• CONTES, LEGENDES, TRADITIONS DE NOTRE REGION

    AMPLEPUIS (Rhône) ET SES ENVIRONS

    (2° partie sur 3)

     

    Texte élaboré par Marcel BEROUD avec la collaboration de M.M. Georges BOURBON et Germain PATAY.

    Groupe de Recherches Archéologique d’Amplepuis (Juillet 1977).

     

    Au mois de mai, pour les Fête-Dieu, il fallait mettre des branchages devant les portes pour empêcher les fourmis d’entrer.

     

    La Belle de Mai, qui préside chaque année au renouvellement des noces de la Terre et du Ciel, est souvent représentée sous la forme d’un rocher brut auquel les mères du pays allaient consacrer leurs enfants. Dans le voisinage de Pontcharra, à Clévy, derrière une croix du XVI° siècle et en face d’une chapelle consacrée à la Vierge chrétienne, il existe, enfoncée au niveau du sol, une pierre de granit percée d’une ouverture qui, peut être a servi à y placer une croix. Cette pierre jouissait d’une renommée très grande et très étendue car on y venait de fort loin afin d’y faire uriner les nouveau-nés. Cette opération, qui n’a d’ailleurs pas complètement disparu, doit protéger les enfants de certaines maladies et leur donner la force de marcher de bonne heure.

     

    L’antiquité de cette pierre est prouvée par la légende qui y est attachée. Selon ce récit, les habitants de Pontcharra, désirant posséder ce monument au milieu d’eux, vinrent un jour pour l’enlever mais ils ne purent même pas réussir à la faire mouvoir. Ils y attelèrent alors quatorze paires de bœufs sans pouvoir pour autant en venir à bout. En désespoir de cause, ils renoncèrent à leurs tentatives et laissèrent le rocher là où il est encore aujourd’hui.

     

    Cette croyance qui veut que les enfants aient de meilleures chances de marcher plus tôt se retrouve (non entachée de paganisme cette fois) à Saint-Fortunat, près d’Amplepuis, petite chapelle dans laquelle, il y a peu de temps encore, la plupart des mamans amenaient leurs enfants pour obtenir cette satisfaction.

     

    Un autre lieu aux propriétés curatives miraculeuses se trouve à Tarare, au Palet de Samson. Ce palet consiste en une énorme pierre plate qui sert de pont pour traverser le ruisseau de Chanillière, près des « noyers dansants », au-dessous du champ où se tenait le sabbat. L’eau, à cet endroit précis, peut guérir, parait-il, certaines maladies et au siècle dernier, certains tarariens assuraient y avoir obtenu des guérisons.

     

    Nous venons de parler de sabbat. Il s’agit  là d’une cérémonie honnie entre toutes dont on ne se hasarde à parler qu’à voix basse, après avoir verrouillé toutes les portes.

    Le sabbat qui se tenait aux portes de Tarare, au lieu dit « la Goutte Frizon », combe situé sous Belair, ne jouissait pas d’une notoriété aussi grande que dans certaines régions. Cependant, il parait que les habitantes de Tarare s’y rendaient secrètement le samedi soir, au plus profond de la nuit, sans que leurs maris le sachent.

     

    Il se passait des choses incroyables que l’on n’ose répéter, mais tous savent que Satan en personne, « Maître Léonard », souvent sous les apparences d’un bouc, y menait des danses échevelées, assisté de sorcières qui arrivaient à travers les airs en chevauchant un balai. On y servait des banquets plantureux, on y pratiquait des danses érotiques, on y hurlait de monstrueux blasphèmes et l’on revenait parfois de ces fêtes redoutables avec une queue de cochon dans sa poche.

     

    Lorsque le christianisme s’impose, ces cérémonies disparurent et les plantes sacrées des sorcières, le selago (genre de la famille des Sélaginacées) et la verveine, ne servirent plus, dans l’esprit populaire, qu’à composer des philtres et autres breuvages enchantés principalement destinés à inspirer de l’amour.

     

    Peut-être est-ce pour punir Tarare de ces débordements qu’une autre légende assure que cette ville est menacée d’un nouveau déluge. Il paraît que l’on peut entendre bouillonner sous terres les flots d’une mer intérieure destinée à noyer tous les habitants. Il faut bien prendre garde à ne pas déplacer une certaine roche qui doit se trouver sur les flancs du Mont Boucivre ( ?) au territoire de la Villette car, alors, les flots seraient libérés et Tarare disparaîtrait.

