• ROANNE : "NOS QUATRE VENTS"

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    ROANNE NOS « QUATRE VENTS »

     

    Chez nous, les quatre vents s’appellent : le matinal, la bise, la traverse et « le vent ».

     

    Oui « le vent », c’est ainsi qu’on désigne dans la campagne roannaise, le vent du Midi. C’est le vent qui, l’autre jour balayait les champs affolait les blés, tourmentait les arbres, secouait les fruits et allait jusqu'à détacher des raisins des ceps. Car, par la violence et la durée de ses colères, le vent du Midi ne connait pas de rival : il est le roi des vents ; c’est notre mistral à nous, un mistral chaud et qui court du Sud au Nord, alors que le vrai galope du Nord au Sud.

     

    Il souffle en toute saison, mais surtout au printemps et en automne. Au mois de mars et d’avril, il déchaîne la vie, fait éclater les bourgeons, allume la flamme des pêchers en fleurs appelle au jour les germes endormis, c’est le vent des résurrections ; mais aux jours de novembre il précipite la débâcle des feuilles, les arrache aux arbres gémissants, balance des vols de corbeaux et amène les grandes pluies froides préludent à l’hiver, c’est le vent des agonies.

    De décembre à janvier, il fait de brèves apparitions, bousculant, par des jours de dégel, de difformes troupeaux de nuées. Il est l’ennemi de la neige dont il hâte la fonte, qu’il flétrit de sa tiédeur et qu’il fait ruisseler en boue liquide.

     

    « La Bise », au contraire conserve la neige et se plaît dans les claires nuits d’hiver, à mener par sa blancheur des danses mystérieuses. Elle est sauvage et pure ; les nuages s’évanouissent à son souffle ; elle avise la lueur des étoiles, et fait désirer la maison à ceux qui reviennent de la messe de minuit. Cependant elle ne souffle pas seulement en hiver ; en été, elle préside aux longues périodes de beau temps et tempère de sa fraicheur  les jours brûlants de juillet et d’août ; elle est le bon éventail qui sèche la sueur au front des moissonneurs ; elle est la goulée d’air vif qu’ils aspirent, debout un instant, avant de replonger dans la paille embrasée.

     

    Quant »à la traverse », elle nous vient de l’océan, en passant par-dessus les montagnes de la Madeleine, et après avoir franchi quatre cents kilomètres de terre. Malgré cette distance, on dirait qu’elle apporte parfois l’odeur salée de la grande mer. Elle a aussi des façons de carder et d’effilocher les nuages qui évoquent le voisinage des vagues. Il semble alors que si l’on marchait un peu dans sa direction et que si l’on montait jusqu’à la proche montagne, on découvrirait l’Atlantique. La traverse règne souvent en mars et avril ; c’est elle qui préside à ces folles et délicieuses giboulées, où s’ébat l’enfance du printemps. Plus tard elle jette les grandes pluies d’automne, car si c’est le vent du Midi qui amène la pluie, c’est le plus souvent la traverse qui la donne. En été, la traverse est souvent maudite par le paysan, car c’est elle qui, huit fois sur dix, nous amène du couchant les orages de grêle.

     

    Furtif et rare, « le matinal » est un vent de transition qui chez nous ne dure que quelques heures. Malgré son nom, il se déclare souvent le soir au coucher du soleil, et dès le lendemain avant midi cède la place au vent du Sud. On dit, d’ailleurs, que «  quand prend le matinal, le vent du Midi monte à cheval ». En hiver, pourtant il lui arrive de tenir plusieurs jours de suite, et c’est au cours de son règne que la température descend le plus bas. Rien n’est glacial comme un lever de soleil, en janvier ou décembre, par le matinal. Ce vent n’amène ni la pluie ni la grêle ; il lui arrive pourtant d’être plus funeste que les tempêtes à grand fracas, car c’et lui qui, par les purs matins d’avril et de mai, gèle les vignes et anéantit, sur de vastes étendues, les espérances du vigneron. Silencieux désastre sur lequel, pour l’achever, se lève un soleil magnifique.

     

    Tels sont les quatre vents de chez nous

     

                                                      Louis Mercier.


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