• LES ORIGINES DU CHÂTEAU DE BOISY (Seconde partie)

    LES ORIGINES DU CHÂTEAU DE  BOISY

    (Seconde partie)

     

    Par M. Henry DUPONT (Compte Rendu Annuel 1970 ; de la Société des Amis des Arts de Charlieu).

     

    Voici donc de quel puissant appui jouissait le Sergent d’Armes du Roi de France, Jean de Boisy, car c’est ainsi qu’il se faisait appeler, oubliant complètement son patronyme « Simon ».

     

    Mais qu’existait-il alors à Boisy ? Pas un château mais une simple grange, terme qui désignait, au Moyen-âge, un ensemble de bâtiments agricoles, entouré d’un mur          assez fort pour résister à un coup de main, mais sans l’appareil défensif d’une maison-forte.

     

    Une partie des murs sud et est du château actuel semblent avoir appartenu à la grange primitive.

     

    A cette époque, la particularité principale du domaine de Boisy était les grands étangs artificiels qui avoisinaient la grange et dont le plus important, placé à l’Ouest, se nommait l’étang de l’Orme de Montgautier. Il était l’œuvre des Simon, qui avaient construit pour cela une formidable digue longue de près de 400 mètres et qui existe toujours. La retenue d’eau couvrait plus de 25 hectares. Le plan cadastral de 1820 nous le montre encore dans toute son intégralité. Ce ne fut qu’après cette date qu’il fut définitivement vidé et transformé en pâturage. Il se déversait dans un autre étang, placé à l’est de la grange, appelé l’étang de l’Arche, dont la chaussée, toujours existante sert de support au chemin de Roanne à Saint-Martin-de-Boisy.

     

    Ces étangs étaient un des plus notables revenus de la famille Simon, car au Moyen-âge, on faisait une énorme consommation de poissons d’eau douce.

     

    Le principal souci des Simon et de leurs successeurs sera toujours le problème de l’adduction d’eau à ces réserves. Toute une série d’actes d’achats et de transactions, conservés dans les Archives du Duché du Roannais, nous montrent leur constante volonté d’amener toujours plus d’eau, en captant les nombreux ruisseaux et rivières descendant de la montagne, tel que le Bétron, l’Oudan et même le Renaison ainsi que beaucoup d’autres, aujourd’hui disparus, victimes du déboisement massif de notre Côte Roannaise.

     

    Mais revenons à Jean de Boisy qui mourut en 1374, laissant deux fils, Jean et Humbert, tout deux docteurs en droit civil et canon. Ce furent comme nous allons le voir, de très grands personnages, particulièrement intelligents et qui durent leur élévation à leurs propres mérites et non pas à la seule faveur de leur oncle, le Cardinal. S’ils atteignirent aux plus hautes fonctions, ce fut pendant le règne du roi Charles VI, souverain fort mal disposé envers son ancien précepteur.

     

    Suivons d’abord Jean, Évêque de Macon, en 1382, puis d’Amiens, en 1389, il occupera ce siège pendant plus de 20 ans et jusqu’à sa mort. C’est à lui que l’on doit l’achèvement du magnifique clocher nord et des chapelles latérales de la cathédrale.

     

    Grand vassal du Roi, en temps qu’évêque d’Amiens, Jean de Boisy eut de nombreux rapports avec ce monarque, qui le fit son conseiller.

     

    Nous avons retrouvé, aux Archives départementales de la Somme, une lettre de Charles VI à l’archevêque de Reims, qui nous montre dans quelle estime le roi tenait l’évêque d’Amiens.

    En voici le texte, dans son français médiéval :

     

    « Nous avons entendu que vous avez fait et célébré vostre concile provincial en la cité de Reims…auquel jour pour y estre et comparoir, aviez fait convoquer et appeler tous les évêques de votre province, vos suffrages edt mesmement nostre amé et féal conseiller l’évesque d’Amiens (Jean de Boisy), lequel estoit à Paris ce jour et est encore présent devers vous, et icelluy avons retenu et ordonné a estre en nos conseilz de par deça et lui commandé qu’il ne se parte pour certains grans affaires touchant nous et nostre royaume… »

     

    Loin du Roannais, l évêque Jean, dont cette lettre nous révèle l’importance, brillait comme un très grand personnage. Mais il ne tarda pas à se savoir qu’il était le fils d’un ancien bourgeois de Saint-Haon et que son apparente noblesse était de bien fraîche date.

     

    Un évènement inattendu ébruita singulièrement la chose. En 1396, un grand seigneur picard : Colart Mauchelier, sire de Mailly, à la suite d’un différend avec l’évêque, vint faire grand scandale dans l’hôtel épiscopal d’Amiens. Pénétrant de force dans celui-ci avec des complices, en armes, il frappa les familiers et les officiers du prélat, criant à tue-tête que ces gens de Forez ne valaient pas la noblesse picarde et qu’il doutait même que l’évêque fut gentilhomme.

     

    Ces excès coûtèrent cher au violent personnage puisqu’il fut condamné  en 2 000 livres tournois d’amende (soit plus de 100 millions de nos anciens francs) mais l’affaire nuisit beaucoup au prestige des Boisy.

     

    Aussi l’année suivante, l’évêque Jean et son frère Humbert, président du Parlement de Paris demandèrent au duc de Bourbon, comte de Forez l’autorisation de construire une forteresse à Boisy en remplacement de leur grange d’allure trop roturière.

