du magasin les approvisionnements que tenait en réserve pour ses fidèles pratiques, la marchande.<o:p></o:p>

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    Pauvre sans gloire ni poésie, cette épicerie est assez fidèlement vue : il dut en exister beaucoup comme elle. Certaines autres au contraire étaient plus fidèles à la promesse orientale de leur enseigne, et, si les épices s’y réduisaient aux grains de poivre, aux clous de girofle ou aux bâtons de vanille, du moins une certaine solennité voire un certain mystère répondait mieux à cette vocation d’apporter l’exotisme au cœur du Forez.<o:p></o:p>

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    On poussait la porte et l’on se retrouvait dans une pénombre où n’apparaissaient que les lueurs du bois ciré de la banque massive, l’éclat du cuivre de la Roberval et des deux moulins à café et à poivre, le reflet des bocaux de verre sur les rayonnages. Dans le fond, un ensemble de casiers de bois sombre, dont les tiroirs portaient le nom des marchandises qui recélaient sur de petites plaques d’émail blanc. Comment ne pas rêver devant les trésors cachés de ce petit univers d’abord si sévère ? Les enfants d’alors, qui n’étaient pas blasés par la publicité télévisée ni par l’avalanche écoeurante des produits étalés dans les « grandes surfaces » pénétraient là comme dans la caverne d’Ali Baba, où mille tentations les assaillaient ; les bocaux de bonbons (sucre d’orge, caramel, boules de gomme) voisinaient avec les bocaux de billes et d’agates ; les « fiardes », on ne connaissait pas le mot toupie en Forez, « avec le paquet de montargis dont on les corde savamment avant de les lancer ». Et puis les joies intellectuelles.<o:p></o:p>

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    Par exemple des cahiers dont les couvertures s’historiaient de scène de bataille ou d’images de bêtes sauvages. Et des porte-plume en bois, en métal, en os, tous plus somptueux les uns que les autres, sans oublier le porte-plume « à lorgnon » qui, avec une lentille pas si grande qu’un œil de moineau, contenait l’image de quelques monuments fameux : Notre-Dame de Fourvière, Saint-Pierre de Rome, ou l’Opéra de Paris.<o:p></o:p>

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    Et d’une boutique à l’autre, la vie du village ressemblait à des parties de jeu de l’oie, sans perdants ni gagnants, car tous se retrouvaient indéfiniment renvoyés au point de départ. Les messes du dimanche et les vêpres, les fêtes solennelles et leurs processions, les enterrements et les mariages, le marché hebdomadaire venaient rompre la monotonie des jours de semaine où la vie se trouvait réduite aux mêmes mouvements qui rythmaient la journée : la ronde de l’allumeur de réverbères, matin et soir, le passage du facteur, la station d’un char sur le poids public.<o:p></o:p>

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    Ainsi au village, vivait-on davantage chez soi qu’en ville, dans des intérieurs minutieusement rangés, vétilleusement propres, véritable prolongement de l’être. Toutes les chambres se ressemblaient : le Christ avec son rameau de buis bénit ; le portrait des parents, le guérison avec son bouquet de fleurs artificielles, la commode lustrée par le chiffon, le fauteuil sous sa housse bleue, le coussin brodé, le brevet de compagnon du grand-père dans son cadre, le lit avec sa couverture blanche au crochet…<o:p></o:p>

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    Le ménage du matin, la préparation du repas, les travaux d’aiguille de la soirée laissaient au temps le temps de passer, si l’on ose dire, de faire sentir le déroulement égal et plein de son cours, rythmé par l’inexorable battement de la grande l’horloge, comme la voix de l’éternité. On entendait que lui, ou, peut-être en prêtant bien l’oreille, le crissement d’un taret dans le pied de la table et, en hiver, l’imperceptible mélopée de la bouilloire sur le fourneau. Si l’on y songe, combien de vies vécues alors dans un silence, une solitude et une pauvreté dignes des ordres monastiques les plus rigoureux ? Combien de vieilles filles, de vieux garçons, saintes petites gens, ainsi laissés seuls, à longueur de vie, devant le mystère de l’être, comme de purs  contemplatifs.<o:p></o:p>

    Extrait de « La vie quotidienne en Forez avant 1914 » par Bernard Plessy<o:p></o:p>

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