• UNE MYSTÉRIEUSE PETITE MAISON

    CABANE AU FOND DU JARDIN BUNE MYSTERIEUSE PETITE MAISON

                Lors de nos promenades avec les enfants, il nous arrive d’apercevoir Mélanie dans son jardin. Mélanie est bien connue dans le village, pensez donc, à plus de quatre-vingt ans, elle entretien toute seule son potager. Elle ressemble d’ailleurs à l’une des Mamiches dessinées par Scherbeck, dans le magnifique ouvrage « Nos Gens ».

    D’après les gamins, elle est certainement une bonne fée à la retraite, il est vrai qu’elle a un tablier magique, dont la grande poche est toujours pleine de bonbons. Il arrive parfois, qu’elle invite les enfants à entrer dans son jardin pour découvrir les dernières fraises, oubliées sous les feuilles, ou grappiller quelques groseilles. Les fameuses groseilles dont elle fait des gelées lumineuses, et un petit vin rafraîchissant mais parfois redoutable.

    Vous ne connaissez pas le potager de Mélanie ? Comment vous expliquer : c’est une merveille de fantaisie ; vu de loin, il donne envie de s’y promener, comme dans un jardin botanique. D’ailleurs c’est un peu ça, ici point de sillons rectilignes, ni d’allées tracées au cordeau, les différentes espèces végétales, croissent en harmonie et s’épanouissent librement. Il ne manque que les petits piquets avec les étiquettes sur lesquelles on pourrait lire en latin : Allium satirum, Ocynmum basilicum etc.

    Il faut la voir trottiner dans son domaine, elle bine et sarcle par ici par-là, arrache quelques audacieuses herbes folles, redresse un pied de tomate qui ploie sous la charge, elle est attentive au bien-être de tous ses sujets. Le soir venu, on la voit faire le va et vient depuis la fontaine avec ses arrosoirs, elle distribue à chacun, sa précieuse ration d’eau, en parlant tout bas. Paroles amicales d’encouragement ou formules magiques ?

    « Surtout les enfants vous n’allez pas autour de la cabane », c’est toujours la première recommandation qu’elle leur fait. C’est pourtant vrai qu’elle penche dangereusement cette construction. Mais il n’en fallait pas tant pour éveiller la curiosité des gamins et ils ne pouvaient pas s’empêcher de la lorgner du coin de l’œil en se demandant quel mystère elle pouvait bien abriter.

    Curieuse petite maison, toute en hauteur, avec une grande porte en chêne soigneusement verrouillée, pas de fenêtre juste une petite lucarne au ras du toit, impossible de regarder à l’intérieur.

    Située dans un coin du jardin, la cabane est en partie cachée par une végétation exubérante et son air penché, donne l’impression qu’elle essaye de s’écarter des arbustes pour mieux surveiller les environs avec son œil de cyclope.

    Les enfants se faisaient un jeu d’imaginer qui pouvait bien être enfermé dans cette drôle de maisonnette et je me plaisait à leur inventer une suite fantastiques à la Belle au bois dormant, ou un nouvel épisode aux aventures de Merlin l’Enchanteur.

    Mélanie aime son jardin et ses plantes, elles le lui rendent bien d’ailleurs, car il faut voir comme elles rivalisent entre elles pour lui fournir le moment venu, des salades tendres, des tomates rouges et rebondies. Une profusion de haricots verts, qu’elle cueille accroupie, disparaissant à moitié dans un grand îlot de verdure, cachée sous son grand chapeau de paille, elle en fera de nombreux bocaux pour l’hiver. Que dire des courgettes et des pâtissons qu’elle distribue avec fierté à ses voisins admiratifs. Dans un coin, une paire de citrouille rivalisent de grosseur, en attendant d’être transformées en soupes onctueuse, en lanterne fantastique pour la fête, ou en carrosses prétendent les filles.

    « Les enfants venez cueillir des fleurs, nous ferons des bouquets pour l’église ». Il était temps de faire une diversion car l’équipe commençait à tourner du côté de la cabane. Bien sûr les fleurs abondent dans ce curieux jardin, pas de savants parterres, ni de massifs exotiques. Mais comme les légumes elles se sentent si bien, qu’elles poussent partout, elles se ressèment  au gré du vent et se multiplient pour occuper la moindre place disponible.

    Maintenant, si vous avez l’œil expert et le nez fin, vous découvrirez le petit coin aux plantes aromatiques et médicinales. Il est justement situé vers le grand pied de bouillon blanc dont Mélanie récolte encore les fleurs pour confectionner toutes sortes de tisanes et potions.

    Je me souviens de mes vacances d’enfance chez ma Grand-mère, il y avait la même cabane près de l’étable. « Le petit cabinet », dont l’intérieur était tapissé des restes du magnifique papier à fleurs roses de la chambre de la Tante Caroline. Comme il n’en restait pas assez, on avait complété avec du papier journal, le coordonné n’était très heureux mais l’ensemble était coquet et accueillant. Bloquer discrètement la porte, lorsqu’il y avait un occupant dans la cabane, était l’une de nos farces favorites, mais après, gare à la correction

    Bien sûr, maintenant ces petites maisons ont presque toutes disparues, l’eau courante, le tout à l’égout, les engrais, ont réduit celles qui restaient au rang de débarras ou de cabane à outils. C’était d’ailleurs le cas de celle du jardin de Mélanie.

    CABANE AU FOND DU JARDIN A
    Voir taille réelleUn jour où je bricolais dans la grange, j’ai vu arriver Mélanie toute agitée, « venez vite, j’étais dans mon jardin et je l’ai vu tomber ». Inquiet, je lui demande qui était tombé ? Sans me répondre, elle m’entraina vers son potager, où effectivement le cabinet s’est écroulé. « A force de se pencher, c’était à prévoir dis-je à Mélanie, mais ce n’est pas grave, il n’y avait personne dedans ». Elle me regarde d’un œil courroucé et me répond : « mais si c’est grave, pensez donc, c’était le dernier du village, c’est encore un témoin du passé qui disparaît ! » Elle avait raison, et tout en essayant de la réconforter, je pensais déjà à la formidable histoire que j’allais pouvoir raconter aux enfants, à propos de la mystérieuse petite maison qui venait de disparaître avec fracas, dans un nuage de poussière. Car me croiront-ils si je leur dis tout simplement qu’il s’agissait de l’ancêtre de ce que l’on appelle pudiquement « le petit coin ».

     

                                                                                                                                                           Pierre PICOU

     

    http://www.patriciameaille.com/boutique/lire/index.php?rubid=6

     

    Note de Bernard : Merci, monsieur Cavanna pour les heures  passées à lire vos délicieux ouvrages en particulier « Les Ritals ». Merci  à vous et au Professeur Choron pour votre décapant magazine HARA KIRI qui égaya nos quinze ans et à Jean-Christophe Averty qui passait si bien les « bébés à la moulinette dans son émission « les Raisins Verts » à la télévision. Grace à des gens comme vous le « Vent de Liberté » de Mai 68 n’était pas loin.


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