• LE LUNDI DE PAQUES

    LUNDI DE PAQUES 4
     

    Malgré les progrès, en France du moins, de l’athéisme et surtout de l’indifférentisme, la fête de Pâques, comme la fête de Noël, est restée une fête populaire où les athées comme les indifférents, se trouvent englobés et qu’ils célèbrent forcément comme les autres par le repos et les réjouissances de famille.

     

    Nous serons donc toujours les bienvenus en publiant à cette date les coutumes anciennes ou nouvelles qui découlent de la fête religieuse plus particulièrement suivie par les fidèles.

     

    Il en est une très curieuse en Hongrie, et M. Tynaire, un jeune artiste de talent qui a toujours habité ce pays, l’a dessinée pour nous.

     

    La tradition fait remonter à la mort de Jésus cette étrange coutume qui a lieu le Lundi de Pâques. En voici la description, d’après un vrai Hongrois, dans un langage imagé :

     

    « Depuis trois jours on croyait le grand supplicié au tombeau, tous les cœurs de femmes saignaient encore au souvenir de la douloureuse passion ; il y avait foule devant le Palais consulaire et les malédictions arrivaient jusqu’à Ponce-Pilate qui, pour s’y soustraire, s’était réfugié dans l’endroit le plus reculé de sa demeure. Les clameurs l’y poursuivent quand même il se bouche les oreilles ; vaine précaution ! Les imprécations lui arrivent plus distinctes encore. Alors il ordonne à ses prétoriens d’inonder les saintes femmes. Celles-ci se retirent alors dans leurs maisons et y font sécher leurs vêtements aux fenêtres et sur les terrains.

     

        Pilate voyant la place vide se croit délivré. Mais ô miracle ! Chaque goutte qui tombe de ces vêtements étendus dit en tombant du sol ; Lâche ! Lâche ! Ce n’est pas par tout encore : aux jeunes filles qui viennent emplir leurs cruches, les fontaines racontent la criminelle faiblesse du Romain ; les ruisseaux le disent aux cailloux, les rivières à leurs bords, les vagues à l’Océan, et la pluie à la terre.

     

        La mort elle-même fut impuissante à défendre le proconsul de ces accusations vengeresses, et d’âge en âge, son âme damnée les entend dans la profondeur des ténèbres ».

     

    Cette légende, sortie des plus légitimes sentiments de la justice humaine, dut sans doute être représentée dans les Mystères, alors que l’Eglise et le théâtre combinaient leurs moyens d’action pour donner plus de vie au drame religieux. De jeunes filles figurèrent les saintes femmes, de jeunes garçons les prétoriens. Et comme de nos jours, dans les campagnes hongroises, les plus belles étaient toujours arrosées.

     

    Aussi, n’est-ce pas sans orgueil que les jolies magyares font flotter au vent printanier, devant les maisons, les corsages et les jupes arrosés à seaux par les legény (les amoureux) qui, dès la première heure, cherchent à les surprendre près des puits, au matin du lundi de Pâques. Celle qui se laisse atteindre, doit un œuf et un baiser au prétorien. On donne l’œuf de bonne grâce ; mais on dispute le baiser aussi longtemps que possible. L’arrosée fait en poussant des cris joyeux ; le legény la poursuit, l’atteint et se paye avec usure de ce qu’on a fait semblant de lui refuser.

     

     

                                                                       Le Monde Illustré (1857)


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