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    DE LA DILIGENCE AU CHEMIN DE FER

     

    Avant la monarchie de Juillet, on ne voyageait guère et, lorsqu’on le faisait, c’était en général, en diligence. Les voyages étaient lents coûteux, semés d’obstacles et fatigants. Rare en effet étaient les privilégiés qui disposaient de confortables voitures de voyage munies d’un nombre imposant de commodités : coussins, accoudoirs, glaces, tablettes tiroirs, petits placards contenant des livres et flacons. Ainsi  c’est dans sa « dormeuse »(1)

    que M. de Chateaubriand part pour Venise en 1832, ou pour Prague, en 1836, lorsqu’il se rend auprès de Charles X en exil.

     

    Le commun des mortels devait pour sa part, se contenter des diligences, énormes voitures jaunes d’une hauteur impressionnante, qu’un règlement obligeait néanmoins à ne pas dépasser trois mètres pour épargner les réverbères lors de la traversée des villes !

     

    Chacune de ces voitures comprenaient quatre compartiments ; le coupé, avec trois places à l’avant, était le plus élégant et le plus convoité par les gens distingués, qui pouvaient y admirer tranquillement le paysage sans courir le risque d’être importunés par les fâcheux. L’intérieur, où s’entassaient huit à dix personnes face à face et sur les banquettes étroites et mal rembourrées, était déjà un pis-aller, auxquels certains préférés la banquette, c'est-à-dire le siège du cocher, où l’on jouissait d’un incomparable poste d’observation, sans parler des propos du postillon.

     

    Depuis qu’une capote le protégeait de la pluie, on y était mieux qu’à l’intérieur, au milieu des odeurs de lampes, des ronflements des voyageurs et des piaillements des enfants.

     

    L’impériale, derrière la banquette, était démunit de sièges ; là sous un amoncellement de bagages, se glissaient les malheureux qui ne pouvaient s’offrir une place à l’intérieur.

    Toutes les places, cependant étaient réservées plusieurs semaines à l’avance. Le voyageur partait de Paris par les Messageries royales, rue Notre-Dame des Victoires, ou par les Messageries générales, de Laffitte et Caillard, rue du Bouloi, mettait alors treize heures pour arriver à Rouen et trois jours pour atteindre Lyon. En route, il descendait dans les maisons de poste, des « postes au chevaux », énormes bâtisses comprenant cuisines, salles d’hôtes, caves offices, et des écuries pouvant contenir jusqu’à trois cents chevaux, les maîtres de poste étant tenus de fournir non seulement les attelages des diligences mais aussi ceux des particuliers, des chaises de poste, des berlines, etc.

     

    Nos arrière-grands-parents, gens précautionneux, ne voyageaient jamais sans emporter avec eux une énorme quantité de bagages : malles solides et fortement cloutées, sacs énormes, véritable fourre-tout où l’on empilai rouleaux de châles, couverture, carton à chapeau, parapluies immenses dans leurs étuis de cuir, cannes, etc. Quant à leur tenue de voyage, elle visait surtout à les préserver du froid durant l’hiver et de la poussière durant l’été. On gelait, en effet, dans ces diligences, et les voyageurs enfilaient les uns sur les autres manteau, carrick et houppelande, les dames pour leur part, combinant cape, pèlerine, rotonde, châle et capuchon.

     

    Chaque diligence était tirée par quatre, six ou huit chevaux. Le conducteur, qui effectuait le voyage d’un bout à l’autre, était le maître incontesté (mais il lui était interdit de donner des coups de fouets sur les postillons,  ni sur les chevaux ou de « forcer » ceux-ci). Vêtu d’une culotte à boutons de cuivre et d’une courte veste, grand buveur et grand orateur, il menait à la baquette voyageurs et postillons, auxquels il donnait le signal du départ par le traditionnel : « Allume ! Allume ! ». L’équipage était changé tous les douze kilomètres et les postillons ramenaient leurs chevaux au pas (parcours « haut le pied » terme usité encore maintenant à La Poste ou à la SNCF ; à l’écurie du relais précédent).

