• On ne badine pas avec le blasphème !!! (2° partie)

    On ne badine pas avec le blasphème !!! (2° partie)

     

    Étant données les répressions excessives de la législation contre le blasphème, le peuple imagina de dénaturer les formules pour échapper à la loi, et le mot bleue fut habilement substitué par l’usage au mot Dieu, dans les expressions suivantes : tête bleue ! corps-bleu ! sang-bleu ! morbleu !

     

    Cette échappatoire ingénieuse, fut dénoncée et combattue par diverse ordonnances royales.

     

    Sous Louis XIV, la mutilation était encore pratiquée, mais seulement après le septième outrage, judiciairement constaté. « Voulons qu’ils aient la langue coupée tout juste, disait l’Ordonnance du 30 juillet 1666, afin qu’à l’ avenir, ils ne puissent plus proférer de blasphème ».

     

    Le dénonciateur avait droit au tiers de l’amende infligée ; de plus la révélation du délit était imposée à tout témoin, à peine de 300 livres d’amende ; enfin quand le blasphème était « énorme » il ya avait pour le juge, faculté de peine arbitraires

    Cette législation excessive engendra les plus graves abus, et motiva même une fois l’intervention du Légat du Pape et ses protestations énergiques.

     

    Une piquante anecdote, très peu connue, montrera comment un jour Voltaire réclama la mise à la Bastille d’une personne, qui avait eu le tort de blasphémer « le saint nom de Dieu », disait-il.

    Voltaire, qui passa sa vie à conjurer ses amis de s’associer à lui pour « écraser l’infâme », sollicitant une lettre de cachet contre un blasphémateur..., quelle singulière contradiction, si l’on ne suppose pas qu’en cela il obéissait à une rancune personnelle.

    Le fait est que, le 16 août 1730, le lieutenant de police Hérault, recevait un placet écrit en entier de la main de Voltaire, et signé de quelques autres noms, placet dans lequel l’embastillement d’une nommée Travers était sollicité à raison de son inconduite, et ses habitudes « de jurer le nom de Dieu, qu’elle mêlait aux paroles les plus infâmes » selon les expressions mêmes de la pétition.

     

    Indignée, l’inculpée porta plainte à son tour, disant qu’elle était victime d’une vengeance ; et qu’au contraire « elle avait été assaillie par la cuisinière et les domestiques de Voltaire qui, après lui avoir arraché sa coiffe de taffetas, avaient failli l’assommer, et que Voltaire lui-même l’avait menacée de mort ».

     

    Alors celui-ci renouvela son placet, en insistant sur ce que la femme Travers s’enivrait, insultait les passants et « blasphémait le saint nom de Dieu ». Et, à force de démarches pressantes, Voltaire finit par obtenir une lettre de cachet  contre Sébastienne Travers, qui fut écrouée à la Salpêtrière le 6 décembre 1730. Peu après le lieutenant de police du reconnaître que sa bonne foi avait été surprise, et le 31 du même mois il remettait en liberté la prisonnière.

     

    Il y a dans la vie de Beaumarchais, l’ennemi acharné de l’ancien régime, une histoire du même genre, où nous le voyons recourir à tous les expédients pour obtenir aussi une lettre de cachet contre une personne qu’il détestait.

     

    En abolissant le principe d’une religion d’État, la Révolution fit disparaître du même coup les pénalités du blasphème et du sacrilège ; et quand le Concordat de 1801 restitua au catholique son sacerdoce et son exercice public, il se contenta de punir l’outrage aux ministres du culte.

     

    Non content de protéger la religion comme institution sociale, ce qui se peut parfaitement sans faire échec au principe de la liberté de conscience. Charles X promulgua la Loi du sacrilège (Loi du 20 avril 1825) contre les profanateurs. Molé, Chateaubriand, Royer-Collard, de Broglie en combattirent le projet avec vigueur. Cette loi, qui soumettait à des assemblées politiques des questions de foi (ce qui n’était point sans inconvénients pour la religion même), fut abrogée par le législateur de 1830 (11 octobre). Désormais, les cultes furent placés sous le régime de la seule protection égalitaire.

     

    De toutes les législations de l’Europe, celle qui a réglementé avec le plus de sévérité « les Délits blasphématoires » est celle contenue au livre II du Code pénal espagnol.

    Des peines correctionnelles sont édictées : contre ceux qui enseignent l’inobservance des lois religieuses ou qui, publiquement aussi, se moquent des mystères ou des sacrements de l’Église. Ceux qui profaneraient les hosties encourraient la réclusion temporaire ; et la prison majeure s’ils foulaient aux pieds les images où objet destinés au culte. Celui qui, par des actes ou paroles, tournerait en ridicule devant témoins les pratiques de la religion, subirait une amende variant de 15 à  200 douros (le douros vaut 5 fr. 20 c.).

     

    Enfin l’Espagnol qui apostasierait ostensiblement le catholicisme mériterait en principe le bannissement perpétuel.

     

    Pour l’Angleterre protestante, l’outrage aux choses religieuses, qualifié de blasphème, a été parfois assimilé à un manquement (misdemeanour), délit de droit commun entraînant de graves pénalités, poursuites qui tendent à disparaître car les statuts datant de 1697, elles deviennent désuètes.

     

    Cependant, encore en mars 1882, eut lieu, en Angleterre un célèbre procès dans les conditions suivantes : Foote et Ramsay s’étaient associés pour éditer un journal « en vue de détruire par le sarcasme et le ridicule les superstitions en général, et celles du christianisme en particulier », selon les termes mêmes de l’annonce de ce libellé périodique, appelé The Freethincker, le Libre penseur, ou l’Esprit fort. Poursuivis devant la Cours criminelle les journalistes furent condamnés, Foote à un an et Ramsay à neuf mois de prison, tout deux avec travail forcé.


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