     

    Pour rester à Tarare, signalons la « Roche Folle », mégalithe qui devrait se situer dans le vallon du Thulin qui s’ouvre sur la rive droite de la Turdine et mène à Saint-Marcel l’Eclairé. C’est un rocher immense faisant partie du sol mais surmonté, au milieu de nombreux débris, d’une pierre conique haute de trois mètres environ posée en équilibre sur quelques autres. Dans la nuit de Noël, à minuit exactement, cette pierre tourne sur elle-même, peut-être actionnée par une fée taquine puisque, sur la rive opposée du Thulin, existait un « chemin des fées », ce qui laisse supposer que ce lieu fut occupé par quelques-uns de ces charmants êtres imaginaires.

    Nous n’avons pas retrouvé cette « Roche Folle » mais, comme il s’agit d’un lieu où se déroulent les compétitions motocyclistes de Tarare, il est possible que les travaux entrepris, soit pour élargir la route de Saint-Marcel, soit pour améliorer le terrain de ce sport, ont fait disparaître ce mégalithe enchanté ?

     

    A Amplepuis aussi d’ailleurs nous avons notre roche qui se soulève pendant la messe de minuit. Il s’agit d’un mégalithe situé au centre de l’oppidum du Bois du Puy. Si monsieur Patay, le sympathique trésorier de notre Groupe, avait creusé encore un peu plus profondément, peut-être aurait-il découvert le druide malicieux qui, une fois l’an soulève cette grosse dalle qu’il a eu tant de peine à dégager.

     

    Parmi les légendes caractéristiques de la victoire du christianisme sur le paganisme, citons celle qui a pour théâtre Saint-Romain-de-Popey.

    Au hameau de Solémy, sur la cime de la montagne, s’élevait autrefois une croix gigantesque qui excitait la haine d’une partie des habitants, encore sous l’emprise des anciennes religions polythéistes. Un jour, une femme, probablement une prêtresse de l’ancien culte, ayant commis un grand crime sur lequel la tradition ne s’explique pas, fut condamnée à porter dans son tablier, sur le haut de la montagne, assez de terre pour enterrer la croix. La malheureuse travailla longtemps et consciencieusement, espérant toujours arriver au bout de ses peines mais, au moment où elle voyait le résultat de son labeur sur le point d’aboutir, la croix s’élevait de son propre mouvement et dominait toujours. Elle mourut à la tâche, ses efforts ayant échoué devant le triomphe de la croix.

    Siç cette femme mourut d’épuisement en transportant de la terre dans son « devantier », ce fut une tout autre aventure qui arriva à une autre personne qui, apitoyée à la vue d’un chat noir qui semblait blessé, le mit dans son tablier pour l’emporter chez elle. Or, plus la femme allait, plus le chat devenait lourd alors que ses yeux prenaient une expression diabolique, jusqu’au moment où, avec un grand ricanement moqueur, le chat sauta du tablier et se transforma en démon. Il est probable que cette femme, comme tant d’autre gens autrefois, fut persuadée par la suite que tous les chats noirs personnifiaient le Diable.

     

    L’histoire de la croix de Saint-Romain-de-Popey est difficile à situer car, au hameau de Solémy, il n’y a pas vraiment une montagne, mais tout juste une petite colline. Peut-être s’agit-il du Crèt de Popey ? Mais alors il est assez loin de Solémy.

    Ce Crèt de Popey tirerait son nom, d’après une tradition rapportée par M. Jean Mirio dans ses « Pages Anciennes », de celui de la femme de Néron qui y aurait séjourné. Cette femme, Poppée, belle et ambitieuse, après avoir été la cause de la mort d’Octavie, précédente épouse de l’Empereur, aurait réussi à se faire épouser par Néron en 62. Avant de le tuer d’un coup de pied au ventre, Néron lui avait, parait-il, organisé à Saint-Romain une vie très agréable pour elle. La légende dit que, chaque jour, Poppée venait se baigner dans les eaux de la Turdine, plus exactement sur la terre de Bully ou jaillissent deux sources ferrugineuses.

     

    Une autre tradition voudrait que ce nom de Popey vienne du grand Pompée qui, se trouvant en mission dans la région en 48 avant J.C., aurait établi un vaste camp retranché à Saint-Romain avec le Crët de Popey comme observatoire. Cette version n’est guère concevable car, historiquement, il ne semble pas que Pompée soit venu jusque dans notre région (pas plus que Poppée, d’ailleurs) et d’autre part, en 48 avant J.C., il se trouvait en Égypte où il fut assassiné précisément cette année là.

