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    Une légende de SAINT-VICTOR-SUR-RHINS :

     

    « LA CAPUCHE DU MOINE »

     

    Sur un pré d’Amplepuis qui fait limite avec St-Victor, un curieux mégalithe surveille, impassiblement la route de la vallée qui mène à notre village.

    Dominant le Moulin Blanc, sur la rive gauche, il se dresse à flanc de colline au-dessus du lieu-dit la Rivière. Vu de cet endroit, il ressemble étonnamment à une tête de moine couverte de sa capuche.

    Depuis des temps immémoriaux, les anciens des hameaux de Bernisse, Pirolet, Marvallin, Pierroland…l’avaient baptisé « La capuche du moine »… et durant les longues veillées d’hiver, les grands-mères en racontaient l’histoire à leurs petits enfants attentifs :

    « Il y a très longtemps, dans notre abbaye de St-Victor, il y avait un moine bizarre. Il avait été envoyé là par le grand monastère de Cluny. Il fallait un moine fort et qui en impose à cette époque où notre petite communauté donnait l’hospitalité d’un soir, à toutes sortes de « passagers » : des pèlerins vers Saint-Jacques de Compostelle ou Le Puy, des mendiants…

     

    Et c’est comme cela qu’était arrivé un beau jour, dans l’obédience de St Victor, un moine nommé Johannes de Tincto. C’était un grand gaillard, barbu, avec un long nez et des yeux étrangement enfoncés dans leur orbite. Brun, les cheveux mi-longs, il parlait peu. Son appétit médusait les trois autres religieux. A lui tout seul, il dévorait l’un des deux poulets rôtis au feu de bois…Quasiment réservée pour lui, il avait accaparé la vieille jument du couvent qu’il rudoyait sans raison. Autre détail surprenant, il portait en permanence, attaché à sa ceinture, un fourreau de cuir d’où émergeait le manche d’un long couteau…

    Certaines nuits poussant le portail dont les gonds crissaient dans l’obscurité, il enfourchait sa monture et partait seul quelque part battre la campagne. Et au petit matin, ses confrères le voyaient revenir l’air fourbu, rapportant, attachés à sa selle, une volaille, un lapin mort dont personne n’aurait osé lui demander la provenance.

    Une nuit d’été où notre noctambule avait à nouveau déserté le cloître, un orage sans précédant éclats sur nos collines. Au milieu des éléments déchaînés, un éclair gigantesque, striant le ciel, vint percuter les prairies pentues de La Rivière, ponctué d’un épouvantable coup de tonnerre.

     

    Le lendemain, les paysans du hameau, croyant à une hallucination, virent au milieu de leur pré, un énorme rocher représentant une tête de moine couverte de sa capuche.

    Plus jamais, on ne vit revenir Johannes dans le monastère de St Victor.

    Nos anciens disaient que, puni pour sa méchanceté et sa désobéissance, le ciel l’avait pétrifié là, condamné à surveiller jusqu’à la fin des temps les voleurs et brigands qui pourraient se rendre à St Victor.

     

    La légende rejoint la réalité, car voici en vérité ce que les historiens chercheurs  (des CHEMINS DU PASSE) ont décrypté sur le compte-rendu d’une visite faite par les moines délégués par Cluny le 12 mai 1329 :

       « Il y a aussi, dans ledit prieuré, un moine nommé Johannes de Tincto qui est accusé de nombreuses incontinences. Beaucoup d’interdits ont été prononcé contre lui par le sacristain de Cluny comme nous en avons la preuve. Comme il le nie, il est parjure.

    Par ailleurs, malgré les statuts de l’Ordre, il sort souvent la nuit pour « pécher », et encourt la sentence d’excommunication. Bien qu’il nous ait dit qu’il ne sortait que pour des choses honnêtes et permises, il est au contraire prouvé qu’il sort à pied ou à cheval, portant un glaive et errant dans les villages et les campagnes ».


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    LA POSTE A SAINT-VICTOR-SUR-RHINS

     

             En 1850, d’après l’organisation des Postes, Saint-Victor se trouve desservi par un facteur rural (1) de la ville de Thizy.

     

    Ce service n’est pas régulier et très négligé…Ce ne sont que des vieux chemins abandonnés ou des sentiers très difficiles à parcourir surtout en hiver où le service se trouve journellement entravé.

     

    De surcroit, nous n’avons point de service le mercredi où le facteur ne sort point du marché de Thizy, car il y trouve la majorité de ses gens… Aussi le Conseil municipal de Saint-Victor exprime le vœu que le village soit desservi par Régny où il vient d’être établi un bureau de Poste…

     

    On en est encore, à ce moment-là à une seule boîte aux lettres fixée au mur de la mairie.

