• Le cheval breton (sur les routes du Roannais)



     

    Illustration d’après Lalaisse : « le costume des coureurs est aussi primitif que leur hippodrome, qui n’est autre chose que la grand’route. Vêtus de toile, en manches de chemise, un mouchoir sur la tête pour nouer leurs cheveux, et la taille serrée dans leur large ceinture de cuir, ils arment d’un formidable éperon l’un de leurs souliers ferrés et montent à poil leurs infatigables Bidets.

    Chaque prix est couru par tous les chevaux et généralement il n’y a qu’un seul prix par course. Le grand prix est une génisse, le vainqueur de la seconde gagne un mouton, et le prix de consolation est un chapeau ».

                                             Félix Benoist (<st1:PersonName productid="La Bretagne" w:st="on">La Bretagne</st1:PersonName> contemporaine) 1865

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    LE CHEVAL BRETON (SUR LES ROUTES DU ROANNAIS ?)<o:p>
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    Les images du cheval-roi ne sont pas éternelles. On ne commence à en trouver mention qu’a partir de 1830 dans le Léon (Bousmiche évoque déjà la nourriture chaude qu’on donne aux chevaux de trait de Plounéour-Trerz). Les mentions du siècle précédent font beaucoup plus état d’animaux se nourrissant sur les communes, dunes ou landes, et qui ne bénéficient pas de l’attention nécessaire «  pour les faire prospérer ». Il faut souligner que le bœuf de travail n’a été remplacé que lentement par le cheval et que, dans le sud de la région, il est même resté prépondérant jusqu’à la généralisation des tracteurs. L’attelage traditionnel associait d’ailleurs les deux animaux, cheval devant et bœuf derrière.

    C’est l’objectif des arrêts du Conseil royal créant les haras en 1665 et 1668 que d’améliorer la race locale, en particulier pour la rendre propre à fournir des chevaux à l’armée (depuis le XV I° siècle, le royaume est obligé d’en importer). Le Roi procure des étalons mais il est fait obligation aux paysans bretons « d’entraver leurs petits chevaux lorsqu’ils les laisseront aller paistre dans les landes ».

    Toutefois, conscient de l’ampleur des besoins, le pouvoir central laisse la possibilité aux Etats de Bretagne d’avoir leurs propres étalons et ils ouvrent aux propriétaires privés la possibilité de faire « approuver » les chevaux entiers «  propres à améliorer la race ».

    En 1727, un texte prévoit que les étalons autorisés seront marqués d’une hermine sous le contrôle des commissaires de la province. Les nécessités de la guerre n’étant pas celle des agriculteurs ceux-ci continuent à préférer un petit cheval polyvalent, en particulier pour se déplacer dans les fondrières qui leur tiennent lieu de routes même si les aristocrates le trouvent « sans distinction ».

    Ce cheval roturier est en général appelé le Bidet breton.<o:p></o:p>

    On sait fort peu de choses sur les origines du Bidet. On peut, certes, imaginer qu’un petit cheval local se modifiait au fil des apports dus aux guerres ou aux immigrations. Faute d’une arrivée massive d’étalons identiques sur tout le territoire, les variantes devaient être nombreuses. Mais la fonction du cheval dans la société féodale était bien  plus guerrière qu’agricole et on ne peut imaginer qu’avec une extrême prudence des filiations menant des équidés de l’âge du Bronze trouvés à Plouescat aux postiers bretons modernes.

    Dans son ouvrage sur le cheval chez les Bretons des Côtes-d’Armor, Guy de Sallier Dupin veut voir un témoignage sur les chevaux bretons d’origine dans un récit rédigé vers 880 mais se situant au V° siècle est figurant au cartulaire de l’abbaye de Landévennec : Ryval, duc de Domnonée et Fracan, chef de <st1:PersonName productid="la Haute Cornouaille" w:st="on">la Haute Cornouaille</st1:PersonName> font un pari sur la rapidité de leurs coursiers dont il est noté qu’ils courent « à la façon des dromadaires », c'est-à-dire qu’ils utilisent simultanément les deux membres du même côté, cette allure portant le nom d’amble. Or c’est l’une des caractéristiques du Bidet breton que d’aller « l’amble naturellement », comme l’écrit Guy de Charnacé en 1869 dans son livre sur les races françaises. On peut toutefois objecter que le document témoigne peut-être pour le maintien d’une technique de dressage. On note aussi que c’est en jouant sur la mobilité de leur cavalerie que les Bretons d’Erispoé battirent l’armée de Charles le Chauve en 851.

    Il est certain que les grands seigneurs féodaux, voire certaines abbayes élevaient leur cavalerie dans de vastes enclos boisés tels ceux de Redon (Morbihan), Châteaulin (Finistère), Saint-Servais et Mûr-de-Bretagne (Côtes-d’Armor). La première mention fait état des étalons arabes rapportés en 1213 de la croisade par le vicomte de Rohan et installés dans la forêt de Quénécan, Poulancre et Loudéac. Presque trois siècles plus tard, un autre Rohan aurait obtenu l’autorisation de se procurer chez les Turcs des lévriers, des faucons et des coursiers pour la chasse, renouvelant ainsi l’injection de sang oriental (la possession d’étalons était alors un privilège et les vassaux étaient tenus d’y avoir recours en payant des droits).

    Enfin, en 1730, ce sont trois étalons offerts par le bey de Tunis à Louis XV qui auraient atterri en forêt de Lorge. Vraies ou fausses, ces anecdotes signent un souci d’anoblir le cheval breton par des origines exotiques mais, même authentiques, elles ne suffisent absolument pas pour prouver la moindre modification durable de ce type.

