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    PONT DU DIABLE 2
     

    UN PONT DU DIABLE SUR LE LIGNON

    Légende Forézienne

     

     

    Achetez à la foire de La Bouteresse un cheval de montagne, petit râblé, à tous crins à l’œil vif, au pied sûr, campez dessus une forte femme forézienne et voyez-là passer coiffée du large chapeau de paille bordé de velours enrubanné de rose. Elle enfourche sa monture de ses jambes robustessous les bas bleus et hue ! hue ! la belle Marion ne barguine jamais au bord d’un précipice.

     

    C’est une Sauvagnarde de Sauvain qui revient du marché de Boën vendre ses chevretons et ses formes. Elle passe au Sail-de-Couzan sans descendre de sa bête ; elle  trempe ses lèvres dans l’eau de la Fontfort, cette eau qui vaut du vin et que lui tend galand, dans un cristal à deux sous, le gardien de la source, un beau gars.

     

    Gros rieurs ne lui chechez pas noise, elle est taillée à coups de serpe, trapue, elle a le teint coloré, le nez hardi, le bras rond à force de revirer tous propos insolents. Il y en a qui goûtent eux  la blancheur, la haute taille et la tournure des filles de Chalmazel ; longuettes ou courtaudes ne les a pas qui veut.

     

    La cavalière va vite comme si le diable la trafiquait ; des vivants elle n’a pas peur, mais passé Saint-Georges-en-Couzan les chemins vont tous de guingois, les bois sont noirs, les vallées rapides ; le Lignon fait grand bruit et il faut le traverser sur un pont dont le renom est malotru, à l’endroit de ce qu’on dit avoir eu de mauvaises rencontres  c’est « le Pont du diable ».

    PONT DU DIABLE
     
    A mon idée je ne connais que deux sortes de gens qui puissent sur ce pont passer sans trembler :les plaideurs et les amoureux. Qu’y risquent les premiers ? Sur le chemin des procès on n’est pas à moitié qu’on loge le diable en sa bourse ; quand aux amoureux, ils ne vont à leur gré jamais assez vite, se plaignent des chemins de travers, soufflent aux montées, éteignent leurs feux aux rivières. Patience, mes petits, le diable vous fera des ponts ! Et voilà pourquoi, n’est-ce pas gentille Sauvagnarde, on appelle celui-ci Pont du diable.

     

    -   Faites excuse, galant, ce n’est point ouvrage d’amour, ce mauvais goujat, mais bien œuvre de méchanceté, puisque ça dure si longtemps ? Le pont ne serait point bâti sans brouillerie du seigneur de Couzan et de celui de Sauvain ? Ils avaient plaidé devant le juge de Saint-Georges ; après l’arbitrage, ils furent plus ennemis que devant. (Ne vous en étonnez-pas, ils étaient cousins !)

    - Ah ! le diable a dû se prendre les cornes de rire.

    - Ca se pourrait. Cependant, après une mission prêchée à Saint-Georges, par saint Martin, évêque de Montbrison, les seigneurs eurent un remord de leur fâcherie. Le sire de Couzan invita celui de Sauvain à une paix qui ne fut pas de pail et lui donna une fête à grand carillon.

    - C’était encore l’affaire du diable, n’est-ce-pas Sauvagnarde. Ceux qui avaient suivi la mission se redammèrent, on redansa, on but, le lutin démenait l’archipot.

    - Peut-être bien ! Les deux chevaliers s’assirent l’un à côté de l’autre, s’embrassèrent, se prirent les mains, burent dans le même verre. Mais marches-tu, bidet mon ami… Ah ! voilà le pont passé !

    - Comme vous dites cela ! bourgeoise, vous avez donc peur ?

    - Oh ! non, non mais on ne sait pas. L’endroit est désert et puis je ne vous connais pas.

    - Bon, vous m’allez prendre pour le diable… Continuez gentille Sauvagnarde.

    - On faisait donc grande fête, les bonnes femmes pleuraient avec leurs maris, le marguillier sonnait les cloches, les gendarmes s’essuyaient les yeux avec leurs buffleteries, tout le monde était content.

    - Mais vous poussez votre bête trop vite. Sauvargnarde. Oh ! quel coupe de sabot !.

    - L’endroit n’est pas rassurant : et il était tard quand le seineur de Sauvain s’en alla de la fête tout seul ; il avait le cœur à  l’aise, jetait sa rancune aux buissons et cheminait droit au gué de la rivière. Tout à coup arrive un chevalier, lance fourchue, tête de fer ; ses gants laissent pointer ses griffes :

     « En garde, Sauvagnard » , crie-t-il. « Traîte, maudit Couzan, tu viens m’assassiner. Oh ! Notre-Dame, je vous fait vœux, si je suis vainqueur, d’élever ici un pont pour les voyageur en détresse ». « Et moi , criaCouzan, je me recommande aux Fayettes et au diable. Ah ! Je vais donc pouvoir me venger, damnation, je tiens mon ennemi ! Lucifer me fasse le plus fort, je me donne au diable ! » Sauvain d’un coup d’épée tomba en criant« Notre-Dame ! Mais il avait enferré Couzan à la gorge, et le traîte roula ensanglanté dans les gourds.

    « Notre Dame de Sauvain, dit le chrétien se relevant : je vous fais vœu de bâtir ici un pont, j’ai occis ce démon, que ce soit le Pont du diable ».

     

    -   Ce n’est donc point planche d’amour, Sauvagnarde ma mie !

    -   Adieu vous comand, notre galant !

     

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     Frédéric Noëlas (cité par Jean Tibi, N° 7 de Musée et patrimoine de Roanne et sa région)
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