     

    Un arrêté ministériel, en date du 11 juillet 1895, arrive enfin à la mairie, « portant création d’un établissement de facteur-receveur (2) dans la commune, à condition que la location des locaux de fonctionnement et de logement du titulaire ne dépasse pas 150 frs par an ».

     

    Le 11 août, Mr Delargeville Emile, Directeur des P. et T. de la Loire à Saint-Etienne, envoie au maire Bécot un projet de bail voté l’unanimité par les élus.

     

    Le loyer annuel sera en fait de 150 frs/an payés par les P. et T. et 100 francs par la commune. Les locaux sont loués à Mr Micoud propriétaire à Saint-Victor.

     

    Avec le « local de fonctionnement » arrive quelques temps après, l’installation du télégraphe. C’est un émerveillement pensez donc, en tapant sur un levier manipulateur en laiton, une bobine déroule un ruban de papier ou s’inscrivent des traits et des points…et il parait que ces signes simples qui représentent des lettres, sont reproduit au même instant sur un appareil semblable installé à des centaines de km de là, dans le pays du destinataire de cette « dépêche ».

     

    En 1904, l’un des conseillers, M. Oby, fabricant de tapis, intervient lors d’un Conseil :

    « La commune de St-Victor ayant 2 fabriques de cotonnades, 2 fabriques de tapis, un atelier de décreusage de cocons…les tournées du facteur-receveur ne permettent pas de recevoir le courrier de Roanne à midi…, le bureau n’étant ouvert qu’une demie heure le matin, il est impossible de recevoir du courrier entre 7 h ½ du matin et 7 h ½ du soir.

    Le Bureau du facteur-Receveur ne peut traiter les opérations de Caisse d’Épargne ; il ne peut émettre de mandats internationaux que pour quelques pays seulement…Il est demandé de le transformer en Recette simple des Postes et Télégraphes… »

     

    Arrive 1906, c’est le téléphone : on en parle dans les bistros et les chaumières : « Il paraît que d’ici, on pourra, en quelques minutes, parler à quelqu’un à Paris ou à Bordeaux…et même à l’étranger ».

    Réponse d’un de nos grands–pères : « A c’te distance, on doit pas entendre grand-chose ».

     

    Après discussion, les conseillers acceptent l’installation d’une cabine téléphonique dans le local du receveur et votent « une indemnité annuelle de 100 francs au facteur-receveur pour se faire remplacer, et de 50 francs au distributeur de télégrammes ».

     

    En 1934, le Conseil municipal donne son accord à l’installation gratuite, par les P.T.T., de postes téléphoniques « à la condition qu’une personne se charge de tenir gratuitement ce poste à la disposition du public.. »

    Il est décidé que : ces installations pourront avoir lieu dans les hameaux de :

     

    ·        Péricard (M. Patay Alphonse)

    ·        Chamussy (M. Presles Joannès)

    ·        La Blancherie (M. Buffard Henri)

    ·        Le Gd Paquet (M. Subtil Michel)

     

    En 1929, il y a 11 abonnés au téléphone à Saint-Victor (annuaire téléphonique de la Loire) :

     

    7         Barberet-Bérot (A) Hôtel des Voyageurs

    8         Borce-Bertin, buffet gare St-Victor-Thizy

    2        Chalumet-Luquet et Cie, industriel

    1        Chassagne et Cie, effilochages

    6        Combier et Cie (Les succ.) tissage mécanique

    10    Duret (Louis), boucher

    4         Ferrari (L), tissage mécanique

    9          Fouilland (E), boucherie, hôtel

    5        Giraudière, buffet S.V.C. gare de St-Victor à Thizy

    11   Gondrand Frères, Sté française de transports

    3         Passot (Jean), tissage mécanique.

     

    En l’an 2000, l’Annuaire de France-Télécom comporte 367 abonnés.

     

    Depuis 1923, on avait fait installer pour la somme de 40 frs « …une boîte aux lettres mobile à la gare, vu qu’elle rendait de réels services à la population de St Victor et aux nombreux voyageurs qui prennent ou quittent le train… en raison des embranchements de Thizy  et de Cours ».

     

    Longtemps ancrée dans « la maison Chenaud », en bas et à gauche de la Rue de la Côte. Le Bureau de Poste se voit réserver une place de choix dans la maison Bajard achetée par la municipalité en 1965.

     

     

    (1) Le facteur rural apparaît officiellement avec l’application de la loi de juin 1829 : le 1er juin 1830. 

