• CONTES,D' AMPLEPUIS (Rhône) ET SES ENVIRONS (3° partie sur 3)

    CONTES, LEGENDES, TRADITIONS DE NOTRE REGION

    AMPLEPUIS (Rhône) ET SES ENVIRONS

    (3° partie sur 3)

     

    Texte élaboré par Marcel BEROUD avec la collaboration de M.M. Georges BOURBON et Germain PATAY.

    Groupe de Recherches Archéologique d’Amplepuis (Juillet 1977).

     

    Si l’histoire des œufs consommés au Pin Bouchain par Napoléon rencontre beaucoup de scepticisme, il en est une autre qui est plus volontiers admise et qui concerne le même personnage à peu près dans les mêmes lieux.

     

    Lors d’un de ses passages dans notre région, le 10 juillet 1805, Napoléon montait à pieds la mauvaise route de Tarare pour atteindre le Pin Bouchain. Il devançait sa suite, se mêlant à la foule lorsque, apercevant une vieille femme qui se hâtait il lui demanda ce que signifiaient ces attroupements. Ne l’ayant pas reconnu, la femme lui répondit que l’Empereur devait passer par là et qu’elle désirait le voir avant de mourir, « Mais la bonne, lui dit Napoléon, vous aviez autrefois le tyran Capet, vous avez maintenant le tyran Napoléon, que diable avez-vous gagné à cela ? » La vieille, quelque peu décontenancée, se remit bientôt et lui répondit : « Mais monsieur, il ya une grande différence. Nous avions l’autre par hasard tandis que nous avons choisi celui-ci. Le premier était le roi des nobles, l’autre est celui du peuple. C’est le notre ».

     

    Parlons maintenant des Salles, territoire de la commune de Ronno, sur la route allant du Pilon aux Cassettes.

     

    En voici la légende, une des plus connues d’Amplepuis : un jour il y a longtemps de cela, une cité riche et puissante occupait ce lieu, placé sous la protection de Bal. L’opulence y était grande, les coffres de ses habitants regorgeaient d’or, aussi la vie y était joyeuse et nul ne se souciait de l’avenir ni ne songeait à la mort qui, pourtant, était bien proche. L’hospitalité, cette vertu tant prisée des peuples anciens, y était inconnue, au point qu’un voyageur, quelque pauvre qu’il fut, ne pouvait espérer y trouver un gîte.

     

    Par une nuit froide et sombre, un malheureux étranger, harassé de faim et de fatigue, frappa en vain à toutes les portes de l’orgueilleuse cité mais nulle ne s’ouvrit pour abriter son infortune. Las d’essuyer des refus, il se dirigea lentement vers la sortie de la ville mais, au moment de la quitter, manquant de courage pour continuer sa route, il tenta une dernière expérience et heurta discrètement et sans beaucoup d’espoir à la porte de la dernière maison. A son grand étonnement, l’huis s’ouvrit et une famille pauvre mais hospitalière, l’accueillit et le réconforta de son mieux.

     

    Après s’être reposé, il reprit son bâton et s’apprêtait à poursuivre sa route lorsque, se ravisant, il dit à ses hôtes de ne point avoir peur au cas où ils entendraient quelque grand bruit. Quelques instants après son départ, ses hôtes cherchaient encore à se rendre compte de ses dernières paroles lorsqu’un fracas épouvantable les fit sursauter et, quel ne fut point leur étonnement en voyant que hormis leur propre masure, la ville avait été complètement engloutie et que le silence et la mort régnait là où, peu de temps auparavant, l’on entendait que des chants et les mille cris de la licence la plus effrénée.

     

    Depuis ce jour, le lieu des Salles n’est plus qu’un amas de roches dont la plupart sont enterrées, mais il n’est pas impossible qu’un jour cet emplacement retrouve une grosse importance car, toujours d’après la légende, « la ville des Salles renaîtra lorsque que Lyon disparaîtra »

    Ajoutons que, encore au siècle dernier, des paysans du lieu assuraient qu’ils entendaient parfois, pendant qu’ils labouraient sonner les cloches de la ville disparue, et ceci surtout les veilles de fêtes.

     

    Les Salles ont gardé une réputation un  peu particulière jusqu’au début de notre siècle.

    En effet, vers 1900, la  maison qui se trouve à l’angle formé par la route des Cassettes et le chemin allant sur Balichal était un café dont le toit était simplement couvert de branchage d’où son nom de « Café des Feuilles ». Il paraît que la tenancière vendait à la fois du vin drogué et ses charmes. La drogue incorporée au vin était destinée à annihiler la volonté des clients qu’elle accueillait ensuite dans sa cave. Les gens considéraient se café comme un coupe-gorge mais cette renommée était nettement exagérée. Cependant, il semblerait qu’il y eut au moins un mort au cours d’une bagarre. Ce débit de boissons ferma en 1912, au décès de la tenancière.

     

    Non loin de là, à Balichal, il y avait un « jeteux de sort » un peu particulier car il possédait un pouvoir spécial sur les veaux. Ainsi, pour aller à la foire vendre les veaux du hameau, il lui suffisait de marcher en avant et ces animaux le suivaient comme son ombre. Cependant, il fallait bien prendre garde de ne pas traverser entre lui et le troupeau car alors le lien invisible se rompait, le charme disparaissait et les veaux s’égaillaient. Il fallait aussi éviter de faire des misères à cet homme car, dans ce cas, on risquait de trouver chez soi des boules de sang, principalement dans les écuries.