     

    Pour rester dans les traditions relatives aux grands personnages, signalons que François I° vint, paraît-il plusieurs fois à Vaugneray pour se livrer aux joies de la chasse. Or il advint qu’un soir il s’égara dans la forêt. Après avoir beaucoup marché, il arriva enfin, harassé, à la hutte d’un charbonnier nommé Molon. Ce dernier vit bien qu’il devait s’agir d’un personnage de quelque importance mais il s’occupa surtout des besoins de son hôte. Le lendemain matin, restauré et reposé, François I° se fit reconnaître et, en récompense des bons soins reçus, donna au sieur Molon le droit de chasse dans les forêts avoisinantes. C’est pourquoi depuis, un bois s’appelle la Molonnnière.

     

    Voici encore une tradition relative à un grand de ce monde. Le 13 avril 1814, Napoléon I°, se rendant à l’Ile d’Elbe après son abdication, s’arrête à l’auberge du Perroquet, au Pin Bouchain. Ayant demandé deux œufs sur le plat à l’hôtesse, il fut effaré, au moment de payer, de ce voir réclamer le prix énorme de 2 livres, soit 48 francs.

    Il demanda alors si la rareté des œufs dans la région justifiait un pris aussi élevé, à quoi l’hôtesse répondit que ce qui n’était rare n’étaient pas les œufs, mais les Empereurs. Ce fait est-il exact ? Nous sommes très sceptiques à ce sujet car nous avons entendu raconter la même histoire dans beaucoup de régions de France et pourtant, si nous devons croire que cette aventure est bien arrivé à Napoléon, c’est au Pin Bouchain qu’elle nous paraît la plus vraisemblable et ceci pour deux raisons. D’abord, la précision  des dates et des détails qui furent repris et illustrés par un journal du début du XX° siècle et, ensuite, la personnalité de l’hôtesse, Sophie Viallier, plus connus sous son prénom de « La Sophie ».

     

    C’est que la Sophie était une maitresse femme qui enfourchait un cheval comme un dragon et conduisait de temps à autre la malle-poste de Tarare à Roanne pendant que son père tenait l’auberge. Rien d’étonnant à ce qu’ne telle femme ait eu la réplique nécessaire pour bénéficier au mieux du passage d’un haut personnage.

    D’autant plus qu’elle ne manquait pas d’humour si l’on en croit le trait de caractère suivant rapporté sur son compte : ayant eu six filles, elle avait coutume de dire : « Chacune de mes filles à un frère » ce qui, au premier abord, faisait penser qu’elle avait également six garçons alors qu’elle n’en avait qu’un. Sans conteste pourtant, ce garçon était bien le frère de chacune des filles.

     

    (A SUIVRE)…


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    NOS  QUATRE VENTS DANS LE PILAT (LOIRE).

     

    Je suis le Vent

     

    Ouvrez les gens ! Ouvrez la porte !

    Je frappe au seuil et à l’auvent.

    Ouvrez les gens ! Je suis le Vent

    Qui s’habille de feuilles mortes.

     

    Entrez, Monsieur, entrez, le Vent

    Voici pour vous la cheminée

    Et sa niche badigeonnée

    Entrez chez nous, Monsieur le Vent

     

                                                                             Emile VERHAEREN

     

     

    Chez nous les quatre vents s’appellent : le « matinal », la « bise », la « traverse » et le « vent ».

     

    Le « vent », ainsi désigne-t-on, dans nos campagnes, le vent du Midi. C’est le vent qui balaie les champs, affole les blés, tourmente les arbres en secouant les fruits et va jusqu’à détacher les raisins des ceps. Car, pour la violence et la durée de ses colères, le vent du Midi ne connaît pas de rival. C’est notre Mistral à nous, un Mistral chaud et qui court du Sud au Nord, alors que le vrai galope du Nord au Sud. Il souffle en toute saison. Aux mois de Mars et Avril, il déchaîne la vie, fait éclater les bourgeons, allume la flamme des pêchers en fleurs. C‘est le vent des résurrections ; mais, aux jours de Novembre, il précipite la débâcle des feuilles, les arrache aux arbres et amène les grandes pluies froides qui préludent à l’hiver. En hiver, il fait de brèves apparitions ; c’est l’ennemi de la neige dont il hâte la fonte et qu’il transforme en boue liquide.