     

    La loi de 1829 instaura :

     

    ·        La distribution et la collecte du courrier dans toutes les communes rurales dépourvues d’établissement postal. 

    ·       
    La mise en place dans chaque commune d’une boîte aux lettres.

     

    ·        Il faut que le facteur sache lire et écrire et  soit assez sportif d’où le choix de nombreux anciens militaires dans le recrutement.

     

    En 1830, les tournées étaient difficiles et longues (parfois jusqu’à 40 kilomètres). A cette époque, les distributions (dans le principe) devaient avoir lieu un jour sur deux.

     

    A partir de 1832, et sur demande des communes, la distribution commence à devenir journalière. Mais il faudra attendre de nombreuses années pour que toutes les communes reçoivent la visite du facteur tous les jours  

     

    (2) Le terme de « facteur-receveur » remplace celui de « facteur-boitier ». Il s’agit d’un type secondaire d’établissement postal à partir de 1850 ; où le titulaire combinait à la fois les fonctions de distributeur, facteur et commis.

    Il triait le courrier, attendait les clients en boite postale, puis faisait sa tournée en levant les boîtes, et revenait pour tenir le guichet pour les affranchissements et le financier.

     

     

     

     

     

     

     


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    Accident de Mgr Berlier, premier évêque du Niger

    (Vendranges 15 mars 1962)

     

     

    Ayant célébré la messe chez les Sœurs Bénédictines de Pradines où se trouve la sœur du Père Matrat de Maradi, en allant à Saint-Etienne, la voiture du Père Berlier dérape sur le verglas dans la côte de Vendranges et culbute par-dessus le talus au bord d’un profond ravin.

     

    Aplatie et cabossée, la voiture n’a pas le force de continuer sa dégringolade.

     

    Les passagers s’n sortent avec plus de « bleus » que de mal. Le Père Cournault a une côte endolorie. Le Père Brosse qui venait de présenter aux Bénédictines son film sur le Niger : « Irkoy-Fonda » (Le Chemin de Dieu) a le nez cassé. Hyppolite Berlier, bien cramponné au volant, a les épaules légèrement talées !

     

    Rien de grave : quarante huit heures après, il pourra reprendre l’avion  et retrouver son diocèse.

     

                                          André Berthelot (Hippolyte Berlier: (1919 - 1992) ; rédemptoriste ; premier évêque du Niger ...)

     

     

     

    C’est en 1946 que les premiers Rédemptoristes arrivent au Niger, ce territoire encore occupé par la France et qui ne deviendra indépendant qu’en 1960. Il comprend alors également la partie de la Haute-Volta – futur Burkina Faso – qui correspond au diocèse de Fada N’Gourma. Ces deux pays sont parmi les plus pauvres de la planète. Ils vivent essentiellement de l’agriculture (mil, sorgho, haricot etc.) et de l’élevage ainsi que de quelques cultures d’exportation comme le coton ou l’arachide. En outre, le Niger a de l’uranium, exploité dans l’extrême nord du pays, mais les cours n’ont cessé de diminuer et cette « richesse » ne rapporte plus grand-chose au pays. De plus, il ne pleut que deux mois par an et les précipitations sont capricieuses. Il faut aussi compter avec les criquets qui font chaque année des ravages. On comprend alors la précarité dans laquelle vivent les gens dont certains doivent émigrer périodiquement vers la Côte. Ces deux pays comptent environ 12 millions d’habitants chacun. Cette population se répartit en un certain nombre d’ethnies ayant chacune leurs coutumes et leur langue. Les frontières héritées de la colonisation divisent ces peuples qui appartiennent désormais à des entités politiques différentes. Si le Niger est en grande majorité musulman depuis longtemps, le Burkina Faso comprend environ un tiers d’animistes et deux millions de catholiques organisés en 13 diocèses, tous les évêques étant africains.

    ENGAGÉS POUR LE DÉVELOPPEMENT :

    Dès leur arrivée dans cette région, les Rédemptoristes ont compris que l’évangélisation, c'est-à-dire, l’annonce de la Bonne Nouvelle de l’Évangile passait obligatoirement par une amélioration des conditions de vie de la population, et l’acquisition de son auto suffisance alimentaire. D’où la construction de dispensaires, d’écoles, de centres de formation professionnelle ; l’élaboration de projets de développement : puits, barrages, digues, jardins, garages etc. Et cela, tout en veillant à ce que les gens puissent s’en sortir par eux-mêmes le plus vite possible. D’où la formation de cadres qui prirent peu à peu leurs responsabilités à tous les niveaux.   L’aide qui continue d’arriver parcimonieusement des pays occidentaux n’est pas désintéressée et une bonne partie sert à éponger la dette qui continue de s’accumuler. Les organisations non gouvernementales (ONG) prennent alors de plus en plus de place aussi bien sur le terrain que dans la coopération avec le gouvernement.