     

    Les pouvoirs de cet individu étrange disparurent lorsque le curé de Ronno l’obligea de lui remettre les deux livres desquels il tirait ses sortilèges.

     

    C’est que les jeteurs de sort ne manquaient pas et certaines personnes se souviennent encore, de nos jours, en avoir connu qui, par exemple, pouvaient à volonté tarir le lait des vaches ou, au contraire, leur redonner leur production laitière normale.

     

    S’il y avait des personnages inquiétants, il en était d’autres qui, par leur qualité, attiraient la faveur des bonnes fées. Ce fût le cas de la jeune Guillemette de Lozanne qui, apitoyée à la vue d’un jeune faon qui ne pouvait approcher d’une source l’aida à se désaltérer. En récompense, la maman biche, qui devait être une fée, rendit la source éternellement douce et tiède et plus jamais les lavandières n’eurent les mains gelées en rinçant leurs lessives.

     

    Pour les amateurs de contes charmants, signalons « La légende du château de Coursonne à Mardore » si bien écrit par M. Jean Auroux dans son livre : « Contes humoristiques du Haut-Beaujolais ». Il s’agit là d’un seigneur qui, hanté par le désir d’avoir un château-fort, n’hésita pas à faire un pacte avec le Diable d’après lequel ce dernier s’engageait à entourer le château de douves et à construire un pont-levis tandis que le châtelain, en compensation, lui donnerait sa fille. Soyons rassurés tout de suite car, heureusement, un jeune et beau cavalier, amoureux de Melle de Foudras, veillait sur elle et réussit à faire annuler ce contrat diabolique.

     

    Si le seigneur de Coursonne eut à faire avec le Diable, c’est avec Sainte Agathe qu’un sire de l’Aubépin eut des démêlés.

    Dans ce château situé au-delà de Fourneaux et bien connu des amplepuisiens, il y avait autrefois un seigneur cruel qui devint amoureux de la fille d’un hobereau des environs.

     

    Comme la belle ne répondait pas  à ses avances, il la fit enlever par ses gens et, en son honneur, donna un grand bal. Mais rien ne put fléchir la volonté de la jeune fille qui refusa même de danser si bien que, fou de rage devant cette résistance, il y obligea en faisant répandre des charbons ardents sous ses pieds. La malheureuse se brula atrocement et mourut quelques temps après.

     

    C’est là qu’intervint Sainte Agathe qui, comme chacun le sait, protège de la foudre et du feu. Elle apparut au méchant seigneur et lui dit : « Désormais, si tu fais du feu le jour de ma fête, ton château brûlera ». Depuis ce jour, les châtelains respectent cette interdiction mais ont tourné la difficulté en faisant construire un pavillon à quelques dizaines de mètres de là dans lequel on peut faire du feu les 4 et 5 février.

     

    Au début du siècle, les gens de chez nous se plaçaient sous la protection de cette sainte en faisant bénir chaque année un morceau de pain à l’office de Sainte Agathe. Cela  les protégeait contre les incendies, tout comme la coutume de faire brûler un rameau de buis ou d’éclairer un cierge les immunisait contre la foudre pendant les gros orages.

     

    Avant de terminer, il nous semble souhaitable de mentionner ici une coutume encore récente mais maintenant disparus afin qu’elle ne se perde pas dans l’oubli.

     

    Lorsqu’un veuf (ou une veuve) se remariait avec une (ou un) jeune célibataire, les gens organisaient un « charivari » qui consistait, au moyen de casseroles, de sifflets ou autres objets, à faire un tintamarre infernal devant la maison des conjoints, signifiant par là que le mariage était mal assorti. Il était d’usage alors, pour faire cesser ce vacarme, que les nouveaux époux offrent à boire aux participants. Cette coutume était en usage dans toute la France mais, si à Amplepuis tout se passait dans un esprit bon enfant, il y eut ailleurs des violences et des cruautés qui provoquèrent des incidents sanglants. Aussi la charivari, condamné depuis des siècle par les conciles, est maintenant interdit par la loi. Chez nous cette coutume était plus communément appelée « tracassin ».

     

    Comme on le voit, les légendes relatives à Amplepuis et sa région n’ont rien de bien exceptionnel car on en trouve de semblables dans tous les pays. Peut-être est-ce mieux ainsi car il existe parfois des légendes qui ne font guère honneur aux habitants du cru.

     

    C’est le cas, par exemple, près d’Angers, au château de Plessis-Bourré où, dans l’un des caissons du plafond de la salle principale, est représenté un monstre genre dragon qui, parait-il, ne pouvait se nourrir que de femmes fidèles. Or, on assure que la pauvre bête mourut de faim. Mieux vaut donc que cette histoire ait eu lieu loin de chez nous car elle aurait pu discréditer gravement la réputation de nos épouses amplepuisiennes.

     

    Groupe de Recherches Archéologiques d’Amplepuis – Juillet 1977

     

    Notes :

     

    Monsieur Georges Bourbon,  érudit, personnage fort sympathique (trop tôt disparu) est le fondateur du Musée Barthelemy Thimonnier (inventeur de la machine à coudre) à Amplepuis. Ce musée comporte aussi une extraordinaire collection de cycles venant du Musée  Henri Malartre  de Rochetaillé dans le Rhône (Donation de 1987).

     

    Germain Patay fut l’illustrateur de nombreux ouvrages écrits par Gabriel Fouillant, second président de notre association « Les Chemins du Passé » du canton de Saint-Symphorien-de-Lay.

     


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