• digue de pinay
     

    photographie 1873

    IMPORTANCE  DE LA DIGUE DE  PINAY

    Aujourd’hui disparue avec la construction du barrage de Villerest, la digue de Pinay fut pendant des siècles le seul rempart d’une grande partie de la France contre les crues dévastatrice du fleuve Loire.

    En effet pendant longtemps il s’agit de la richesse et la sécurité de plus de cinquante villes de Roanne à Nantes et de plus vingt départements qui sont en jeu.

    En 1702, la compagnie Lagardette fit sauter les rochers qui gênaient le passage des bateaux, triste opération car par la suite les moindres crues plus retenues firent des ravages. Les ingénieurs Poictevin et Mathieu sur ordre de Louis XIV pour mettre fin à cet état de chose proposèrent l’édification de trois digues,  à Pinay, au château de la Roche et à Saint-Maurice.

    Une première digue fut donc construite à Pinay sur l’emplacement  et les ruines d’un pont romain en juillet 1711. Oublié ce colossal rempart ne tarda pas à devenir une riche carrière où les habitants du voisinage venaient puiser.

    Les dalles en pierre de REGNY (s’agissait-il du célèbre « marbre noir » ?) qui recouvraient toute la digue disparurent ; les inondations firent des dégradations conséquentes, la crue de 1790 lui occasionna de graves dommages.

    En 1846, la digue considérablement diminué de son élévation primitive, laissa passer une quantité énorme d’eau.

    En 1847, M. Varinard, conseiller d’arrondissement, attire l’attention sur ce problème, sans  résultat. Interpellé sur l’utilité et de l’heureux effet de la digue de Pinay le ministre des travaux publics, M. Jayr demande un rapport (qui fut favorable)  à M. Boulangé, ingénieur en chef du département, une étude approfondie démarra, stoppée par les événements de février 1848.

    Quelques extraits du rapport (crue 1846) de M. Boulangé :

    « Le maximum de la crue a eu lieu à Roanne, beaucoup plus tôt qu’à la digue soit 33 kilomètres en amont de Roanne. A la digue la crue a duré 48 heures ; 98 heures à Roanne, tandis qu’au Pertuiset, elle n’ duré que 24 heures.

    Ces anomalies dans la marche des eaux proviennent des digues de Pinay et de la Roche. Ces deux digues ne laissant aux eaux qu’un passage de 20 mètres de largeur, ont arrêté leur écoulement et ont formé, dans la partie basse de la plaine du Forez, un vaste réservoir où les eaux se sont emmagasinées, non seulement pendant toute la période croissante de la crue, mais encore pendant une partie de la période décroissante. L’accumulation des eaux sur ce point y a abattu un certain nombre de maison, mais en même temps elle a déposé, sur les terrains inondés, une couche de limon assez épaisse pour que, tout compensé, il soit parfaitement admis aujourd’hui qu’entre Feurs et la digue de Pinay l’inondation a fait plus de bien que de mal.

    Il y a lieu de faire une étude particulière des localités pour savoir si les digues de Pinay et de la Roche diminuent réellement l’intensité des crues en aval ».

     

    Le volume des eaux retenu par la digue de Pinay, déduction faite de celui qui se serait trouvé entre Feurs et la digue, sans le remous occasionné par elle, a été calculé par M. Boulangé et trouvé : plus d’une centaine de millions de mètres cubes retenue en arrière pendant 16 h 30 mn

     

    Si l’on compare ce volume à celui passé à Roanne (crue maximum) de 7300 mètres cubes à la seconde, calculs faits par M. Vauthier (Ingénieur en chef de la navigation de la Loire), on voit que, sans les digues de Pinay et de la Roche, ce volume aurait pu être de moitié  supérieur de ce qu’il a été ;

    Dans ce cas, la crue aurait duré beaucoup moins longtemps ; mais comme les dommages proviennent surtout de la hauteur à laquelle les eaux d’élèvent, il est probable que toute la partie inférieure de la ville de Roanne aurait été complètement détruite, et que tout le littoral en aval aurait éprouvé des dommages beaucoup plus considérables encore que ceux à déplorer.