    NAISSANCE D’UNE PETITE ÉGLISE :

    Dans le domaine religieux, de petites communautés chrétiennes émergèrent progressivement dans différentes localités, souvent à l’initiative des gens eux-mêmes comme ce fut le cas à Dolbel, en pays songhay. Là-bas, c’est un militaire nigérien, Antoine DOURAMANE, devenu chrétien dans l’armée française qui s’est fait missionnaire de son peuple. Dans la région de Fada N’Gourma, au Burkina, c’est le monde gourmantché qui s’est ouvert au Christ. Ainsi, année après année, une petite Église s’est construite à l’image des celle des premières communautés chrétiennes. Mgr Berlier, rédemptoriste, premier évêque du Niger, a posé les bases d’une amitié solide avec les Musulmans. Aujourd’hui décédé, il reste une figure marquante de ces temps apostoliques. Des jeunes ont à leur tour entendu l’appel du Seigneur et sont mis à son service. Certains sont devenus prêtres, d’autres religieux ou catéchistes. C’est entre leurs mains désormais que l’avenir se trouve.

    LA RELÈVE :

    En ce qui concerne les Rédemptoristes de cette région, près de la moitié sont maintenant des Africains d’origines diverses : Burkina, Niger, Togo et Bénin. D’abord « regardants » au moment de l’éclosion de leur vocation, ils suivent ensuite leur formation philosophique et théologique dans les séminaires de Ouagadougou, mais vivent en fraternités. Leur noviciat, ils le font à Fada, accompagnés par le père Sami Samaïla, nigérien. Ils ont ensuite l’occasion de faire une année de stage dans l’une de nos communautés. Durant les longues années de formation, il leur demandé de prendre un engagement au service des plus abandonnés. C’est ainsi qu’à la communauté Saint Gérard de Ouagadougou, les étudiants ont constitué deux groupes d’action : l’un accueille des enfants handicapés encéphalopathes ; l’autre met en place et suit des petits projets de développement pour les nécessiteux du quartier. Après leur formation ils sont alors prêts à prendre la relève et à s’engager à la suite de saint Alphonse de Liguori pour évangéliser les pauvres et se laisser évangéliser par eu


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                                Illustration : corps momifiés de Palerme en Sicile.

     

    NOVEMBRE LE MOIS DES MORTS

    Santa Maria della Concezione dei Cappuccini, Rome

    Le Santa Maria della Concezione dei Cappuccini (Notre Dame de la Conception des Capucins) est une église dédiée à la Sainte Vierge Marie, située sur Via Veneto, à proximité de la Piazza Bernini à Rome. L'église a été commandée par le pape Urbain VII en 1626 et abrite de belles peintures telles que "L'Archange Saint-Michel" de Guido Reni, "Saint François recevant les stigmates" du Dominiquin, et "Saint François priant" du Caravage. En 1646, le cardinal Antonio Barberini, capucin et fondateur de l'église, a été enterré dans l'église Santa Maria della Concezione dei Cappuccini.


    L'une des raisons de sa renommée est son ossuaire, lieu de repos de plus de 4000 moines capucins, connu comme la crypte des Capucins. L'intérieur de l'église a été conçu par Antonio Casoni, et la façade et l'entrée ont été légèrement reconstruites au 20e siècle. On 'appelle aussi l'« l'Église des Capucins » ou « Notre-Dame de l'Immaculée ».

     

    A Rome le 2 novembre, la foule des fidèles se rend d’ordinaire aux Capucini.

     

    La partie intéressante de ce couvent est le cimetière souterrain, établi en dehors de l’église. Rien de plus étrange que cette manière de catacombe. Sept ou huit salles voûtées la composent.

     

    Les parois cachent leurs pierres nues sous une mosaïque de crânes et d’ossements, et des niches sont pratiquées dans ce revêtement sinistre : ce sont les tombes toujours ouvertes des derniers capucins morts.

    Ceux-ci s’y dressent debout dans toute leur raideur cadavérique, vêtus de leur robe brune est coiffés de leur capuce.

     

    Appliquée sur leur poitrine et maintenue par les bras rapprochés, une lourde croix noire dessine sur la bure sa silhouette sombre.

    La discipline et le rosaire pendent noués sur le squelette. Un cartouche indique le nom du mort et la date de son décès ; et des ouvertures grillées jettent sur cet ossuaire un jour douteux. Des côtes, des omoplates, des tibias, des cranes, formant des arceaux, des voûtes, ou des trumeaux, encadrent quelque motif principal, qui est presque toujours un sablier fixé entre deux ailes de chauve-souris, et symbolisant la rapidité du temps.

