• Les légumes dans le folklore : LE POIREAU

    poireaux
     

    Les légumes dans le folklore

     

     

                                                   LE POIREAU

     

                                                               Par André-Louis Mercier

     

     

       Le Poireau (Allium Porrum L) de la famille des Liliacées est connu de tous, nous citerons, néanmoins, l’humoristique description qui est faite par notre regretté Maître, le Docteur Henri Leclerc :

    «  Malgré son aspect de pitre blafard qui, la tête en bas, dresse en l’air ses jambes pantalonnées de vert ; malgré la tignasse blanche qui se hérisse en un toupet grotesque sur son crâne dérimé de crétin microcéphale emmanché d’un cou rigide et démesurément long, le Poireau a le droit de s’enorgueillir, comme l’ail et comme l’oignon, de l’ancienneté de sa généalogie : peut-être même, est-ce cela qui lui a, si j’ose m’exprimer ainsi, fait perdre la tête, cette tête robuste, divisée en plusieurs caïeux, à laquelle on reconnait son ancêtre, l’Allium ampeloprasum, ail d’Orient ou Poireau des vignes, qui croit abondamment dans la région méditerranéenne »

     

         Inconnu à l’état sauvage la culture du poireau a donné lieu à divers dictons selon lesquels, ce légume doit être semé le jour de la Sainte-Agathe (5 février) :

     

    « Per Santo Agatho, Semena to pourato » dans le Périgord (Henri Anstett).

     

    Per Sent’Ogato fay to pourrato” dans le vieux Quercy

     

    « Per Santo Gato, semeno la pourato, tira l’aigo del prat que l’hiber es passat » en Haute Garonne ‘J. Vesan). (Pour la Sainte-Agathe, sème le poireau, tire l’eau du pré car l’hiver est passé)

     

    « Per Santo Aguero Fai ta pourreto » en Provence (Frédéric Mistral)

     

         Cet humble légume est un agent thérapeutique qui peut rendre de très grands services en raison de ses qualités ; c’est un puissant diurétique, un excellent laxatif ; il est aussi apéritif, béchique, résolutif ; le suc de sa racine est vermifuge.

     

         Les usages du poireau, en médecine populaire sont nombreux, nous citerons quelques recettes. Le bouillon de poireau est un remède idéal pour les rhumatisants, aux  obèses  il fait « tomber le ventre ». Pour traiter les coliques appliquer sur l’abdomen des cataplasmes de « poiriaux cuits »  (Paul Bailly) ; contre le croup, enfoncer dans la gorge un petit poireau trempé dans l’huile. On cautérise et calme la douleur des piqures de guêpe et d’abeille en les frottant avec un poireau coupé dans le milieu du blanc. La feuille verte du poireau, macérée dans du vinaigre blanc, appliquée sur un durillon ou sur un cor le fait disparaître en une nuit (Docteur Aurenche). Les racines pilées dans du lait forment un excellent vermifuge pour les enfants, le suc de poireau additionné de lait s’emploie contre les rougeurs et les boutons du visage. Il est très efficace dans le traitement de l’extinction de voix. Arioste prétendait que les perdrix en mangeaient pour rendre leur cri plus perçant.

     

         On rapporte que l’Empereur Néron en mangeait à l’huile pour améliorer sa voix d’où le nom de « Porrophage » qui lui aurait été donné par ses adversaires (R. Laumonnier). D’après Macer Floridus, on le recommandait contre les morsures de serpent.

    Le médecin Porta qui voyait dans le poireau une image du phallus, lui attribuait une vertu aphrodisiaque. En raison de son odeur, plus atténuée que celle des autres plantes du même genre botanique (ail, ciboule, échalote, oignon, rocambole) on conseillait autrefois, aux personnes qui venaient de manger du poireau de « donner des baisers que les lèvres closes ». Par contre le médecin de François I°, n’hésitait pas à prôner l’usage aux gens « muqueteurs de dames pour leur donner plaisante haleine ».

     

         En raison des vitamines et des produits  qu’il contient (calcium, magnésium, phosphore, potassium, soufre). Le Poireau est un excitant de la nutrtion. Il fut réputé comme aliment dès la plus haute antiquité. La classique et excellente soupe de poireaux et aux pommes de terre, additionnée de lait constitue l’un des meilleurs potages ; c’est aussi la médication du mal de Bright (néphrite).

