• BIENTOT NOEL


    BIENTOT NOEL (1)<o:p></o:p>

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    « Au gui nouveau ! Au gui fleuri ! »

       Voilà qu’il retentit une fois de plus à nos oreilles, l’appel des vendeurs ambulants de mistletoe. Pendues à un gros bâton de frêne ou de bouleau, les jolies touffes vertes du viscum album balancent au pas du marchand les fines opales de leurs baies. Noël est proche.

    « Au gui nouveau ! Au gui fleuri ! »

       Et c’est un peu de l’âme de la forêt, un peu aussi de l’âme du Passé, qui revit dans ce naïf appel du petit détaillant. Ainsi nos aïeux, jadis, s’en allaient par les rues criant l’antique Aguilané, corruption probable d’Eguinaned (le blé gerle) ou, suivant d’autres, d’Acquit l’an neuf, dont le sens est plus aisé à entendre. Le gui parisien nous arrive de Meudon, de Chaville, de Verrières : il appartient à qui veut le cueillir. Les errants du pavé le savent et, confiants dans la tolérance de l’administration domaniale, ils se font une ressource, décembre venu, de la cueillette du joli végétal.

     On vend bien du gui, pendant la semaine de Noël et du Jour de l’An, au pavillon des Halles ; mais ce n’est plus là du gui parisien. Importé par chemin de fer, il arrive de Normandie et de Bretagne ; il n’a point poussé sur les peupliers, comme le gui parisien, mais sur les pommiers, dont il est  pourtant un dangereux parasite. Vainement,  nos professeurs d’agriculture mettent-ils en garde contre ses ravages les cultivateurs normands et bretons : le gui s’obstine ; il est vrai que les bénéfices de sa cueillette compensent largement le mal qu’il fait aux arbres.

    Ce n’est pas seulement sur Paris qu’on l’expédie : l’Angleterre en fait une consommation prodigieuse. De Granville et de Saint-Malo partent chaque hiver, à destination de Southampton et de Londres, des chargements complets de gui : 90 000 kilos pour Granville, davantage encore pour Saint-Malo, qui tient la tête de l’exportation.  Cargaisons féeriques ! Voiliers et steamers de rêve ! On comprend qu’ils aient tenté les poètes, et l’on chanterait volontiers avec l’un deux, Charles Frémine, ces flottilles odorantes et fleuries,

                         Qui s’en vont dans le mystère,

                         Dans le brouillard et les frimas,

                         Porter aux Normands d’Angleterre

                         La parure de leurs Christmas…

       Le gui a, du reste, un concurrent redoutable dans un autre végétal d’hiver, auquel on l’associe de plus en plus dans la décoration des frairies noëlesques : je veux parler du houx.

     Cette iliacée n’a pas d’histoire ; elle ne joue pas, comme le gui, un rôle important dans nos traditions nationales. Les druides ne la coupaient pas, avec une faucille d’or, la sixième nuit du solstice d’hiver, la « nuit mère », et les eubages ne la recevaient pas dans un drap de lin d’une blancheur immaculée. Mais le houx, si son passé manque de lustre, n’en est pas moins un fort agréable arbrisseau, dont les feuilles d’un vert sombre, lisses et comme vernissées, surtout les baies d’un rouge vif, font un contraste à souhait pour les yeux avec le pâle feuillage et les baies laiteuses du gui.

       C’est cette opposition, vraisemblablement, qui a déterminé sa vogue. Sur les 175 espèces de houx connues, une seule habite <st1:PersonName productid="la France" w:st="on">la France</st1:PersonName>, l’ilex aquifolium, au tronc droit chargé de feuilles épineuses et persistantes, qui s’accommode des terrains les plus ingrats. Il vit en liberté dans nos forêts, où il atteint quelquefois huit et dix mètres de haut, mais on le cultive aussi en buisson dans nos jardins. Ses applications sont fort variées : de sa seconde écorce, on tire la glu ; l’ébénisterie recherche son bois, qui prend au polissage la teinte de l’ébène ; avec ses jeunes rameaux, souples et résistants à la fois, on fabrique des manches de fouets et des houssines ; enfin avec ses feuilles, que l’ancienne médecine utilisait comme fébrifuge, on obtient des sparadraps très adhésifs.

