• tour de la prebende

    VILLAGE DE LAY (Loire) : LA TOUR DE LA PREBENDE ou LA TOUR DE BEURRE ou LA TOUR DE BAYETTE ?

    « Etude de Bertrand Lacroix (Vice-président des Chemins du Passé) décembre 2008. »

     

    - Première partie -

    Ayant eu l’occasion de faire visiter le village historique de Lay (Loire), j’avoue que parmi les nombreuses curiosités à y découvrir. La Tour du Beurre constitue bien un des plus beaux sites.

    J’ignorais l’origine du nom de cette tour. Une carte postale, indique « Tour de la Prébende, dite Tour de Beurre (XV° siècle) ».

    Précisons d’entrée qu’il n’est nullement question de remettre en cause les noms de cette tour mais bien de chercher l’origine des noms qu’elle porte.

    Comme commentaires lors des visites, j’annonçais alors aux groupes que cette tour constituait un des rares vestiges des fortifications édifiées au XIV° siècle, entre 1345 et 1349, avec un passage piéton communicant vers le chemin de ronde qui autrefois cernait Lay. La date de la carte postale semble donc erronée. La tour serait plus ancienne. Elle relie le centre bourg avec la maison de retraite et la ferme de Joux.

    Lors de discussions avec des personnes du village, j’abordai l’origine du nom et il me fut répondu qu’elle était ainsi appelée pour avoir abrité un péage pour les marchands au Moyen-âge. Les gens de la campagne qui venaient vendre leur beurre s’acquittaient alors d’un octroi sous cette tour, leur permettant de pénétrer à l’intérieur de l’enceinte et cette taxe aurait  ainsi donné le nom de cette tour.

    La réponse ne me donnait qu’à moitié satisfaction et soulevait quelques réflexions.

    Pourquoi Tour de Beurre et non pas Tour du Beurre ? Pourquoi cette tour là avait-elle reçu ce nom et pas une autre tour ? Les paysans qui amenaient leur beurre pouvaient provenir de la Verpillère, de Thélis, de St Claude, de St Symphorien, voire de Croizet et Neaux. Etaient-ils obligés d’aller jusqu’à cette porte pour pouvoir entrer à l’intérieur du village et commercer ? Je n’en suis pas convaincu. Cette précieuse denrée arrivait sur les étals de partout et limiter son entrée à une seule porte semblait difficilement concevable.

    La lecture des terriers anciens de la duchesse de Montpensier laisse entendre que la Tour de Beurre se nommait également Tour de Prébende et Tour de Bayette.

    Nous connaissons tous le beurre, un peu moins la prébende et la bayette. Eh là, les choses se compliquent et j’avoue avoir fait fausse route initialement.

    La bayette, décrite sur l’Encyclopédie Méthodique est une flanelle grossière et large.

    « …On dirait tirer le poil ou tirer à poil une revêche, une sommière, une ratine, une espagnolette, un molleron, une bayette, une flanelle, une serge, une couverture, pour en faire sortir le poil, en tirer le poil sur la perche par le moyen du chardon à drapier ou à bonnetier, pour couvrir l’étoffe et la rendre plus molette, plus chaude… »

    Dans le Dictionnaire raisonné universel des Arts et Métiers de Philippe Macquer et Pierre Jaubert, la bayette est ainsi décrite :

    « C’est une espèce de revêche ou flanelle de laine, très grossière et très large, non croisée, fort lâche, et tirée à poil d’un côté. La fabrication de cette étoffe est à peu près semblable à celle du drap de toile… »

    Je n’avais pas entendu parler de cette production textile locale jusqu’à maintenant. Etait-ce un oubli ? Faisais-je fausse route ?

    La prébende, du latin ecclésiastique praebenda « ce qui doit être fourni », de praebère « fournir », est un revenu fixe accordé à un ecclésiastique qui, en contrepartie, assure les messes et les prières ; c’est le profit tiré d’une charge. Le prébendier (généralement le curé) est alors titulaire de la prébende.