     

         Le Poireau n’est pas seulement un légume à pot au feu, il se consomme communément sur les tables familiales, à la façon des asperges : à la vinaigrette et à la sauce blanche, ce qui lui a valu d’ailleurs le nom « d’asperges du pauvre ».

     

        Particulièrement apprécié dans nos provinces du Nord, il sert à préparer de très nombreuses spécialités ; la « tarte à porion », le « soufflé picard », « la flamique », ornent avantageusement, les menus locaux.

     

         Selon les langues, les dialectes ou les patois de nos anciennes provinces, les noms du Poireau sont nombreux tout en ayant beaucoup  d’analogie. Nous citerons : poirion en Rouchi, porion, poreau, pargeon et porgeron dans le Nord et en patois picard (Abbé J. Corblet, Marcel Godefroy, L. Baillet, Carlier) ; poreau, pario, porée, pourias, pourette, pouèrette, pouérée, en Normandie (Ch Joret) ; pôréi, dans les Côtes-du-Nord (G. Latimier) ; Pourenn, dans le Finistère (Noêl Yezou) ; Pourrade, en patois charentais (A. Favraud) ; porgeon, dans les Ardennes (Dr Railliet, Mme Guillaumot) ; poureau, pourée, Porée, en Haute-Marne (L. Gallion, de Baillon, FR. Louvrier) ainsi que dans le parler tourangeau (J-M. Rougé) ; Porjon, dans l’Aisne (M. Basquin) ; Pourriau au Pays de Sologne (Hubert-Fillay) ; pourreau en Sologne-Bourbonnaise (Claude Rouleau) ; pourette, jeune poireau dans le patois berrichon (L. Ruitton-Daget) ; pouriau, pourriaux dans le Loiret (R.Gauthier, R.Touquoy), dans l’Allier (Marcel Bonnin) ; dans le Sancerrois (Buchet) et le Centre de la France (Comte Jaubert) ; porrô, en Bourgogne, porô, pourô, por, pore, port, poc’h, poi, po, pivor, selon la Flore populaire de Savoie (Constantin et Gave) ; por, en Tarentaise (Abbé G. Pont) ; poreau et pou, en patois des environs de Bourgoin, dans l’Isère (Jean Milliat) ; pouoprès, en Ardèche, pw’orye, en patois de Saugues, dans la Haute-Loire (P. Nauton) ; pourrêt, pourra, poureix, porré, dans la Corrèze (Gaston Godin de l’Epinay) ; pouarre et porre, selon le patois du département de l’Aveyron (Abbé Vayssier) ; pourret eu pos, en idionne gascon du Lot-et-Garonne (J.-O. Debeaux) ; porret, pouorre, pourrat et pourreto, poureto, pour les jeunes plants, en Provence (Frédéric Mistral) ; porre, dans le vieux Quercy (E. Sol) et en idionne languedocien (Axel Dubout) ; pore, en Périgord (H. Ansteff) ; porrua, en basque (Abbé Wayssier).

     

         La morphologie du poireau a donné lieu à diverses expressions populaires parmi lesquelles « planter la pourrée », en Touraine ou « planter le poireau », en Normandie, se dit des enfants qui font la culbute, qui se tiennent en équilibre sur les mains, les pieds en l’air.

     

         « Faire le poireau » et « poireauté », expriment le mécontentement d’attendre debout, la personne qui vous a fixé rendez-vous et qui ne vient pas. « Avoir des poireaux », manifeste l’existence de verrues lesquelles, peuvent d’ailleurs, disparaitre rapidement par des applications de la plante dont elles portent le nom.

     

         Enfin, le poireau est le plus décoratif des légumes : selon A. de Gubernatis, en piémont (Italie), région voisine de la Savoie, on appelait « Feuille de poireau » le ruban vert de l’Ordre de Saint-Maurice et Lazare ; en France, le « Poireau » est, irrévérencieusement l’emblème officiel du « Mérite Agricole ».

     

                                                    (Almanach du Lignon et du Forez -1959).

     

     

    Pour  mémoire le « Poireau » est, aussi l’emblème officiel des différentes équipes sportives du Pays de Galle.

     

    Et beaucoup d’anciens pourront le confirmer, il y a quelques années encore, l’odeur général des hôpitaux était un mélange de : « soupe de poireau et d’éther ».

     


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