       Mais c’est surtout comme plante ornementale que le houx est apprécié. D’où vient celui qu’on vend dans nos rues aux alentours de <st1:PersonName productid="la Saint-Sylvestre" w:st="on">la Saint-Sylvestre</st1:PersonName> ? Un peu de toutes les régions, des forêts du Morvan et de Bretagne, des boqueteaux normands, du Jura, des Vosges, même de la banlieue parisienne. Les Halles en reçoivent chaque matin de pleins chargements, que se disputent les petits détaillants du pavé.

       Mais le gui, le houx, ne sont pas les seules plantes noëlesques. Comment oublier encore le sapin ? Il a toutes les dimensions ce sapin de Noël : il est tantôt un géant et tantôt un nain ; il tient dans un petit pot grand comme le pouce et, d’autrefois, il pourrait abriter toute une famille à son ombre. Mais,  énorme ou minuscule, artificiel ou naturel, il porte toujours les mêmes fruits étranges : des joujoux, des sucreries, des oranges, des gâteaux, et il est tout illuminé par des cordons de lanternes vénitiennes.

       Là où il y a des enfants, soyez surs qu’il y a un arbre de Noël. Encore est-il bon de remarquer que, pour répandue qu’elle soit aujourd’hui, cette coutume des arbres de Noël était à peu près ignorée chez nous (sauf dans le Berry) avant la guerre de 1870. C’est à l’Alsace que nous l’avons empruntée, et il y a quelque  chose de touchant dans cette adoption par  toute <st1:PersonName productid="la France" w:st="on">la France</st1:PersonName> d’une coutume restée purement locale jusqu’alors et qui évoque pour nous la chère province perdue.

       A l’arbre de Noël s’attache, le souvenir bien connu, lui aussi des anciennes familles alsaciennes : mein Herr  Klaus, le petit nom d’amitié du vénérable évêque de Myre, saint Nicolas ; patron des petits enfants sages. Il entrait dans les maisons avec sa longue barbe de dieu polaire, ses sourcils embroussaillés, sa robe de futaine, sa hotte, des jouets et son sapin pour les enfants sages ou brandissait une poignée de genêts pour une « dégelée » qu’il réservait aux enfants méchants.

    En Lorraine, il reprenait son nom français et faisait sa tournée accompagné du père Fouettard.

    « Je revois encore sa barbe, sa mitre et sa crosse, les durs feuillages qu’il tenait dans ses mains croisées et qui brillaient sur la bure de son manteau : mais il avait aussi un sac plein d’amandes et de raisins secs, et sa voix était douce. Hélas à côté de lui, son compagnon, son serviteur, le père Fouettard, portait des verges de bruyère et prononçait des paroles sévères dont l’à-propos étonnait les esprits enfantins.»

    Saint Nicolas est un peu parent du bonhomme Noël : leurs physionomies du moins se ressemblent et leurs fêtes ne sont séparées que par un léger intervalle. Et à mesure que l’année perdait de son caractère religieux, qu’on restreignait le nombre des fêtes chômées,  il arrivait qu’on ne sentait plus la nécessité d’un dédoublement de cérémonies : c’est ainsi que le grand Klaus s’effaça peu à peu devant le vieux Noël ; mais son sapin magique a survécu.

    Noël est vieux comme le monde : avant de devenir une fête chrétienne, il fut chez les Celtes nos pères, la grande fête de la germination. Le nom même vient du latin novellum, qui nous a donné novel, nouvel, nouveau. Sol novus, qu’on retrouve dans l’office de Noël, fut longtemps le nom du 25 décembre. Et les vieux cantiques  consacrent à leur tour cette étymologie :
                     

                                                    Hâtons-nous de nous rendre

                                                    Près du soleil nouveau…

                                                                                                                  A suivre…


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