    Quand je dis que ça se complique, c’est parce que les deux autres noms donnés à la Tour de Beurre paraissent contraires. A ce stade, quelques explications s’imposent.

    Lay n’est pas le seul a avoir une Tour de Beurre. Une célèbre Tour de Beurre existe aussi à Rouen.

    En préambule, il nous faut faire un peu d’histoire.

    Au XIV°, siècle de construction de cette tour de Rouen, l’usage du beurre et du lait, pendant le Carême fut strictement interdit. Un concile tenu à Anger en 1365, s’exprimait ainsi : « Nous défendons à toute personne, quelle que soit, le lait et le beurre en carême, même dans le pain et les légumes, à moins qu’on ait obtenu une permission particulière d’en user ».

    Il n’était pas alors  question de ne pas observer les décisions de l’Eglise.

    Charles V, qui régnait à cette époque, avait une santé très faible ; il demanda au pape Grégoire XI la permission de faire usage de ces aliments. Le pape exigea, pour y consentir, un certificat de son confesseur et du médecin du roi et imposa à Charles V, en compensation du jeûne, des prières et d’autres œuvres de religion.

    En 1491, Anne de Bretagne obtint pour elle et pour toute sa maison l’autorisation de se servir de beurre pendant le Carême.

    Peu à peu l’usage s’établit d’accorder cette autorisation moyennant une aumône, et il y eut pendant longtemps dans les paroisses de Paris des troncs pour le beurre.

    Dans son ouvrage « Pantagruel », Rabelais indique dans les notes de bas de page : « …il existait aux deux côtés du portail de la métropole de Rouen, deux grandes tours, dont l’une s’appelait Saint Romain et l’autre, la tour de beurre, parce qu’elle fut fondée des deniers provenant de la permission de manger du beurre en Carême… »

    (à suivre)


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  • blog 2011 memoires forezienne 1900-1950
     

    MEMOIRES FOREZIENNES

    1900- 1950

    Cet ouvrage de 175x250 m/m, 136 pages, présente aux lecteurs deux cents clichés commentés (couleur ou noir et blanc) de la ville de FEURS, dans la première moitié du vingtième siècle.

    Les neufs chapitres abordent successivement l’importance de la ville comme lieu de passage comme centre commercial, agricole et industriel, ainsi que les aspects urbains et les loisirs.

    Ce recueil vous est proposé à 18,00 euros.

    Si expédition, frais de port en sus : 3,50 euros/ l’unité, en France Métropolitaine.

    Renseignements : AMIS DU PATRIMOINE ET DU MUSEE DE FEURS

                                  MAISON DE LA COMMUNE

                                   Rue, Gambette 42110 FEURS


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  • blog le pendu

    En décembre 2010, un  colloque international de l’Université de Genève (faculté des lettres, Département d’histoire générale) se déroule sous le titre :

     

    « Bois, fer, papiers et bracelets de Justice »

    « Histoire matérielle du droit de punir : Hier et aujourd’hui »

     

    La description des tortures imposées est ahurissante ; quand on pense aux revendications des actuels détenus de nos prisons.

    Pour vous mettre « dans l’ambiance » voici quelques lignes écrites en 1980 par Henri Frossard de l’Académie des Provinces Françaises sur :

     

     

    L’ART DE PUNIR LE MONDE

    (Seconde partie et fin)

     

     

    L’époque en était, d’ailleurs, à l’excitation aux quolibets. Dans ce qui est présentement le Puy-de-Dôme, un certain Jacques de Thourzel, Virevols (et autres lieux), avait en 1481, publié ce qui suit :

     

    « Tout homme ou femme qui aura vendu beurre contenant navet, pierre ou autre chose, sera bien roidement attaché à notre pilori du Pontel. Puis sera ledit beurre rudement posé sur sa tête et laissé là tant que le soleil ne l’aura pas fait fondre. Pourront les chiens venir lécher et le menu peuple l’outrager par telle épithètes diffamatoires qu’il plaira, mais sans offense de Dieu, du Roy, ni d’autres «  (sous-entendu moi, Jacques.

