• Le crapaud

    CRAPAUD
     

    Le crapaud

     

    Le crapaud vit dans les trous, se cache sous de grosses pierres, quitte à s’y laisser enclore ; visite les étangs ou les marais, ne cherchant, en les divers endroits où la destinée veut qu’il traine son existence de paria, de réprouvé, qu’à se faire ignorer.

    Son chant seul « doux et plaintif », nous révèle sa présence, la nuit dans le lointain.

    En hiver, il s’enfonce en terre comme le hérisson et la taupe ; lui, le plus profondément qu’il peut, sa vie végétative lui permettant de résister longuement à la dessiccation et au jeunez, ce qui n’a pas lieu pour la taupe qui ne connait pas ce sommeil léthargique.

    A  la belle saison il ressort pour accomplir son œuvre bienfaisante, pendant laquelle il dévore des quantités d’insectes.

    Nous avons parlé de la sécrétion de ses pustules : inoffensives pour l’homme, elles sont dangereuses pour les insectes venimeux qui l’attaquent, entre autre la grosse araignée des prés qui passe pour la plus redoutable, et contre les morsures de laquelle il se prémunit en avalant du plantain.

    Le principal l’inestimable mérite du crapaud, c’est d’être un infatigable destructeur d’insectes.

     Combien, le connaissent ainsi ? Ils sont bien peu nombreux dans nos campagnes, hélas, puisque la plupart l’assomment…

    D’ailleurs, on ne se connaît soi-même, soit dit en passant de notre misérable espèce, qu’après l’épreuve.

    L’épreuve relative au crapaud est faite scientifiquement.

    Il y a plus de vingt ans, un célèbre jardinier de Hollande, M. Krelage, dont la réputation a été considérable à Harlem, recommandait d’en placer dans les serres où certains cloportes, qui s’attaquent aux racines, exercent de désastreux ravages.

    Dans cet agreste pays la plupart des horticulteurs expérimentés, et ils le sont presque tous, de père en fils, ont depuis, le soin d’introduire des crapauds dans leurs serres, et les renseignements récents qu’on nous a communiqués prouvent qu’ils s’en sont toujours bien trouvés.

    En Angleterre, les jardiniers en font autant pour protéger leurs légumes contre les limaces et autres dévorants.

    En France, il se tenait vers 1880 ; à Paris rue Geoffroy-Saint-Hilaire, un marché aux crapauds bien connu des intéressés : les horticulteurs, notamment.

    Nous avons le souvenir de cela comme si c’était hier :

    Les vendeurs apportaient leurs marchandises dans de grands tonneaux percés de trous où les crapauds étaient assortis par centaines dans la mousse humide.

    Le cent d’individus de bonne taille se vendait de 75 à 85 francs, ce qui représente un prix fort respectable.

    Ce marché a disparu, et c’est un malheur ! « Ca gênait la circulation » parait-il ! Quelle plaisanterie !

    Nous serions très heureux d’avoir, à cet égard, l’avis, non pas de ceux qui en faisaient un commerce si lucratif, et dont les doléances seraient des plus légitimes, mais des jardiniers des environs de Paris qui s’approvisionnaient dans ce marché, au mieux des intérêts généraux.

    …Quoi qu’il en soit, une chose reste certaine, c’est que le crapaud est un animal des plus précieux et que sa laideurs, si excessive qu’elle soit, n’est pas une excuse à la  cruauté dont il est l’objet dans nos campagnes et contre laquelle nos excellents instituteurs notamment, instruits comme ils sont à présent, devraient être les premiers à réagir, à condamner.

    Conclusion : respectons le crapaud, protégeons-le, considérons-le comme un ami et un ami véritable.

    Les préjugés contre son venin et les dangers pouvant résulter de sa présence sont dépourvus de fondements et nous cesserons de le crier, dans nos champs, sur tous les toits, sur tous les chaumes :

    « Protégeons le crapaud ».

       Bulletin de la Société agricole et horticole de Mantes n° 287, septembre 1904


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