• L' ARGOT

    L' ARGOT

    L’ARGOT, LANGUE VIVANTE

     

    L’étonnante histoire de la « jaspination »

    Dans cet article, Aix-Echos vous propose de découvrir l’histoire de se parler mais aussi, à travers diverses expressions, son évolution jusqu’à nos jours…

    L’argot, est une langue vivante à part entière.

     

    Nous jaspinons l’argomuche plus souvent que nous le pensons. Il s’agit D’un langage qui exprime la sensibilité et parfois les fantasmes de son époque…Aussi après une longue journée de travail, si vous êtes archijet-lag en cette année 2016, sans doute vous seriez-vous endormi sur le rôti au milieu du XIX° siècle…Allez Aix-Echos vous débine tout le truc !

     

    Argot : une étymologie aussi incertaine que variée, une histoire étonnante.

    Argot, corporation de gueux au XVII° siècle ? Argot forme ancienne de ergoter ? Argot, un bon à rien, dans les dialectes du Jura ? Argot de hargoter (secouer) pour le mendiant qui frappe à la porte ? Argot, du latin argutus pointu ? Argot, simple altération du mot jargon par proximité phonétique ?

    Quoiqu’il en soit, ce jargon, souvent lié à un contexte professionnel, révèle une histoire qui explique sans doute Le caractère imagé et subtil des expressions argotiques. L’argot est « le langage des gueux et des coupeurs de bourse, qui expliquent d’une manière qui n’est intelligible qu’à ceux de leur cabale » (Dictionnaire français, 1680).

    Dans l’expression Royaume d’argot désignant la communauté des gueux, on trouve dès le XIII° siècle d’un jargon des truands surtout dans les archives de la police et des documents relatifs aux prisons (comme mouche au sens d’espion ou rossignol pour fausse-clé). En 1455, un groupe de malfaiteurs appelés les Coquillards est arrêté et jugé à Dijon. Les Coquillards doivent leur nom à la coquille qu’ils portaient cousue sur leur manteau ou leur chapeau pour se faire passer pour des pèlerins allant prier à Saint-Jacques de Compostelle, ce qui leur permettaient de détrousser les vrais pèlerins. Dans leurs rangs il y a des tricheurs du jeu, voleurs et faux-monnayeurs. Soumis à la torture, certains compagnons de la Coquille livrent des mots de leur langage qu’ils appellent jobelin ou jargon jobelin. On distingue alors environ 70 mots argotiques qui constituent en quelque sorte le premier recueil d’argot… L’envoyeur était un meurtrier, le beffleur poussait des naïfs à jouer et le vendangeur dérobait des feullouzes, c’est-à-dire les bourses. Plusieurs de ces mots apparaissent dans les Ballades en jargon ou Ballades de la Coquille du poète François Villon.

     

    Ballade des proverbes

     

    Tant gratte chèvre que mal gît,

    Tant va le pot à l’eau qu’il brise,

    Tant chauffe-on le fer qu’il rougit,

    Tant le maille-on qu’il se débrise,

    Tant vaux l’homme comme on le prise,

    Tant s’éloigne-il qu’il n’en souvient,

    Tant mauvais est qu’on le déprise,

    Tant crie-l’on Noël qu’il vient.

     

    Tant parle-on qu’on se contredit

    Tant vaut bon fruit que grâce acquise,

    Tant promet-on qu’on s’en dédit,

    Tant prie-on que chose est acquise,

    Tant plus est chère et plus est quise,

    Tant la quiert-on qu’on y parvient,

    Tant plus commune est moins requise,

    Tant crie-l’on Noël vient…

    Plus tard au début du XVIII° siècle, l’affaire de Louis Dominique, surnommé Cartouche, chef d’une bande célèbre de bandits, et roué en place de Grève en 1721, fait grand bruit en France. Son personnage inspire des chansons, des poèmes (Le vice puni, ou Cartouche de Granval) et des récits dans lesquels on trouve des mots de l’argot de l’époque tel que pincer et boudiner pour voler, mioche pour garçon, trimarder pour marcher. Son personnage est à cette époque commenté dans les salons mondains de Paris et la bourgeoisie commence à se passionner pour ce vocabulaire argotique qui se trouve désormais sur le devant de la scène, qui devient familier à toutes les couches de la société.

    C’est pourquoi, Une révolution, les mémoires d’un ancien bagnard, chef de la police (Vidocq) et un peu plus de deux siècles après, en 1960, Auguste Le Breton dans son dictionnaire Langue verte et noirs desseins insiste sur le fait que « L’argot, langage des rues, n’est pas exclusivement employé par ceux qui vivent en marge des lois…Un chauffeur de taxi, un couvreur sur son toit, un mécanicien dans son garage use constamment de la langue verte ». Il est aussi à l’œuvre dans la littérature : Balzac, Hugo pour qui « l’argot est tout ensemble un phénomène littéraire et un résultat social…Si la langue qu’a parlé une nation ou province est digne d’intérêt, il est une chose plus digne encore d’attention et d’étude, c’est la langue qu’a parlé une misère » est bien-sûr ZOLA.