     

    Le spectacle ne devait pas être piqué des hannetons. Combien faut-il de temps pour qu’une motte de beurre de plusieurs kilos fonde au soleil. Surtout s’il pleut ou qu’il gèle. Il y aurait là de quoi écrire un roman de psychologique paysanne d’époque avec panoramique sur la foule tour à tour résignée, agressive, craintive ou méchante, travellings sur le patient (c’est l’expression qui convient) et flash-back sur les navets. Le titre, déjà serait tout un programme. Mystérieux : « En attendant la fonte… », surréaliste : « Le beurre, goutte à goutte » ou tout à fait dans le ton du cinéma : « Le fondu enchaîné ».

     

    On y pourrait mettre en scène également le personnage qui aurait vendu le lait mouillé et qui par ordonnance dudit Jacques doit, fixé au carcan le boire en son entier et d’un coup si possible !

     

    Quant au filou qui « aura vendu œufs pourris ou gâtés », il «  sera pris au corps et exposé à notre pilori du Pontel. Seront, lesdits œufs abandonnés aux petits enfants qui, par manière de passe temps joyeux s’ébattront à les lui lancer sur le visage ou dessus ses habillements pour faire rire le monde. Mais ne sera permis de leur jeter autre ordure ».

     

    Admirez en passant, braves gens, le coup de balancier dudit sire : un coup dans l’excentrique, un coup dans la sagesse. Ou la démonstration que l’ineptie peut très merveilleusement être réglementée !

     

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    A Belfort aussi il ya avait un pilori. Il était érigé sur la place publique. En 1782, Catherine Fleury, demeurant Faubourg du Magasin, et sa copine Françoise Fleury y furent conjointement attachées, sous l’inscription infamante : « Voleuses de choux » ! A cette époque, « piquer » n’était-il pas encore devenu une institution, mais on pouvait espérer que, pour un tablier plein de choux, ces deux femmes s’en tireraient avec leurs deux heures d’exposition au pilori, durant le marché.

     

    Hélas ! il n’y avait là qu’un épisode. Les deux voleuses de choux durent en plus payer, chacune, dix livres d’amende et, ensemble, les frais du procès, soit quelques 188 livres. Ensuite de quoi, elles furent tout simplement bannies de la juridiction…

     

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    Le cas de Paul Vendenberg, en 1778, avait été plus grave. Etant à la foire de Belfort, sur les glacis, il avait essayé de voler, dans la poche de Brice Richard, un sac contenant 400 livres en or. Mais, surpris, il s’était enfui en jetant la bourse.

     

    Rapidos, cinq jours plus tard, il était condamné non seulement à 30 livres d’amende et 254 livres de frais (pour cinq jour), mais à être promené dans les carrefours de ladite ville de Belfort pour y être à chaque endroit, « fustigé et battu nu de verges ». Ensuite, il devait être marqué, sur l’épaule, au fer chaud de la lettre V.

     

    Il interjette appel. De plus en plus ventre à terre : douze jours après le vol manqué, le jugement d’appel intervient. Que ne s’était-il, ce Paul Vendenberg, tenu pour quitte avec quelques babioles du Père Fouettard ! En effet la Cour condamne ledit accusé à servir de forçat sur les galères du Roy, pendant 25 années, outre préalablement marqué des trois lettres  G.A.L… »

     

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    Or, oyez maintenant la triste aventure de Pharisien François. Il vit à Evette, en 1724. O  l’accuse d’avoir incendié la maison de son oncle. Il à l’audace de nier. On lui applique alors la question ordinaire (on y était pendu par un bras au plafond, avec des poids de plus en plus lourds aux pieds), ensuite, l’extraordinaire (on vous démantibulait très savamment). Dès lors, Pharisien (dont le nom plaidait déjà contre lui) avoue tout et non seulement ce déplorable incendie mais tous ceux qui ont pu flamber dans la contrée, voire dans l’Europe, depuis l’origine des temps, ce qui en fait quelques-uns. Il ajoute à cela une foultitude de tentatives d’incendies, et des vols en pagaye.