     

    Cette autorisation leur fut accordée le 6 septembre 1397. Les travaux furent rapidement menés, car la forteresse était terminée en 1402. En quoi consistait-elle ? Uniquement dans le beau donjon rectangulaire, actuellement situé au nord-est de l’enceinte. Cette simple tour-refuge, isolée, était complètement entourée de larges et profonds fossés. On y pénétrait par un étroit pont-levis dont les tourillons et la poulie de relevage existent toujours. Sa défense était assurée par des murs d’une épaisseur considérable et par une couronne de mâchicoulis crénelés. Les fossés recevaient leur eau de l’étang de l’Orme de Montgautier, au moyen d’une autre réserve intermédiaire, établie en construisant une autre chaussée, qui sert actuellement de chemin d’accès au château.

     

    Mais Boisy n’avait pas de droits de justice, aussi l’évêque acheta une maison-forte et sa seigneurie, situées près d’Ambierle, celle de Pierrefitte, qui lui apportait ces droits indispensables à tout grand seigneur. Il en fit hommage au duc de Bourbon en 1401.

     

    Le frère de Jean, Humbert de Boisy, docteur ès-lois, chevalier conseiller du roi, fut fait, en 1394, président du Parlement de Paris. Depuis 1380 et pendant toute sa vie, il fut aussi Président de l’Échiquier de Rouen (c’est-à-dire du Parlement de la Chambre des Comptes de Normandie). Il se maria avec Marguerite de Cramailles, qui lui apporta les deux grandes seigneuries de Fonches et de Chaulnes en Picardie.

     

    Ces dernières et les hautes charges qu’il occupait, lui assuraient des revenus considérables, comme le prouve une grande quantité de quittances de gages conservées au Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale et qui portent soit sa signature, soit son sceau où figurent les armes de Boisy :

     

    CINQ POINTS D’AZUR EQUIPOLLES A QUATRE D’ARGENT

     

    Humbert mourut en 1409, l’évêque Jean, l’année suivante. Les deux fils d’Humbert, Jacques et Henri, recueillirent toute leur succession. Mais le décès de ces deux grands personnages enlevait à leurs héritiers d’immense revenus et charges lucratives. Aussi verrons-nous bientôt les deux fils vendre les seigneuries et aliéner leurs biens.

     

    En 1415, tous les deux, qualifiés chevaliers, se firent tuer à la terrible bataille d’Azincourt.

     

    Après eux on n’entendra plus jamais parler des Boisy.

     

    Cette race d’origine paysanne, aura duré 200 ans, fait une grande fortune, construit une forteresse et se sera intégrée à la noblesse. Elle aura fini plus qu’honorablement dans la chevalerie, en tombant sur le champ de bataille pour la défense de la patrie.

     

    L’histoire de la famille Simon, nous aura montré comment s’opérait le renouvellement de la noblesse, seule caste militaire au Moyen-âge. Le roi, le comte, devaient en faciliter l’accès aux paysans et bourgeois pour qu’ils remplacent les hommes d’armes nobles tués pendant les guerres ou s’éteignant, faute de descendance.

     

    Enfin je vous rappellerai qu’en 1415, seule une tour-refuge existait à Boisy, tour à laquelle Jacques Cœur n’ajouta rien par la suite.

     

    Ce seront les Gouffier, acquéreurs des biens du grand Argentier, qui donneront à Boisy, au début du XVI° siècle, la physionomie que nous lui connaissons.

     

    Et pour terminer, je crois que nous devons féliciter les récents propriétaires (1) qui après deux siècles de déprédations, ont restauré avec un grand amour et un sens exact du passé monumental, cette magnifique demeure, orgueil de notre pays roannais.

     

    1. M. et Mme CROUZET Henri, la belle villa dans le parc fut construite à la demande de madame qui craignait de vivre dans ce grand château.

    Monsieur Crouzet Henri, surnommé « Toto » par ses ouvriers était le patron des A.R.C.T. de Roanne.

     


  • Commentaires

    1
    marcel
    Lundi 14 Février 2011 à 11:29
    En 1947 nous étions un groupe d'enfants rapatriés d INDOCHINE. placés en internat dans ce chateau. Pouvez-vous me donner des informations sur l organisme de placement des enfants et tout renseignement sur cette période. Merci
    2
    TESTENOIRE Profil de TESTENOIRE
    Lundi 14 Février 2011 à 14:27
    Bonjour
    Je vous remercie de lire notre blog. Je peux dans la mesure de nos moyens essayer de vous renseigner (sans garantie). Mais j'ai besoin d'en connaître un peux plus sur le parcours des enfants.
    Je vous invite donc à me recontacter à l'adresse courriel suivante :
    bernardhugues@hotmail.com
    Bien amicalement
    Bernard
      • Samedi 11 Janvier 2020 à 08:06

        Bonjour je confirme l'information que la Ligue de l'Enseignement a utilisé le château de Boisy pendant quelques années, pour l'accueil d'enfants orphelins ou ayant des difficultés familiales. Mon père, André BATIGNE, y a été employé comme surveillant de l'internat entre 1945 et 1948 avant de devenir instituteur. j'en profite donc pour lancer un appel pour recueillir des documents sur cette période éducative du château autres que les photographies dud château.

        Stéphane BATIGNE

    3
    Jray
    Samedi 5 Mars 2011 à 13:54
    Le Chateu de Boisy a appartenu un temps dans les années 1960 à mon ancien patron Mr Jacques Gautheron (Tissages Eponge ) rue Cotton à Roanne
    4
    TESTENOIRE Profil de TESTENOIRE
    Dimanche 6 Mars 2011 à 09:34
    Bonjour
    Je vous remercie de ces précieux renseignements et de la lecture de notre blog.
    Bien amicalement
    Bernard
    5
    Bribri
    Jeudi 26 Juillet 2018 à 17:18
    Guy Ribes à été placé dans le manoir de Boisy,un internat pour enfants, entourés du père Berger.
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