    PETIT CHEVAL DEVIENDRA GRAND

    A la fin du XVIII° siècle, on compte en Bretagne plus de 150 000 chevaux dont le tiers de chevaux entiers et 44 étalons royaux. Il faudra donc attendre le milieu du siècle suivant pour que la politique des haras commence à battre en brèche les options empiriques des agriculteurs. Les objectifs sont militaires (il faut fournir la cavalerie mais aussi les chevaux qui tirent les chariots et les canons) et civils (il faut répondre à la demande des chevaux de poste)

    Le dépôt de Langonet (crée en 1806, transféré à Hennebont en 1857) et celui de Lamballe (Crée en 1825, supprimé en 1833 et rétabli en 1842) associés aux conseils généraux et à tout un réseau de stations vont ainsi introduire de nouveaux étalons.

    Pour le seul Finistère (ou il y a  près de 100 000 chevaux au début du Second Empire), on dénombre 21 Percherons (de 1836 à 1840) et, surtout 103 Norfolk (de 1842 à 1900) ; à Lamballe, c’est, en 1844, un demi-sang Norfolk qui lancera le mouvement qui aboutira à la constitution du Postier breton. Parallèlement, une variété plus lourde du Bidet, nommée Sommier, croisée surtout avec des Percherons et des Ardennais va aboutir à la création du Trait breton, surtout localisé en Finistère Nord et sur le littoral des Côtes-d’Armor. Dans l’intérieur et vers le sud, le Bidet ou Roussin va donner une variété, le Petit Trait ou Centre-montagne (en haute Bretagne on disait « sang de montagne ») qui se maintiendra jusque dans les années 1970, époque à laquelle les haras ne le distingueront plus dans les concours.

    Quant au Bidet populaire qui figure encore sur quelques photos du début du XX° siècle, ses derniers représentants ne survécurent pas à la guerre de 1914 au cours de laquelle, il faut le rappeler, plus de 700 000 chevaux disparurent.

    En fait, il en fut des chevaux comme des coiffes, qui se diversifièrent à l’infini au cours de l’âge d’or somme toute assez bref. Au début du siècle dernier, les variétés nées de pratiquement chaque pays d’élevage se disputaient les faveurs des acheteurs. Citons un texte de 1907 : « Nulle province de France ne possède une population chevaline plus nombreuse, un production plus variée. On y trouve des représentants de toutes les espèces, cheval de trait de grande taille, de taille moyenne, postier, cheval de trait léger, cheval de sang à aptitudes trotteuses, demi-sang galopeur, cheval de selle pour la cavalerie, cheval d’artillerie sans rival. »

    Soixante-dix ans plus tard, on a fixé deux types (le Trait et le Postier) qui ont pris <st1:metricconverter productid="300 kg" w:st="on">300 kg</st1:metricconverter> de plus.

    Le cheval Breton est l’une des neuf races de trait reconnues en France. Après le Comtois, c’est celle qui, à l’heure des bilans, tire le mieux son épingle du jeu puisqu’elle compte encore 10 000 têtes dont 5400 juments, 4000 poulains et 600 étalons environ (40% vivent hors du berceau de la race). Encore utilisé comme cheval de travail dans les zones légumières du Léon, il a connu d’heureuses fortunes à l’exportation (une quinzaine de pays) et dans la promotion des randonnées en roulotte et en calèche. Mais il  ne doit son maintien actuel qu’à la passion des éleveurs, au travail des haras et aux efforts des hippophages…

    On pense souvent que les races locales sont, au même titre que les  Appellations d’origine contrôlées, le produit d’une terre et d’un climat quand elles sont, en fait, ce que les hommes ont fait d’une terre, d’un climat et d’un potentiel génétique. Le cheval breton en est un bel exemple et force d’admettre qu’il y a loin du Bidet au Postier. La race est sans conteste originale, elle n’en est pas moins bien récente puisque les croisements n’ont cessé qu’à partir de 1930.

    On ne saurait donc trop recommander aux  cinéastes qui rêvent de reconstitutions « authentiques » d’avoir plutôt recours à des poneys Dartmoor, dès lors qu’il d’agit pour eux de situer une action dans les campagnes bretonnes d’avant 1850.

    A SAVOIR :

    1. Quand un cheval mourait dans une ferme, on creusait une grande fosse et on le couvrit de chaux vive. Parfois, on coupait ses crins, on enlevait ses fers et on portait le tout à la chapelle de saint Eloi la plus proche.
    2. La foire « haute » à Morlaix était l’un des plus importants marchés aux chevaux d’Europe.
    3. Vers le début du XX° siècle c’est la robe « aubère » (mélange de poils rouges et blancs) qui était alors la plus répandue.
    4. Le cheval breton pouvait être aussi alezan, bai, rouan ou gris, le noir restant très rare.
    5. Le Bidet breton servait à tout, sauf à la boucherie.
    6. Les cartes postales anciennes conservent le souvenir de chevaux  « à barbe » (poils non rasés sous la mâchoire inférieure).
    7. En breton, le cheval, au sens général du terme est penn-Kezeg ; la jument est or gazeg (Kazeged ou kezeged au pluriel) ; l’étalon se disant mac’h (pluriels les plus courants : mirc’hed ou mic’hi). Le poulain est dit ebeuf et la pouliche ebeulez (eal quand on veut dire le petit).

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