• ACCIDENT DE MALLE-POSTE 1840

     

    ACCIDENT DE MALLE-POSTE 1840

    L'administration des postes peut être déclarée responsable de l'accident causé par le postillon et résultant d'une infraction aux règlements, que le courrier de la malle aurait pu empêcher et qu'il a toléré

     Le 27 fév. 1840, la malle-poste se rendant de Toulouse à Paris, conduite par le sieur Dutailly, en qualité de courrier, et par le postillon Pommier, renversa l'enfant du sieur et dame Berthaud, âgé de 5 ans, qui mourut par suite de l'accident. Le procès-verbal du maire constata que le postillon était assis sur un siège postiche derrière les chevaux, que l'enfant jouait sur la route lorsque la malle-poste fut aperçue à une distance de 23 ou 50 pas, que des cris furent vainement poussés par cet enfant qui, au lieu de traverser la route, courut au devant des chevaux; qu'enfin l'accident était arrivé en plaine.

    Les époux Berthaud actionnèrent en 5,000 francs de dommages, tant aux sieurs Dutailly et Pommier, qu’à l'administration des postes et le sieur Chenaud, maître de poste, comme responsables, la première du fait de son courrier, le second de celui de son postillon.

     L'administration des postes conclut à ce que l'action fût écartée quant à elle, attendu que son courrier était complètement étranger à l'accident qui motivait cette action ; que cet accident ne pouvait être imputé qu'au fait des chevaux confiés à la direction du postillon; que d'après les lois et règlements sur la matière, les postillons ne sont pas les préposés ni les employés de l'administration des postes qui n'est autre chose qu'un voyageur à l'égard des maîtres de poste ; que dès lors la responsabilité de l'accident dont il s'agit ne pouvait atteindre que le maître de poste, tenu civilement des faits de son postillon.

    Le jugement du tribunal civil de St-Yrieix repoussa ces conclusions de l'administration des postes, par le motif que la mort de l'enfant des époux Berthaud était le résultat et de l'imprudence du postillon qui au lieu d'être en selle sur l'un de ses chevaux, comme les instructions de l'administration lui en faisaient un devoir, était assis sur la courroie, espèce de siège postiche placé au devant de la voiture, et de la faute du courrier qui avait toléré cette infraction. En conséquence, le tribunal condamna ce courrier, et, par suite, l'administration des postes, à supporter, sur 400 fr. les dommages-intérêts qui furent alloués au sieur Berthaud et dame Berthaud, une somme de 150 fr., le surplus devant rester à la charge du maître de poste, comme responsable du fait de son postillon.

    Sur l'appel de l'administration des postes, arrêt de la cour royale de Limoges, du 8 déc. 1811, ainsi motivé:

    «Considérant que si, dans les cas généraux, la responsabilité des faits du postillon doit peser exclusivement sur le maître de poste dont il est le préposé, cette responsabilité peut être déclarée commune au maître de poste et à l'administration générale, lorsque le fait dommageable résulte d'une imprudence du postillon que le courrier de l'administration, comme le maître de poste, avait le pouvoir et le devoir de prévenir.

    Considérant que l'emploi des sièges postiches dans les anciennes malles était contraire aux règlements et aux usages consacrés par l'expérience pour la conduite de ces voitures, et dont les courriers, comme chargés de la surveillance générale du service, auraient pu et auraient du exiger l'observation ; qu'en tolérant cet abus, contrairement à leurs devoirs, les courriers se rendaient participants à l'imprudence du postillon et s'exposaient à en subir ou du moins à en partager la responsabilité ; que, conséquemment, c'est à juste titre que les premiers juges ayant reconnu cet abus pour être la cause de la mort du jeune Berthaud, ont fait peser sur le courrier Dutailly, et par suite sur l'administration, une part de la responsabilité de cet événement. »

    Pourvoi de l'administration des postes, pour violation des articles1583 et 1584 C, et des lois et règlements qui constituent et régissent l'entreprise des postes, notamment de la loi du 19 frimaire, an 7, de l'arrêté du 1° prairial de la même année, et de l'instruction générale du 29 mars 1832. La demanderesse établit, par l'examen de ces lois et règlements, que l'exploitation des relais de poste est une entreprise privée, dont l'administration générale fait usage, pour le service des dépêches au même titre et aux mêmes conditions que les voyageurs ordinaires, mais que l'administration ne prend nulle part à cette entreprise, et que, dès lors , elle ne pourrait conférer à son courrier ni droit de contrôle sur l'organisation des relais, ni droit de surveillance sur les postillons, d'où l'on fût autorisé à faire peser sur elle la responsabilité du maître et du commettant. La direction générale des postes, ajoute-t-on, exerce, il est vrai, une certaine surveillance sur les établissements de postes. Pour assurer la circulation rapide des voyageurs, maintenir l'ordre entre les voyageurs, les maîtres de poste et leurs subordonnés, l'administration générale tient la main à l'exécution de toutes les mesures destinées à atteindre ce but d'ordre et d'intérêt public. Mais, en cela, elle agit comme autorité constituée, comme émanation immédiate du gouvernement de l'état, et non comme investie d'un droit de propriété quelconque sur les entreprises de relais. Ainsi la surveillance de l'administration ne dérive nullement de la qualité de commettant. Ceux qu'elle a pour objet ne sont ni les préposés, ni les employés de cette administration. Les qualités corrélatives de commettant et de préposés appartiennent exclusivement aux maîtres de postes et aux individus qu'ils emploient. La sanction ou la garantie de la surveillance confiée à la direction des postes est purement administrative elle ne saurait engendrer une responsabilité civile pas plus que , dans un autre ordre, le gouvernement ne serait tenu, par exemple, de répondre des malversations, fautes ou imprudences des titulaires d'offices, qui , comme les charges de notaires, d'officiers ministériels, d'agent de change, etc., sont cependant placés aussi sous sa surveillance. En appliquant donc la réparation civile dans un cas de simple répression administrative, la cour royale a manifestement commis la violation des lois qui lui sont reprochées.

    ARRÊT.

    LA COUR : Considérant que la cour royale d'Agen, en appréciant les faits du procès, a décidé que la cause de l'événement dommageable arrivé le 2 février 1840, par la mauvaise conduite de la malle-poste, devait être cumulativement attribué :

    1° au postillon qui, au lieu de conduire en selle, était assis, contrairement aux règlements sur un siège mobile d'où il ne pouvait être maître de ses chevaux ;

    2° au courrier de la malle qui pouvant et devant empêcher cette infraction, s'y est associé en la tolérant, et a partagé la faute par son défaut de surveillance.

    Qu'en le décidant ainsi, d'après les circonstances de la cause, la cour royale, loin de violer les principes invoqués, au contraire fait une saine application des lois de la matière ;

     Rejette la demande de l’Administration des Postes

    (L 'Administration des postes a été déclarée responsable d'un accident imputable à la vitesse de la malle, imprudence qu'avait partagée le courrier à défaut d'avoir donné l'ordre au postillon de ralentir ses chevaux lorsque le danger était imminent. Dans les espèces citées, le courrier et le postillon pouvaient peut être invoquer comme circonstances atténuantes qu'ils s'étaient conformes, sans discernement il est vrai, à la vitesse prescrite par les règlements, tandis que dans l'espèce qu'on rapporte ce prétexte manquait à l'agent de l'administration, qui loin de se conformer au règlement  y avait contrevenu en autorisant l'usage d'un siège mobile, dans le cas où ces règlements exigeaient que le postillon fut en selle.)

     


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