    Et cependant cette crue, ainsi réduite, a occasionné pour 40 millions de dommage !

    Après les conclusions du rapport de M. Boulangé, les réparations à la digue ne pouvaient plus rencontrer d’opposition. Elles furent effectuées en 1849 et 1850, la digue de la rive droite seule fut l’objet de ces réparations. On l’éleva d’une partie de ce que les crues et les propriétaires voisins lui avaient enlevé, et elle fut portée à la hauteur de 17 mètres au-dessus de l’étiage. La digue de la rive gauche fut délaissée.

    Hélas, les crues de 1852, de 1856 et surtout celle de 1866 ont achevé ce que 1790 et 1846 avaient si bien commencé ; à la suite de l’inondation de 1856, l’Empereur, instruit des excellents résultats produit par la digue de Pinay, publia une lettre fameuse sur les inondations et les effets de cette digue.

     

    Nous avons cru que cette fois, MM. Les ingénieurs se hâteraient de perfectionner à Pinay, le système vanté avec tant de raison et de sagesse par l’écrivain impérial. Mais non le digueron délaissé en 1849 fut complètement écarté malgré son utilité et fit augmenter de quelques 30 à 40 millions de plus les chiffres des dommages occasionnés par la Loire.

     

    Cette situation doit cesser. Que faut-il pour cela ? Sont-ce des crédits énormes, capables de détruire l’équilibre du budget ? Non, nous l’affirmons, 80 000 francs de travaux, tout au plus, suffisent pour mettre à l’abri complètement et à tout jamais, non seulement la ville de Roanne, mais encore tout le littoral de la basse Loire.

     

    Il importe que la digue de Pinay et le digueron soient élevés de 2 à 3 mètres. Il importe qu’une écluse inébranlable ne permette jamais à plus de  6 000 mètres cubes d’eau de s’échapper à la fois. Un immense réservoir de 40 à 50 kilomètres de superficie existe au-dessus de la digue pour emmagasiner les produits de l’inondation, il faut l’utiliser ; 2 ou 3 mètres de plus à la digue de Pinay élèveront peut-être les eaux dans la plaine de 20 ou 30 centimètres ? Ce sera augmenter encore la masse des limons fécondants qui s’y déposeront. Quant aux maisons, qui  sur les deux rives, pourraient être atteintes, que de justes indemnités leur soient accordées. Par ces travaux l’on préviendra des désastres qui, en vingt ans, ont détruit ou coûté en réparations plus de 100 millions. En face de pareils chiffres, que peuvent signifier les quelques indemnités qu’il faudrait accorder. En 1846, on se souvient que la malle-poste faisant le service de Lyon à Bordeaux fut surprise dans la plaine par l’inondation, qu’elle fut entrainée par un courant violent qui déracinait même les arbres. Si la digue eût été élevée de 2 ou 3 mètres, cet événement qui coûta la vie à plusieurs personnes ne se fût pas produit.

    Au lieu d’un courant dévastateur, la plaine eût été couverte d’une eau tranquille qui eût mouillé, mais rien de plus. Le pont suspendu de Balbigny est souvent recouvert de plusieurs mètres par l’inondation ; qu’en résulte-t-il ? Absolument rien, pas une seule planche n’est emportée; le pont prend un bain, voilà tout. Ces effets sont donc infiniment préférables à ceux que produirait le courant de la Loire.

    Sans la digue de Pinay, les Plaines de Balbigny ne seraient qu’une immense grève sablonneuse et stérile.

    Si le gouvernement pense aux incalculables services rendus par la digue de Pinay, il comprendra immédiatement ceux que les réparations que nous le prions de faire sont appelées à rendre.

              Francis POTHIER, Mars 1868 (extraits de l’ouvrage Le Pont de Roanne et les inondations de la Loire).


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