     

    La « bise », au contraire, conserve la neige. Elle avive la lueur des étoiles dans les froides et claires nuits d’hiver, les nuages s’évanouissent à son souffle. En été, elle préside aux longues périodes de beau temps et tempère, par sa fraîcheur, les jours brûlants de Juillet et d’Août.

     

    D’après Frédéric Mistral dans son poème du Rhône, c’est sur les hauteurs de Condrieu,  vers le Mont Monnet, que la bise se renforce et devient peu à peu le vent qui porte son nom. Celui-ci s’en va « crescendo » à travers les plaines de Valence et de Montélimar, les défilés de Saint-Vallier et de Donzère, pour se répandre comme un fou furieux sur la région provençale.

     

    Quant à la « traverse », elle nous vient de l’Océan, en passant par-dessus le Pilat, après avoir franchi plusieurs centaines de kilomètres. La traverse règne souvent en Mars et Avril. C’est elle qui préside aux folles giboulées de Mars. En été, la traverse est souvent maudite car c’est elle qui chasse la pluie si souvent désirée en cette saison. C’est elle aussi qui, huit fois sur dix, nous amène du Pilat les orages de grêle.

     

    Furtif et rare, le « matinal » est un vent de transition qui, chez nous, ne dure que quelques heures. Malgré son nom, il se déclare souvent le soir au coucher du soleil et, dès le lendemain avant midi, il cède sa place au vent du midi. On dit d’ailleurs que « quand prend le matinal, le vent du Midi monte à cheval ». En hiver, il lui arrive pourtant de tenir plusieurs jours de suite et c’est au cours de son règne que la température descend le plus bas. Rien n’est glacial comme un lever de soleil en Janvier ou Février par le matinal.

     

    Ce vent n’amène ni la pluie, ni le grêle ; il lui arrive pourtant d’être plus funeste que les tempêtes à grand fracas, car c’est lui qui, par les purs matins d’Avril et de Mai, gèle les vignes et la floraison des arbres fruitiers, anéantissant sur de grandes surfaces les espérances du vigneron et du producteur de fruits. Silencieux désastre sur lequel, pour l’achever, se lève un soleil magnifique.

     

    Tels sont les quatre vents de chez nous.

     

     

    Claude Aurèle JUTHIER, revue n° 4  « DAN L’TAN » de l’association : Visage de notre Pilat

     

     

     

     


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  • CONTES, LEGENDES, TRADITIONS DE NOTRE REGION

    AMPLEPUIS (Rhône) ET SES ENVIRONS

    (1° partie sur 3)

     

    Texte élaboré par Marcel BEROUD avec la collaboration de M.M. Georges BOURBON et Germain PATAY.

    Groupe de Recherches Archéologique d’Amplepuis (Juillet 1977).

     

    Depuis les origines, l’homme subi ou admire les différentes manifestations de la nature et, comme son incompréhension était trop grande pour en deviner les causes, il était persuadé que tout ce qu’il lui advenait de bien ou de mal provenait d’esprits surnaturels.

     

    A ces esprits, il fallait bien donner des formes et l’homme leur attribue une image ressemblant à la sienne propre, avec, souvent, une partie animale suggestive de la qualité ou du défaut prédominant chez l’animal en question.

     

    On peut diviser en trois catégories ces êtres imaginaires :

    • Les bons.
      • Fées remarquables par leur beauté, leur esprit, leur grâce et leurs pouvoirs extraordinaires.
      • Farfadets taquins et malicieux.
      • Lutins espiègles.
    • Les méchants.
      • Gnomes hideux et difformes.
      • Sorciers et sorcières
      • Satan (leur chef à tous).
    • Démons et Génies. Qui peuvent, selon les circonstances, être bons ou mauvais.

     

    Au fur et à mesure du développement intellectuel de l’homme et aujourd’hui, grâce à la science, beaucoup de faits qui paraissent bien mystérieux sont devenus très clairs.

     

    C’est le cas, par exemple, du feu follet, flamme légère et fugitive, produits par les émanations de phosphure d’hydrogène, spontanément inflammable, phénomène qui peut se voir au-dessus des lieux ou se décomposent des matières organiques, donc principalement dans les cimetières.

     

    Il est évident que, jadis, les feux follets devaient inspirer une grande terreur à ceux qui les apercevaient car il ne pouvait s’agir là que de l’âme d’un mort qui sortait, la nuit, de son tombeau, parce que son repos éternel n’était pas assuré.

