• BIENTOT NOEL 2



    BIENTOT NOEL (2)<o:p></o:p>

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       Mais que nous font les savants et leurs étymologies ? Ne songeons qu’à la fête qui vient, à la jolie fête traditionnelle qui a provoqué et qui provoque encore d’un bout de <st1:PersonName productid="la France" w:st="on">la France</st1:PersonName> à l’autre tant de coutumes charmantes, tant de manifestations d’une si délicate mysticité. Glissons, si vous voulez, sur les plus connues, telles que la coutume des souliers que les enfants déposent dans les cheminées ; ne nous attardons pas non plus à la coutume des bûches de Noël. L’usage en est fort ancien pourtant et s’est pieusement conservé dans nos campagnes. Sans l’énorme souche brasillante, un réveillon se pourrait-il concevoir ? Le fait est que tous les foyers, ce soir-là, ont leur clair feu de bois, ceux même qu’on n’alimente d’habitude que de fougères, de goémons ou de bouses de vache séchées.

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       Longtemps à l’avance, en Bretagne, vous voyez les pauvres errer dans les cépées ou le long des talus plantés d’arbres, en quête de cette souche morte abandonnée, kef Nedelek, la bûche de Noël, dont les charbons éteints jouissent de propriétés merveilleuses. En Normandie non plus, point de bonne veille sans une grosse chouque de hêtre ou d’ormeau flambant à grand bruit sous le haut chambranle de la cheminée, tandis que cuit autour d’elle, dans leurs chopines à fleurs, le flip cher aux gosiers cauchois, mélange de cidre doux, d’épices et d’eau-de-vie. Ailleurs, dans le Bessin, par exemple, la bûche de Noël s’appelle tréfoué, du vieux mot roman tréfoir, que nous rencontrons dans notre langue dès le XIII° siècle ; en Provence elle s’appelle lou cacho-fio et on l’aspergeait trois fois de vin avant de l’allumer en disant :

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       Dieu nous fasse la grâce de vivre l’an qui vient !<o:p></o:p>

       Si nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins !<o:p></o:p>

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       Que de jolies légendes, que de contes émouvants ou gracieux, sont nés là, parmi les flammèches d’or du Kef, de la chouque, du tréfoué et du cacho-fio ! S’ils s’interrompent au moment de prendre leur essor, c’est qu’à l’extérieur des pas se sont fait entendre dans la nuit et qu’une rumeur de voix grossissantes, sur un mode de plain-chant, est venue jusqu’aux réveillonneurs.

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       Place aux petits mendiants de la grande frairie décembrale ! Noël est leur fête par excellence. Il y a encore quelques villes de l’Ouest où on les voit rôder de maison en maison, clamant l’Aguilé. Une baguette de saule écorcée aux doigts, ils frappent à l’huis pour demander leur part du festin. De fait, leur besace ne tarde pas à s’emplir, non de croûtes de pain, de reliefs abandonnés, mais de beaux et bons gâteaux de fine farine blutée exprès à leur intention. Cet usage des gâteaux est répandu dans toute <st1:PersonName productid="la France. Aucune" w:st="on"><st1:PersonName productid="la France." w:st="on">la France.</st1:PersonName> Aucune</st1:PersonName> de nos provinces n’en a le monopole. Sous vingt noms différents on les retrouve ; dans les apognes de Nevers, les cochenilles de Chartres, les bourrettes de Valognes, les cornaboeufs du Berry, les cogneux de Lorraine, les cuigns de Bretagne, les aiguilans de Vierzon, les hôlais d’Argentan et les quénioles de <st1:PersonName productid="la Flandre." w:st="on">la Flandre.</st1:PersonName>

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       A Rouen et aux environs, on les nomme aguignettes. Le gentil vocable que celui-là !

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    Aguignettes,<o:p></o:p>

    Miette, miette,<o:p></o:p>

    J’ons des miettes dans not’pouquette,<o:p></o:p>

    Pour nourrir vos p’tites poulettes !...

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       Passez, au soir tombant, le 24 décembre, dans la rue Grand-Pont et la rue Grosse-Horloge, vous n’ouïrez partout que ce refrain. Il est poussé par de petits pèlerins qui brandissent au bout de leurs bâtons des lanternes vénitiennes frappées d’un R.F. en grosses lettres rouges. Ne faut-il point marcher avec son temps et, pour fêter Noël, ces  mioches n’en sont-ils pas de bons républicains ? Et, d’ailleurs, que voit-on, je vous prie, sur ces aguignettes rouennaises, honneur et gloire des neulliers de Darnetal, de Sotteville et de Maromme ? Un coq, le fier gallinacé national emblème du peuple souverain !

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       Ainsi fraternisent sur une galette, comme ils devraient fraterniser dans l’esprit public, le présent et le passé, le progrès et la tradition.

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       Il est encore une de nos provinces où la veillée de Noël revêt un caractère bien pittoresque : c’est <st1:PersonName productid="la Flandre. Le" w:st="on"><st1:PersonName productid="la Flandre." w:st="on">la Flandre.</st1:PersonName> Le</st1:PersonName> réveillon s’y appelle l’ècriène. Mais l’ècriène est surtout propre aux paysans. Figurez-vous, une salle basse, pavée de larges dalles en pierres bleues, meublée d’armoires et de huches aux ferrures luisantes et, dans cette salle, sous le vaste rabatiau de la cheminée, une trentaine de personnes, hommes, femmes, enfants, assises en cercle sur des quéyères autour d’un grand feu de sarments. Les femmes tricotent, fond du crochet, rassarcissent des bas ; les hommes tirent de leurs courtes boraines d’âcres bouffées blondes ; la table, devant la fenêtre, est déjà encombrée de petits bols prêts à recevoir le moka. Et, cependant que l’odorant liquide s’égoutte dans la cafetière, un des invités, le plus ancien, qui est quelquefois aussi le mieux disant, se met à conter d’une voix chevrotante quelque belle histoire du temps passé, « du temps que les bêtes parlaient et que les poules avaient des dents. »<o:p></o:p>

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       Même chez les mineurs des grands districts houillers, dans ces plaines enfumées et tristes où les corons, que surplombe le haut beffroi de la fosse,  s’alignent en files monotones le long des routes et des canaux, la vigile de Noël, a gardé quelque chose de sa primitive douceur. La maison pour la circonstance, a été nettoyée de fond en comble ; la table récurée à la brosse et au savon, les cuivres frottés, le carrelage lavé à grande eau. On réveillonnera cette nuit avec du boudin et des quénioles, sorte de galettes dorées, fleurant bon le froment et les oeufs frais, et sur leur panse arrondie, comme sur un coussin, étalant un joli Jésus de sucre rose. Si le ménage est à l’aise, on achètera même un sapin de Noël coupé dans la forêt voisine et aux branches duquel on suspendra des jouets à bon marché, des bâtons de guimauve et des oranges. Il faudra voir la frimousse extasiée des bébés à leur réveil. Cris de joie, battements de mains, charivari délicieux, plus doux au cœur des parents que toutes les musiques et toutes les harmonies !...

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            Décidément, sur ce sol béni de la vieille France, aux quatre aires de l’horizon, en Gascogne comme en Lorraine, dans le Dauphiné comme en  Bretagne, cette  nuit de Noël n’est qu’une succession de merveilles. Etonnez-vous après cela qu’elle ait donné naissance à toute une littérature spéciale et que, parmi les productions de la muse populaire, il n’en soit point qui approche pour l’étendue et l’importance de cette branche du folklore national !

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    Charles le Goffic  « FETES ET COUTUMES POPULAIRES »

    Librairie Armand Colin 1922

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