• EN MARGE DU CONCOURS DE LABOUR DE LAY (8 août 2010)

     

    EN MARGE DU CONCOURS DE LABOUR DE LAY (8 août 2010)

     

    HISTOIRE DE L’UTILISATION DES MOTEURS ANIMAUX EN AGRICULTURE

     

    La première utilisation des animaux domestiques en agriculture est le piétinement. Porcs, bœufs, ânes, buffles, moutons, sont menés dans les champs pour ameublir le sol. Ce procédé ne subsiste guère que dans les régions irriguées naturellement ou artificiellement. Le piétinement comme procédé de dépiquage persiste au contraire depuis la région méditerranéenne jusqu’en Extrême-Orient. Enfin le piétinement sert à recouvrir les semences.

     

    La présence d’animaux et en particulier du bœuf dans les champs au moment des semailles, n’a pas au début un caractère technique mais magique : le bœuf est un animal sacré de l’Égypte jusqu’à l’Inde. C’est dans ces régions qu’on invente la charrue.

     

    La charrue, objet que l’on traine sur le sol, n’a aucun rapport d’origine avec la houe ou la bêche, objets avec lesquels on frappe le sol. Elle sert à tracer des sillons parallèles sur le sol pour pouvoir planter ou semer régulièrement. Dans l’Inde la charrue sert encore pour les semailles : un tube est fixé au mancheron et le laboureur y laisse tomber des graines. L’homme s’est vite aperçu de l’intérêt pratique de cet instrument pour l’ameublissement du sol, et son emploi s’est répandu.

     

    En Égypte les bœufs  étaient attelés par un joug de corne. En Iran, au contraire, on emploie le joug de garrot qui permet d’atteler aussi l’âne, le mulet, le buffle. A l’époque Romaine, le joug de garrot s’est répandu dans le Bassin méditerranéen et le joug de corne persiste que dans les régions gauloises.

     

    La charrue se transforme : primitivement, elle se compose de pièces paires (mancherons) et impaires (age, sep) ligaturées entre elles. Les outils de métal permettent ensuite d’assembler les pièces entre elles, et l’instrument se simplifie dans des sens différents. En Iran et dans l’Inde il ne subsiste que des pièces impaires : mancheron, sep, age. L’outil trace un sillon étroit. En Méditerranée, il s’agit d’ameublir la surface du sol pour retenir l’humidité : le sep est plat et élargi ; des organes pairs, les ailes, situées de chaque côté dans un plan horizontal, ameublissent une large bande de terre. En Europe tempérée humide, il s’agit au contraire d’assécher le sol que l’on laboure. Sur les ailes sont fixées des oreilles qui élargissent le sillon en rejetant la terre de chaque côté. Un patin, ou un essieu à deux roues soutient l’age. Au Moyen-âge la charrue devient dissymétrique : les deux oreilles sont remplacées par un seul versoir (celui-ci était connu en Europe Centrale à l’époque de Pline, c’était une bêche fixée à la place du coutre ; ce type a persisté jusqu’à nos jours en Europe Orientale) ; l’essieu devient un avant train ; l’instrument découpe et retourne une bande de terre.

     

    La traction humaine de la charrue, connue en Égypte ne semble pas plus ancienne que la traction animale. Les pelles tirées par des cordes, que l’on trouve dans les oasis asiatiques, n’ont rien à voir, ni par leur forme, ni par leur usage, avec la charrue primitive.

     

    La traction animale une fois connue a pu être utilisée pour les véhicules à traction humaine : les traineaux.

     

    Les traineaux à patins sont utilisés pour le transport des récoltes. Une espèce de traineau spécial est le traineau à dents. En Méditerranée il sert surtout pour le dépiquage des Céréales, les dents sont en silex. En Europe humide et en Chine, le traineau à dents de bois, puis de fer sert à l’ameublissement superficiel du sol, c’est la herse.

     

    Les rouleaux, lisses ou cannelés, en pierre, en bois ou cerclés de fer sont employés pour le dépiquage dans les régions méditerranéennes. Plus au Nord, les rouleaux lisses ou cannelé servent à plomber le sol soulevé par le gel ; le rouleau à dents est également employé : c’est le hérisson ou herse norvégienne. Ces instruments connus en Iran sont passés de là en Extrême-Orient par l’Asie Centrale.

     

    Dans l’Inde nous trouvons surtout la poutre, avec ou sans dents.