    Aussi rares devaient être les passants qui osaient côtoyer un cimetière à minuit et ceux qui s’y trouvaient forcés par les circonstances devait multiplier les signes de croix et les prières.

     

    Bien que les superstitions tendent à disparaître, il n’en reste pas moins que les croyances populaires ont la vie dure et que les siècles n’ont pas toujours suffi à les effacer complètement. Encore aujourd’hui, bon nombre de gens ne passeraient pas sous une échelle, ou ne supporteraient pas que leur pain soit placé sur le dos ; ces cas cités parmi beaucoup d’autres.

     

    Toutes les légendes qui existèrent ne durent pas être crées spontanément. Il dut y avoir une cause à leur origine, un évènement inexplicable pour les gens du moment qui l’attribuèrent à quelque génie bénéfique ou maléfique selon les conséquences heureuses ou malheureuses qui en résultèrent sur leur vie de tous les jours.

     

    Citons un exemple étonnant : en Europe, nous représentons les sorcières chevauchant un balai lors des sabbats. Or, dans certaines civilisations précolombiennes, les sorcières étaient représentées par la même image alors qu’il n’existait pratiquement aucun contact entre l’Europe et l’Amérique. Il y eut donc certainement un évènement qui fut visible sous les deux longitudes, probablement le passage d’une comète dont la forme donna naissance à cette figuration.

     

    Beaucoup de légendes proviennent certainement aussi de la religion druidique car les druides celtes jouèrent un rôle important et l’influence qu’ils exercèrent à la fois bénéfique et néfaste, marqua profondément le monde celtique.

    Les druides, prêtres itinérants, étaient très jaloux de leurs prérogatives. Ils officiaient dans des lieux discrets qu’ils entouraient d’une aura mystérieuse pour en écarter les importuns et ne transmettaient leurs connaissances que par voie orales aux jeunes gens admis dans leur cercle pour leurs qualités intellectuelles indéniables.

     

    Il est facile d’admettre qu’une légende, même sommaire, ayant pris naissance au temps des Celtes ou antérieurement, qui a fait l’objet de narrations au coin du feu par une centaine de générations ou sur les places publiques par les conteurs et bardes de plusieurs siècles, puis chantée par les trouvères ou troubadours et enfin racontée par les poètes ou écrivains, nous arrive sous une forme extrêmement embellie n’ayant plus beaucoup de points communs avec son origine et ceci explique les contes étranges qui sont parvenus jusqu’à nous.

     

    Parlons d’abord des fées car ce sont certainement les êtres les plus populaires et les plus gracieux parmi tous les bons génies.

    La fée, incarnation de la femme jeune et belle, aimait hanter les clairières et les vallons verdoyants. Elle se baignait dans les limpides cours d’eau, mais il n’eut pas fallu qu’un mortel osât se permettre de la regarder lors de ses ablutions car, quoique bonne, elle eut certainement châtié l’indélicat. La fée se plaisait parfois aussi à entraîner le voyageur solitaire et à le laisser s’égarer au fond de quelque sombre forêt.

     

    De toutes parts des légendes concernant les forêts sont attachées à quelque lieu, source ou amoncellement de rochers principalement, que ce soit auxSalles, à la Goutte Frizon, à Amplepuis, à la Roche Folle, etc.

     

    La région d’Amplepuis-Tarare n’était pas gâtée au sujet des fées. En effet, il semble que partout ailleurs ces êtres étaient de splendides jeunes femmes vêtues de robes vaporeuses, souvent coiffées d’une espèce de hennin et tenant dans une main leur baguette magique étincelante. Chez-nous, au contraire, elles étaient, parait-il, fort laides et vêtues d’un pelage épais de couleur sombre.

     

    Il était possible autrefois de s’assurer de la véracité de ces affirmations car les habitants de Saint-Appolinaire pouvaient dire le jour et l’heure où les fées allaient laver leurs hardes dans le ruisseau qui passe près du hameau de Sousi, situé à la limite de la commune jouxtant celle de Dième. Il était donc facile de les guetter et de vérifier l’exactitude des récits populaires sur leur compte.

    Il y a très longtemps, Amplepuis était peuplé de fées mais, lorsque le christianisme victorieux terrasse le druidisme, elles quittèrent définitivement le village.

