• POSTE AUX LETTRES EN MER (Cap Horn)

     

    POSTE AUX LETTRES EN MER

     

    Voici que les journaux nous initient à un  nouveau moyen de correspondance :

    A la poste aux lettres en mer !...

     

    Il existe depuis plusieurs années un bureau de poste en pleine mer, que ne surveille aucun agent et dont le service se fait pourtant avec régularité.

     

    Ce bureau de poste est établit sur un des promontoires les plus avancés en mer de la pointe méridionale extrême de l’Amérique (Patagonie), ayant en face la Terre de Feu, et situé, par conséquent vers le milieu du célèbre détroit de Magellan.

     

    Près du port Famine, sur une saillie de roche bizarrement découpée s’élève, presque baigné dans la mer Magellanique, un poteau ayant une hauteur de quelques mètres, carré et fortement enfoncé dans l’anfractuosité du rocher.

    Comme désignation plus précise ce poteau se découvre après que l’on a doublé les caps Monmouth, Valentyn, Isidore. On l’aperçoit immédiatement après la pointe Anna.

     

    Sur le milieu du poteau sont barbouillés en rouge ces deux mots : Post-office, et au-dessous est suspendu, par une chainette en fer, un baril de moyenne grandeur dont le couvercle pourvu d’une charnière, peut être ouvert et fermé librement, car il n’y a ni serrure, ni cadenas.

     

    Ce baril est le bureau de poste des deux grands Océans, et voici comment fonctionne le service du Post-office.

     

    Les navires passant dans le détroit de Magellan et se rendant à destination de pays situés dans l’océan Pacifique, détachent vers le bureau de poste une embarcation montée par un officier du bord. Cet officier est porteur de lettres destinées au port de mer d’où il est parti, au Havre, à Bordeaux ou à Marseille, par exemple. Il dépose dans le baril le paquet contenant sa correspondance, et prend les lettres ou paquets se trouvant dans ledit baril, déposés là par un navire venu de l’Océan Pacifique et qu’il emporte à son bord.

     

    Correspondance Internationale

    Le paquet de lettres déposé par cet officier dans le baril, sera plus tard recueilli par un navire se rendant en France, comme lui-même a recueilli les lettres destinées aux contrées baignées par l’océan Pacifique, sur lesquelles il se dirige ; et, de cette façon, sans qu’il soit besoin d’autres mains que celles de l’officier qui prend et qui dépose dans le baril les lettres et les paquets, ce post-office sert de bureau de correspondance internationale entre les deux mondes, correspondances la plus respectée, la plus inviolable qui existe, et qui se fait par un échange tacite de procédés mis en pratique par les marins naviguant sous n’importe quel pavillon.

     

    C’est une touchante pensée que celle qui a présidé à l’établissement de cette poste.

    Sans voiture, sans facteur, sans préposé :

     

    Le marin perdu dans les mers lointaines peut écrire à sa famille.

    Déposer sa lettre dans cette boîte autour de laquelle mugissent les vagues,

    Et se souvenir de la terre natale.

    Les montagnes de glace peuvent s’élever,

    Les mers polaires ont beau faire tempête,

    Les ouragans peuvent couvrir tout bruit de leur voix terrible,

    La civilisation est plus forte que tous ces éléments destructeurs

     

    Et la feuille de papier, déposée dans le bureau de poste, voisin du port Famine, dans la cavité de ce poteau inébranlable au milieu de la tourmente, ira redire à l’Europe les souffrances, le courage et la foi de nos intrépides matelots.

     

                                                                           Timothée Trimm (Petit Journal)

    SUR LE MEME SUJET :

    Post-Office

     

    …Vous doublez le cap Valentin, puis le cap Isidore et puis encore la pointe Anna, et de suite, après avoir doublé la pointe Anna, on aperçoit sur un caillou de cent pieds de haut un grand poteau qui a une barrique au cou avec cette inscription en rouge : Post-Office.

     

    Cette barrique c’est la boîte aux lettre, c’est la poste de l’océan, elle n’appartient pas à cet honorable gentleman le roi d’Angleterre. Cette boîte aux lettres est commune. Elle appartient à tous les pavillons. Voici maintenant comment se fait le service. Tout bâtiment qui passe expédie au poteau un canot avec ses dépêches. Le navire qui vient de l’Atlantique envoie ses lettres pour l’Europe et le navire qui vient du Pacifique  envoie ses lettres pour l’Amérique.

    L’officier commandant notre canot met dans le baril votre paquet et y prend le paquet qu’il y trouve. Vous vous chargez de ces lettres-là ; le navire qui viendra après vous se chargera des vôtres. Le baril est bitté au poteau avec une chaîne, à un bon couvercle à charnières. Point de serrure ni cadenas. On peut écrire à ses mais, les lettres parviennent.

                                          Victor Hugo  (le Timbrophile n° 23, 18 septembre 1866)


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