• PREMIER DE L'AN

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    Jour si triste pour les uns, si beau pour les autres. Je vais essayer d’esquisser ta physionomie ; et je te traiterai aussi bien que possible. Je te redoute trop, moi qui suis une de tes victimes ordinaires, pour ne pas me montrer indulgent envers toi ! Je ne te demande qu’une chose, c’est qu’il te plaise de me rendre la pareille. Ne m’envoie pas trop de nièces filleules, pas trop de petits cousins, pas trop de portières et de bonnes d’enfants.

    Du reste, sans vouloir te braver, je te dirai que si ma plume laissait par hasard échapper quelque chose qui pût te déplaire, et qu’il devint évident pour moi, vers le 15 décembre, que tu ne me fais pas bonne mine, je fuirais tes coups si  c’est possible, et je prendrai la diligence avant le 1° Janvier, pour aller passer un mois tout entier sur le sommet de quelque montagne de l’Auvergne , avec les ours du pays. Te voilà bien averti ; ne soit pas trop difficile sur les termes.

    Et maintenant, ô Premier de l’An, laisse-moi m’acquitter, avant d’aller plus loin, de l’une des obligations les plus douces que tu m’aies jamais imposées… Fais place, et permet-moi d’embrasser mon lecteur ou m’a lectrice en lui souhaitant une bonne et heureuse année.

    Lecteur mon ami, je te souhaite de l’avancement si tu es militaire, de grand succès si tu es comédien ou acteur, un fauteuil de président si tu es juge, une gratification si tu es employé, et le sommeil tranquille si tu es roi. Que ta santé soit heureuse, ta femme fidèle et tes amis sincères. Que veux-tu encore, Parle…la boîte à la malice est ouverte. Il ne m’en coûte pas plus pour à moi de donner qu’à toi de demander ; ou plutôt fourre toi-même la main dans le sac. Et surtout, tâche de ne tirer que de bons numéros !

    Et à vous charmante lectrice, que vous offrirai-je ?

    Puissiez-vous, mademoiselle, épouser ce joli petit cousin qui vous aime tant et que vous aimez tant. Que Dieu ôte à votre père la penser de donner votre main à ce ci-devant jeune homme qui a été son ami de collège et qui vous poursuit depuis deux ans de ses œillades assassines !

    L’année prochaine, si j’en crois mes pressentiments, Alfred vous conduira à Notre-Dame-de-Lorette en costume d’épousée. Etes-vous contente ?  Vous faites la moue… Me serais-je trompé ? Penseriez-vous à un autre ? Ah ! Vous trouvez que c’est bien long d’attendre jusqu’à l’année prochaine ? L’année où nous sommes encore ne nous appartient plus, mademoiselle ; elle est hors du domaine de nos vœux. L’homme ne peut que désirer, il n’a pas la puissance d’accomplir. L’avenir est à nous, quoi qu’on dise : le présent est dans les mains de Dieu. Et combien de fois hélas ! Le présent ressemble peu à  l’avenir que nous avons voulu ! Patientez donc un peu jeune fille ; encore quelques jours, et vous saurez, non pas tout ce que je pouvais, mais aussi tout ce que je désirais pour vous.

    Quant à vous madame, conservez longtemps vos fraîches couleurs, vos dents blanches et si bien rangées, votre taille si fine, votre pied si coquet et l’amour de votre mari ou de celui qui le remplace ?

    Je lui vole aujourd’hui un baiser ; mais les baisers du jour de l’an sont tout-à-fait sans conséquence.

    Que me souhaiterai-je à moi-même ?

    Ah !...Que ce petit livre soit dévoré par trois millions et demi de lecteurs d’Asie, d’Europe, d’Afrique, d’Amérique, d’Océanie et de mon arrondissement, et que l’éditeur soit forcé d’en faire assez d’éditions pour qu’avec les exemplaires on puisse construire une nouvelle tour de Babel !

     

       L. COUAILHAC (PHYSIOLOGIE DU JOURS DE L’AN) 1842


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