     

    Le jour des Morts, ce lieu funèbre s’éclaire d’une manière plus lugubre encore : dans les crânes, des cierges sont introduits et allumés ; leurs flammes piquent de points d’or ce réduit sépulcral, et une lumière jette des lueurs vacillantes sur ses ossements jaunis.

     

    Nota : il existe d’une manière sensiblement égale :

     

    Les catacombes capucines de Palermesituées en Sicile. Elles abritent des corps ayant fait l'objet d'une momification pour les voir :

    http://deedoolife.blogspot.com/2008/11/acidpop-les-catacombes-capucines-de.html

    Si vous avez le cœur fragile, mieux vaut s'abstenir.

     


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    P L I E U S E

     

    Plieuse: celle qui prépare le mort pour l'ensevelissement (l'habille et le « plie », l'enveloppe dans un linceul) et qui veille le corps.

         (La Diana, Société historique et archéologique du Forez, Montbrison 1975)

     

    Vieille fille sans avoir,

    Elle manie au lavoir

    Tout le jour son lourd battoir,

    Et chante même, oublieuse

    De son métier de la nuit ;

    Mais, dès que le soleil fuit,

    La lavandière est plieuse,

     

    Plieuse du linge blanc

    Qu’elle rapporte en tremblant,

    Sur la tête ou sur le flanc,

    De la lointaine rivière ?

    Non, mais plieuse des morts,

    Dont il faut coudre le corps

    Dans la chemise dernière…

     

    L’Angélus tinte au clocher :

    Les vivants vont se coucher ;

    La mort qu’on n’ose toucher,

    Dans sa rigide posture

    Attend une douce main

    Qui lui mette pour demain

    Son habit de sépulture.

     

    La Plieuse sort sans bruit

    Et, sous la lune qui luit,

    Seule son ombre la suit…

    Un chien vaguement aboie…

    Elle monte chez le Mort

    Que déjà travaille et mord

    Le ver éclos de sa proie.

     

    Puis, sous le pâle reflet

    Qui traverse le volet

    Et qui fait un peu moins laid

    Le pauvre cadavre blême,

    La Plieuse, sans dégout,

    Lave, arrange, drape, coud

    Son habit, pour tous le même…

     

    « Plieuse, va doucement !

    Que j’aie encore un moment

    Mon blondin au front charmant…

    Voilà de la toile fine ;

    Fait-lui son nid bien douillet,

    Afin que s’il s’éveillait

    Il se crût sur ma poitrine.

     

    « Plieuse, c’est mon amant

    Dont tu couds le vêtement ;

    Mets-y pour tout ornement

    La marguerite flétrie

    Qu’à mon corsage il piqua

    Le premier soir qu’il risqua

    Son aveu dans la prairie… »

     

    « Plieuse, c’est mon époux !

    Il fut fort, vaillant et doux

    Mais une mauvaise toux

    L’a ployé comme une gerbe,

    Mettons-lui des habits lourds,

    De la laine et du velours :

    Il doit faire froid sous l’herbe !... »

     

    « Plieuse, c’est mon orgueil

    Que tu couches au cercueil ;

    Et je mourrais de mon deuil

    Si celle qui m’est ravie

    En me léguant quatre enfants

    Ne m’eût dit : « Je te défends

    « De leur dérober ta vie »

     

    Mais avant de recouvrir

    Ce front où j’ai vu fleurir

    Tant d’espérance et mourir

    La gaîté de ma demeure,

    Laisse mes quatre blondins,

    En baisant ces yeux éteints,

    Apprendre qu’il faut qu’on meure… »

     

    Plieuse, aux vieux vagabonds,

    Que tes soins aussi soient bons !

    Ils couchèrent sous les ponts,

    Ou même à la belle étoile :

    Que leurs pauvres corps rouillés

    Une fois soient habillés

    D’une chemise de toile !

     

    Et si je ferme les yeux

    Dans le lit de mes aïeux,

    Viens à pas silencieux,

    Plieuse, ma vieille amie,

    Qui m’as quelquefois bercé,

    Mettre sur mon front glacé

    Et ma paupière endormie

     

    Le drap blanc, si doux à voir,

    Que tes bras nus au lavoir

    Ont battu d’un lourd battoir,

    Dans l’eau vive et la lumière,

    Puis par un joyeux matin,

    Séché sur les fleurs de thym,

    De genêt et de bruyère.

     

     

                                                            François FABIE (La Terre et les Paysans) 1923

     

     

     

     


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