• LES MESANGES

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    LES MESANGES

     

    Les premières voix du printemps ne sont pas les plus harmonieuses, mais, après le morne silence des longs mois d’hiver, elles éveillent dans nos cœurs un sympathique et joyeux écho.

     

    Quelques coudriers, premiers enfants du printemps ; semblent se cacher dans un coin, pour se parer à leur aise de leurs petits groupes de chatons jaunes et perlés.

     

    Par-dessus le mur, on aperçoit dans des saules couronnés de leurs fleurs verdâtres, à la tendresse nuance, tandis que les branches des grands trembles laissent pendre mélancoliquement leur floraison.

     

    Or, parmi ces branches nues encore s’agite une foule bruyante et affairée. Une petite colonie joyeuse vient de s’y montrer sans qu’on l’ait vue venir.

     

    C’est une troupe de mésanges. Son arrivée a singulièrement animé le petit coin, naguère si morne, où elle s’est abattue. Chacun de  individus qui composent cette troupe bigarrée et qui inspectent minutieusement les crevasses des arbres fourchus et des vieux murs est libre et isolé, tout en faisant partie de la bande dont il suit le mouvement. La sociabilité des mésanges s’accuse nettement. Il suffit d’un appel un peu plus perçant que leur cri ordinaire pour qu’elles se réunissent immédiatement. Leur agitation est si grande qu’elles semblent deux fois plus nombreuses qu’elles ne sont réellement.

     

    On s’étonne de voir dans un si petit corps une si grande abondance de vie. Car les mésanges sont peut-être de tous les oiseaux les plus actifs et les plus pétillants. C’est un va-et-vient continu, d’un arbre sur un autre. Elles sont dans un mouvement perpétuel ; et quel mouvement ! Elles voltigent, sautent, grimpent, s’accrochent, se suspendent dans toutes les postures, la tête en bas ou de côté, sur les branches, courant dans tous les sens le long des écorces. C’est une succession ininterrompue des attitudes les plus excentriques. Et tout en se livrant à cette gymnastique prodigieuse, elles ne cessent de manger ; il faut, en effet, beaucoup d’aliments pour entretenir un foyer si brûlant ; insecte, graines, tout leur est bon.

     

    On a calculé qu’une mésange bleue du poids de 120 grammes absorbe, par jour, plus de 3 000 œufs de papillons, représentant le cinquième environ de sa nourriture. On a évalué qu’en détruisant les insectes et les œufs dont elle se nourrit, une seule mésange conserve au cultivateur quatre litres de blé par an. Voilà, je pense, une démonstration suffisante à la nécessité qu’il y a de protéger les oiseaux.

     

    Rien n’échappe à l’étreinte de leurs petites serres ; rien ne résiste à leur petit bec droit, fort, généralement tranchant et aigu. Ce sont des échenilleuses infatigables de nos forêts, de nos vergers et de nos jardins.

     

    Sans doute, elles ne nous rendent pas ce service gratis et le font payer par une dîme prélevée, sans consentement commun, sur quelques-uns de nos fruits et sur quelques graines précieuses. Mais qu’y faire, sinon acheter le bien en le payant du mal le moins cher possible ? Nous ne devons pas les aimer pour elles-mêmes, par charité, mais pour nous-mêmes, par égoïsme, à cause des services qu’elles nous rendent…à leur profit.

     

    Avec la grande vivacité de nature que nous avons signalée, les mésanges sont très sociables, mais non moins querelleuses. Elles se battent, se réconcilient pour se battre à nouveau une minute après. Il n’est pas d’ennemis qu’elles ne bravent ; au cri de la chouette, elles accourent et se précipitent dessus avec acharnement ; prises par l’oiseleur, elles le piquent, lui mordent les doigts, elles se défendent tant qu’elles peuvent. Mais il y a loin de là, tout de même, à tout ce qu’on leur reproche parfois. 

     

    Nous ne prétendons pas que leur intrépidité ne les entraîne parfois trop loin. Mais ajoutons vite qu’elles ne mettent pas moins de fougue dans leurs bons sentiments : il  n’y a pas de meilleures mères ni mères plus fécondes ; elles trouvent le moyen de procréer et de nourrir dix, douze, jusqu’à dix-huit petits à la fois.

     

    Pour loger une telle lignée, quels nids ne faut-il pas ? Aussi ne ménagent-elles ni leur industries ni leur peine. Elles emploient à les construire des matériaux de choix, tels qu’herbes menues, racines flexibles, mousse soyeuse, flocons de laine, plume et duvet végétal, et elles se servent très adroitement de leur bec pour tresser, arrondir, tisser, façonner en forme de boules ces matières diverses.

     

    Elles ne se bornent pas à être fécondes, elles ont le sentiment de la famille très développé. Mâle et femelle déploient un zèle et une activité infatigable pour sustenter leur nombreuse nichée.

    Les mésanges forment dans la grande famille des oiseaux un clan qui se tient d’une manière remarquablement homogène. Caractère, mœurs, voire même couleur, facies, tout les distingues des autres genres.

     

    Les désigner l’une après l’autre nécessite presque un dénombrement à la façon homérique. :

    Il y a la mésange « charbonnière » reconnaissable à sa forme trapue et son capuchon noir. Lorsque le temps est à la pluie, elle an un cri rappelant le grincement de la lime sur le fer et qui lui a valu le surnom de « serrurière ». A côté d’elle se trémousse la mésange « à tête bleue », la plus jolie, la plus effrontée et la plus courageuse de la famille. C’est une formidable échenilleuse.

    Puis la « nonnette cendrée », qui emmagasine des graines dans son trou est fait une rude guerre aux guêpes, la « penduline » qui tisse son nid de façon la plus merveilleuse et le suspend aux branches des arbres, absolument comme le loriot ; enfin la « mésange à longue queue », si élégante et si rapide dans son vol qu’on la prendrait pour une flèche…

                                                 L. Kuentz (Extraits du journal « La Croix) (1938)


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