     

    Affublé d’une culotte de peau jaune, d’une veste bleue et du fouet, insigne de ses fonctions, le postillon est l’homme indispensable, admiré par les servantes d’auberge, ménagé par les maîtres de Poste, abreuvé par les conducteurs (le « coup de l’étrier ») et flatté par les voyageurs (grâce aux pourboires « les guides »), car c’est de lui que dépendent la vitesse et la sécurité de leur trajet. Les mémoires de l’époque content à l’envi des histoires de postillons grossiers avinés (pourtant le règlement était strict et en cas de négligence prouvée le postillon pouvait perdre temporairement son emploi, la punition était « la mise à pied » expression toujours employée de nos jours) et de diligences renversées dans le fossé. Les chemins dans les provinces lointaines, abondaient, il est vrai, en bosses, trous et fondrières.

     

    Si les voyageurs des diligences descendaient obligatoirement à l’hôtellerie qui flanquait le relais de poste, les autres devaient se contenter, le plus souvent, des auberges de campagne. Elles abritaient une clientèle guère reluisante et offraient en général un aspect repoussant.

     

    Ces auberges de campagne, comme les hôtelleries des maisons de poste vont connaître un rapide déclin avec l’apparition du chemin de fer, avant de renaître avec l’automobile.

     

    En 1848, la France ne comptait encore que 1 860 kilomètres de voies ferrées, dont 28 compagnies assuraient l’exploitation. Le gouvernement impérial réduisit le nombre des compagnies et accrut l’étendue des réseaux.(2)

     

    A la veille de la chute de l’Empire, 17 440 kilomètres de voies ferrées transportaient annuellement plusieurs millions de voyageurs, et, à cette époque, on ne prenait plus la diligence que pour certains trajets encore démunis de chemin de fer.

     

    Dès 1855, Delacroix écrivait que « les communications, dans tous les pays qui ne sont pas traversés par les chemins de fer sont intolérables, car on se trouve jeté dans d’affreuses carrioles, entassé et confondu avec toute la canaille possible ».

     

    Pourtant, s’ils sont plus rapides, les premiers chemins de fer sont aussi inconfortables que les diligences. Le bourgeois qui part en vacance s’encombre à l’instar de M. Perrichon, d’autant de bagages que par le passé. Jusqu’en 1897, il n’existe aucune voiture à couloir. On doit donc rester assis de longues heures sans bouger, refrénant les besoins les plus pressants jusqu’au prochain arrêt, (où l’on gagne, a la course  les « chalets de nécessité » qui longeaient la voie. Les humoristes de l’époque ont immortalisé des scènes cocasses. Comme beaucoup de gares n’avaient que deux ou trois cabines, les passagers se précipitaient et souvent se battaient pour arriver les premiers, spectacle haut en couleur auxquels les badauds du cru ne manquaient jamais d’assister).

     

    On gèle dans ces trains comme dans les diligences. Pas de voiture restaurant avant 1884. Les voitures-lits et les rapides de luxe qui  apparaissent à la même époque, sont réservés aux grands-ducs et à quelques millionnaires en villégiature.

     

    Quant aux hôtel du Chemin de fer, Hôtel de la Gare, Hôtel Terminus, qui remplacent les Hôtels du Cheval blanc de jadis ou les fameux Hôtels « AU LION D’OR » avec l’astuce « au lit on dort », ils ne sont guère plus confortables, ni plus proprement tenus. Les Goncourt, en 1867 se plaignaient de celui de Clermont-Ferrand, « aux canapés de fausse moquette suspecte, aux descentes de lit pouilleuses ; et le matin, sur tout le corps des ampoules semblables à des boîtes de montres ».

     

    On comprend le soulagement des voyageurs lorsqu’ils arrivent à destination dans leurs résidences campagnardes ou dans les hôtels des plages normandes conçus pour leur confort et leur agrément.

     

                                       ALAIN RIVES

     

        (1) la voiture par un système ingénieux se transformait et une personne, voir deux pouvaient dormir allongées sur le plancher presque confortablement.

     

    (2) Rappelons que c’est grâce au Duc de Persigny, natif et enterré à Saint-Germain-Lespinasse, ancien ministre de Napoléon III que Roanne fut choisie par lui pour accueillir une gare Par conséquent certains villages du canton de Saint-Symphorien-de-Lay en reçurent une également : L’Hopital-sur-Rhins, Régny et Saint-Victor-sur-Rhins sur la ligne Roanne-Lyon ; Saint-Cyr-de-Favières, Vendranges, St-Priest-la-Roche sur la Ligne Roanne Saint-Etienne). Fait assez rare l’Hopital-sur-Rhins dépendant administrativement de Saint-Cyr-de Favières, ce village est donc à la tête de deux gares sur deux lignes différentes.

     


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