    Tous ces véhicules, de l’Inde jusqu’en Europe, sont attelés de la même façon que la charrue : joug tirant un timon. Il en est de même pour les véhicules à roues employés pour rentrer les récoltes. Ce n’est qu’a la fin de L’Empire Romain que nous voyons des changements notables dans le mode d’attelage.

     

    Le transport peut s’effectuer sans véhicule sur le dos de l’animal.

    En Égypte antique, les récoltes étaient mises dans de grands sacs, attachés deux à deux et posés sur le dos des ânes. Le fardeau tient tout seul, le centre de gravité étant situé très bas. Les bœufs sont encore utilisés de cette façon au Soudan et en Asie sud-orientale. Dans cette dernière contrée, les fardeaux rigides posés sur rembourrage, peuvent être maintenus en place par une poitrinière et une croupière.

     

    Le dromadaire, étant donné sa conformation spéciale, demandait que le rembourrage fût fixé indépendamment du fardeau. Une ou plusieurs pièces de bois reliées non seulement à une croupière mais surtout à une sangle maintiennent les coussins qui protègent la bosse. Cette invention du bât se place à l’époque Romaine, et c’est à cette date que le dromadaire put être utilisé  jusqu’en Afrique du Nord. Alors apparait la litière dont les brancards sont soutenus par des bâts, véhicule porté par deux animaux l’un devant, l’autre derrière. Ensuite la sellette, petit bât, servit à soutenir les brancards des voitures qui firent leur apparition en Europe au début du Moyen-âge.

     

    Jusqu’ici nous avons vu les moteurs animaux produire un mouvement rectiligne continu, mouvement connu de l’Homme. Nous allons voir maintenant dans le manège l’animal produire un mouvement circulaire continu. Il semble bien (d’après l’examen du foret, tarière, tour des primitifs) que l’homme ne savait pas transmettre son énergie à un outil rigide que suivant un mouvement alternatif rectiligne ou circulaire.

     

    Le pilonnage pour décortiquer se fait en frappant, mais on  sait que l’on peu écraser avec un pilon à extrémité sphérique en appuyant et tournant. C’est l’origine du moulin à huile et à canne à sucre de l’Inde (Fig. 6, 4). Le pilon légèrement incliné par rapport à la verticale est relié à un bras horizontal tiré par des animaux. Le mortier est percé d’un trou par ou s’écoule l’huile ou le jus.

     

    Un autre moulin à Canne à sucre se compose d’un rouleau de bois vertical qu’un bras horizontal fait tourner sur lui-même. Un engrenage sculpté dans l’extrémité de ce rouleau, fait tourner en sens inverse un second rouleau (Fig. 6, 5). Les cannes sont aplaties et écrasées entre les deux rouleaux. Ce manège a engendré un appareil à main : l’égreneuse de coton (Fig. 6, 6). Les axes des rouleaux sont horizontaux et situés dans le même plan vertical ; ils sont mus par une manivelle.

     

    Le moulin le plus répandu en Eurasie, et aussi celui dont l’origine est la plus claire est le suivant : sur une aire plane, un rouleau de pierre à l’une de ses extrémités fixée, l’autre étant tirée par l’animal. Le rouleau tourne autour du point fixe en écrasant ce qui se trouve sur son passage (Fig. 6, 1). Le moulin à olives de la région méditerranéenne appartient à ce type.

     

    A l’époque romaine apparait le moulin à grains méditerranéen : un double tronc de cône creux est mû par un bras horizontal, sur un cône formant pivot. Le grain arrivant par en haut dans le premier tronc est écrasé en passant entre le second tronc de cône et le cône (Fig. 6, 2). Ce moulin a engendré le moulin à main, d’abord à deux poignées ayant un mouvement circulaire alternatif, puis à une poignée ayant un mouvement circulaire continu (Fig. 6, 3). L’accroissement de la vitesse de rotation augmentant la force centrifuge qui fait circuler les grains entre les surfaces travaillantes, permet de diminuer la pente du cône, finalement les surfaces travaillantes deviennent planes et les meules prennent la forme cylindrique que nous connaissons.

     

    Il est significatif que même lorsque le mouvement de la meule est continu dans le même sens, le mouvement de la main peut être rectiligne alternatif ; par exemple en Extrême-Orient, la meule en argile et bambou qui sert à décortiquer le riz, est mise en mouvement par une bielle suspendue horizontalement, terminée à un bout par une béquille que pousse et tire l’ouvrier, et reliée à l’autre extrémité à la poignée du bord de la meule.

     

        A. Haudricourt (Extrait de la Revue de Botanique Appliquée, n° 230-231, 1940).

     

     

     

     


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