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    LE PLAISIR D’ECRIRE

     

    Dans un monde ou la communication rapide tient lieu de dogme, le téléphone à tout naturellement conquit la première place. Mais les mots échangés par le câble téléphonique n’ont qu’une vie éphémère.

     

    A peine prononcés, ils sont précipités dans l’oubli bousculé par leurs congénères proclamant eux aussi leur droit à l’existence. Triste sort que ceux de ces paroles volatiles qui ne laisseront rien à la postérité. Heureux statut que celui des mots couchés sur le papier, lus et relus, appelés à conserver notre mémoire. Écrire, voila un verbe sujet à complément.

     

    Il est révolu le temps des moines qui se livraient au dur labeur de la copie. « Le travail est rude, disait l’un deux : il brouille la vue, courbe le dos, écrase le ventre et les côtes  tenaille les reins et laisse tout le corps douloureux ».

     

    Encore au XIX° siècle, éducateurs et médecins étudient-ils avec soin la position du corps et du cahier afin d’éviter les déformations osseuses et les risques de myopie.

     

    La crampe de la main est une véritable obsession ; en témoignent les dizaines de brevets qui furent déposés pour des appareils destinés à lutter contre cet autre mal du siècle. Pour certain, l’écriture est, au contraire, une source de jouissance corporelle : « Dans l’écriture, dit Roland Barthes, mon corps jouit de tracer, d’inciser rythmiquement une surface vierge… »

     

    Le choix de la plume n’est pas indifférent à l’épistolier. La plume d’oie a longtemps été l’instrument privilégié de l’écrivain. Mais pour les occasions exceptionnelles, on recommandait l’usage de la plume de paon ou de pélican. Malheureusement, les modestes volatiles n’ont pas fait le poids devant les Sergent-major, bataillon de plumes au caractère d’acier. A leur tour, ces dernières cèderont le pas à la bille du stylo.

     

    Au-delà des sensations physiques procurées par le geste de l’écriture, il y a, dans l’acte même, une source de plaisir qu’étendent à l’infini les mille et un évènements  heureux qui ponctuent notre existence. La vie, en effet, multiplie les occasions d’écrire. Quoi de plus délicieux que d’annoncer une naissance, un mariage, la réussite à un examen ? A la joie d’écrire une lettre répond le plaisir de sa lecture. En effet placé sous le signe du partage, le plaisir de l’épistolier se prolonge à l’idée que la bonne nouvelle provoquera une joie intense chez son destinataire.

     

    Rien ne remplace la force des mots et rien n’est plus simple que d’envoyer ses félicitations, ses vœux, souhaiter une bonne fête ou un joyeux anniversaire.

     

    Veut-on déclarer sa flamme à l’être aimé dans le silence ? Prendre la plume est le moyen le plus sûr pour y parvenir. La lettre affranchit de la timidité : l’amoureux transi dévoilera plus facilement ses sentiments par la médiation du facteur que devant sa belle.

     

    C’est une partie de soi même que l’on met à l’intérieur de la lettre. Combien de jeunes gens n’ont-ils pas gardé sur leur cœur la missive parfumée ? Enfin il n’est  peut-être pas d’acte plus social que d’écrire une lettre.

     

    La correspondance épistolaire rapproche les familles dont les liens se sont distendus en raison des obligations professionnelles, du départ au régiment ou de la nécessité de quitter le foyer pour suivre des études à la ville. Écrire rompt la solitude et apporte le réconfort.

     

    Nul besoin de talent pour écrire une lettre, il faut surtout du cœur… A chacun son style…comme un appel à lutter contre l’oubli…

                                                                                

    D’où provient ce joli texte sur l’écriture de 1993 ?


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