     

    A cette époque, les habitants vivaient bien tranquilles, ne se souciant probablement que de pêche, de chasse, et les jours de grandes fêtes d’aller adorer Teutatès ou Taranis vers quelque cromlech lorsqu’un jour, un prêtre étranger pénétra dans le village. L’émoi fut grand car le missionnaire (c’en était un) prononça quelques prières, lut un certain évangile et, aussitôt, les fées s’enfuirent toutes en poussant des cris lamentables, maudissant les habitant qui écoutaient le nouveau venu et jurant qu’elles ne reviendraient que lorsque les feuilles de houx tomberaient.

    Elles allèrent alors se réfugier dans une futaie connue sous le nom de Bois de Fayoules, ou des Fées, dans laquelle se trouvait une vaste agglomération de roches énormes. Saisissant ces blocs pesants elles s’en construisirent des demeures où elles s’établirent, loin de la ville maudite ou dominait le prêtre qui les avait chassées. Une fois fixées dans leurs grottes artificielles, leur sein perdit de sa fécondité mais le sentiment de l’amour maternel leur resta. Ne pouvant satisfaire à ce penchant, elles en furent réduites à dérober des enfants que des familles chrétiennes laissaient seuls à la maison tandis qu’elles allaient entendre prêcher la nouvelle doctrine.

     

    Ou se trouve donc ce Bois des Fayoules ? D’après ses recherches vers 1870, Melville Glover le situait entre Amplepuis etSaint-Claude mais nous n’avons pas connaissance de l’existence dans ce secteur d’amoncellement de grosses roches. Il en est de même pour le bois des Fayoules situé entre Saint-Fortunat etJoasson. Par contre, nous verrions très bien les fées se cacher à Rochefort ou au Bois du Puy ou des rochers imposants et chaotiques peuvent se prêter facilement à l’élaboration de légendes.

     

    D’après certains auteurs, il y aurait eu autrefois une autre catégorie de divinité secondaire qui jouissait largement de la sympathie générale. Ces génies, qui étaient désignés sous le nom général de « Maïa », présidaient à tous les actes de notre vie, nous suivaient pas à pas et nous récompensaient ou nous châtiaient selon nos mérites divers.

    Cette croyance, dont on ne retrouve d’ailleurs que très peu de traces, aurait en quelque sorte précédée celle instaurée par le christianisme d’après laquelle chacun de nous a son ange gardien qui veille continuellement à sa sécurité, le défendant contre les attaques insidieuses du démon.

     

    Il ne semble pas que ce nom de Maïa ait quelque rapport avec la plus belle des Pléiades, filles d’Atlas et de Pléïon qui aimée de Zeus, donna le jour à Hermès.

     

    Devenu une étoile, Maïa, chaque année, par sa conjonction avec le Soleil, nous annonce le printemps et la venue du mois qui porte son nom : Mai.

     

    De l’ancienne fête de la Terre qui se célébrait au renouvellement de l’année, il ne nous est guère resté que la coutume de « chanter le mai », coutume très amusante, d’ailleurs, qui consiste à former des groupes de jeunes (et même de moins jeunes) qui, nantis de quelques instruments de musique et de paniers, vont de ferme en ferme ou de maison en maison, dans la nuit du 30 avril au 1° mai, chantant l’espoir que le mois de mai « pendant lequel les rosiers boutonnent » verra un renouveau florissant des cultures et de l’amour car « toutes les filles qui ont un serviteur recevront un bouquet de fleurs liés d’or et d’argent ». En contrepartie, les bénéficiaires de ces chansons nocturnes remettront, d’assez bon gré, quelque présent aux jeunes gens, principalement des œufs, ce qui procurera l’occasion d’organiser un mâchon un peu plus tard.

     

    Une coutume du 1° mai, qui était générale en France mais qui ne semble pas avoir été pratiquée à Amplepuis, consistait à planter au cours de la nuit un arbre vert et enrubanné devant la porte d’une personne que l’on voulait spécialement honorer. Il y avait aussi le 1° dimanche de mai, la bénédiction des croix. Les gens, surtout ceux de la campagne, apportaient de gros paquets de petits bâtons de noisetier, soigneusement écorcés, pour les faire bénir. Une extrémité de ces bâtons était fendue pour permettre d’y insérer transversalement une autre baguette afin de figurer une croix :

     

    On plaçait ensuite ces petites croix dans les champs afin que les récoltes soient protégées.

     

    On en mettait également dans chaque puits pour qu’il ne tarisse pas.

     

    Ces coutumes, disparues d’Amplepuis, sont encore pratiquées dans certaines régions de France.

     

     

    (A SUIVRE)…

     

     

     

     


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