     

    Au XX° siècle, Alphonse Boudard a recours à la force et au pittoresque de l’argot en rédigeant en 1970 « Assimil : L’Argot sans peine, la méthode à Mimile. Le roman policier (rompol) contribue largement à la promotion de l’argot. Albert Simonin écrit « Ne touchez pas au Grisbi ! avec en appendice, un petit lexique argotique. Quant à Frédéric Dard, qui publie ses romans policiers sous le pseudonyme de San Antonio, il ne se limite pas à reproduire des expressions connues mais invente même de nouveaux mots… Chansonniers et rappeurs se sont également emparés de ce langage inventif au fil du temps. Aujourd’hui notre société non plus n’est pas en reste… Tout le monde parle le français dit branché. Jeunes et moins jeunes, publicitaires, artistes de sont appropriés des expressions autrefois argotiques qui maintenant sont plutôt des clins d’œil linguistiques…à moins que de nouveau, il ne (re)devienne aussi une expression forte de l’exclusion sociale…

     

    A travers les siècles l’argot suit l’évolution de la société… mais saurez-vous le comprendre ?

    Nous vous proposons un petit jeu de devinettes en forme d’alphabet impertinent dont la solution se trouve en dessous des questions.

     

    Avoir bu l’eau des nouilles.

    Battre à l’estrade.

    Crever un nuage.

    Dévisser du cigare.

    Entraver la coupure.

    Faire gy.

    Gonfler la berlingue.

    Etre nique de mècHe.

    Inviter à la valse.

    Halte au sKetch.

    La faire à la pose.

    Mettre la tête en 3D ;

    N’y aller que d’une fesse.

    Se BOugnotter les Osselets.

    Pas être cher au parfum.

    CroQuer de la Tour pointue.

    Rôtir le balai jusqu’au manche.

    Se mettre virtuel.

    Taquiner la voisine.

    EternUer dans la sciUre.

    Voir le jour.

    SWinguer comme un paquet de biscottes

    Pouvoir faire chanteur à la chapelle siXtine.

    Y aller le nez dans le cintre.

    C’est la LouZe… ?... Mais non la réponse et ci-dessous.

     

     

    A : faire n’importe quoi, se comporter en parfait abruti. A qui viendrait en effet une telle idée…Expression de création récente.

    B : entourlouper autrui par un étourdissant baratin.

    C : boire un coup.

    D : perdre la raison la tête… on peut aussi dévisser du cabochon, de la boîte à sel, du citron.

    E : comprendre la ruse, la feinte. Entraver, comprendre le détournement d’attention, le changement de conversation.

    F : faire attention. « Gy » désigne une population réputée dangereuse dans le jargon de l’argot réformé publié en 1628.

    G : dans le jargon des motards, trafiquer, gonfler le moteur. Au figuré dans le sens d’exagérer.

    H : N’éprouver aucune complicité ni connivence avec une personne donnée, ne pas être de mèche avec.

    I : Inviter un quidam à sortir d’un lieu… pour s’expliquer entre hommes.

    J : S’en aller précipitamment, déguerpir, riper ses galoches. Argot des tranchées.

    K : Invitation ferme à changer d’attitude, de comportement. Expression apparue au début des années 2000.

    L : Vouloir se faire passer pour ce qu’on est pas, la pose étant l’affection de sentiments qu’on n’a pas.

    M : Il s’agit de doubler, voire de tripler le volume de ladite tête… avertissement à prendre très au sérieux.

    N : Ne pas se sentir très convaincu, pas très enthousiaste à l’idée de se lancer dans une entreprise hasardeuse. Argot de la Grande Guerre.

    O : Se salir les mains, les osselets figurant les doigts. Expression du jargon des Kiosquiers qui chaque matin se noircissent les doigts en manipulant les journaux fraîchement encrés.

    P : Ne pas être nombreux au courant de quelque chose, « cher » en argot signifie beaucoup.

    Q : Travailler pour la police. Tour pointue = préfecture de police de Paris.

    R : Vivre à la va-comme-je-te-pousse, de façon désordonnée.

    S : S’en aller très vite, disparaître à la vitesse du son, voire à celle de la lumière… Argot qui fleure bon le langage informatique.

    T : Faire une fausse note pour un pianiste, un guitariste du son, voire celle de la lumière.

    U : Etre guillotiné. Bien que la peine de mort ait été aboli en 1981. Y aller du cigare, expression beaucoup plus répandue alliant la drôlerie à l’ironie cruelle. On dit aussi éternuer dans le son, baiser la veuve. La guillotine entre deux prestations, étant couverte d’un voile noir. Charmant et plus primesautier, mettre le nez à la fenêtre.

    V : Se dit depuis les années 1950 et encore aujourd’hui, de ce qui est honnêtement gagné.

    W : Se dit d’un groupe de jazz qui n’est pas entraînant du tout, du tout, du tout.

    X : Se dit de tout homme dont on pense qu’il n’en est pas tout à fait un ou qui a une voix fluette comme les castrats.

    Y : Foncer tête baissée, à toute allure, sans se poser de question.

    Z : Avoir des ennuis, des tracas. Du verbe anglais to lose, perdre.

     

     

                                                                                        AIX-ECHOS N° 106 AUTOMNE 2015

     

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