    Ne restait plus qu’à exécuter un aussi blâmable criminel. Après avoir, naturellement confisqué ses biens et s’être payé des confortables dépens, la Cour ayant été magnanime, Pharisien fut d’abord étranglé secrètement, puis pendu aux fourches patibulaires de l’actuelle « hauteur de Justice » à Belfort.   

     

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    Si j’en crois le « Bulletin Municipal de Montbéliard » (que ne trouve-t-on pas dans un Bulletin Municipal) le bourreau de la ville qui logeait près de la patte d’oie de l’hôpital travaillait au fixe avec des travaux facturés à la pièce : toutes les bonnes questions données à la demande, l’écartement, la roue, le gibet. Et parfois même, le coupable était empalé avant d’être enterré tout vif.

    Ce beau programme dans la rubrique Histoire Locale de décembre 1972.

    Etonnez-vous après cela de la mort lamentable de la pauvre Agathe survenue il y  a quatre cents ans.

     

    En 1570, une jeune Agathe avait fauté. Histoire d’amour banale : l’occasion, le printemps, la tendresse…Que ne connaissait-elle la pilule ou même un de ces habiles procédés qu’on enseigne, désormais, sitôt les langes abandonnés ?

     

    Le garçon a fui ses responsabilités ? Il prétend qu’il n’est pas le seul courtisan ? Il est riche et ne veut pas d’ennui ? Agathe n’a qu’à garder le fruit de ces amours et subir son sort de fille-mère.

    Eh ! C’est justement ce qu’elle ne veut pas. Elle recourt à quelque sordide matrone qui la brutalise, mais la délivre. La voici revenue à la vie.

     

    Mais c’était sans compter sur la rumeur publique, sur ces vieilles personnes qui se donnent comme mission de fustiger les choses de l’amour, puisqu’elles n’y ont plus accès. El les voilà qui interviennent, qui montrent du doigt l’humble Agathe, qui veulent un châtiment exemplaire. C’est là que l’histoire s’Agathe (si j’ose faire exploser un aussi méchant calembour dans cette aventure qui est abominable).

     

    Elle est condamnée, Agathe, naturellement. A mort, pour la jubilation des commères. Et c’est voire bien fait ! D’autant plus que c’est une mort de choix. Le bourreau devra coucher dans une fosse entre deux fagots d’épines et avant de l’enterrer vive, sauter sur les fagots pour que les épines agissent bien. Pour éviter une mort trop rapide, qui aurait stoppé tout plaisir, on devait disposer, sur la figure de la fille, une passoire compliquée d’un système d’aération. De quoi clabauder dans les salons, de quoi cancaner, de quoi ragoter, jusqu’à plus soif.

     

    Les juges eurent-ils conscience, in fine, du ridicule dans lequel les entraînait ce quarteron de désaxées ? Des interventions « en haut lieu » furent-elles à ce point efficaces ?  

    Toujours est-il que, bon, Agathe devait mourir, c’était entendu. Mais elle mourrait sans ce lugubre appareillage (qui éclaire d’un jour furieux le subconscient des refoulées…)

     

    On se borna donc, si j’ose dire, à la jeter d’un pont dans la rivière. Exit Agathe…Ainsi va la justice du monde…Mais imagine qu’en cet instant fatal un détail fasse basculer la complainte de la pauvre Agathe dans l’humour le plus noir et que cette rivière s’appelle La Savoureuse !

                                                                                       

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