• VILLAGE DE LAY (Loire) Carême et la Tour de Beurre (2° partie et fin)

    clermont tour bayette
     

    VILLAGE DE LAY (Loire) : LA TOUR DE LA PREBENDE ou LA TOUR DE BEURRE ou LA TOUR DE BAYETTE ?

    « Etude de Bertrand Lacroix (Vice-président des Chemins du Passé) décembre 2008. »

    - seconde partie et fin-

    A Rouen donc, une des tours de la cathédrale s’appelle encore aujourd’hui Tour de Beurre, parce qu’elle fut bâtie en grande partie avec les aumônes des fidèles qui achetaient la permission de manger du beurre pendant le Carême. (Dictionnaire historique des institutions, mœurs et coutumes de la France (Adolphe Cheruel (1809-1891). Paris 1899).

    Ainsi une partie des frais de sa construction auraient été couverts par le produit d’une aumône de carême payée par les habitants et les paysans des alentours pour pouvoir manger du beurre en cette période de jeûne. Les sommes versées par les fidèles leurs valurent d’être dispensés de jeûnes pendant le Carême. Ils pouvaient manger du beurre et en compensation, ils versaient de l’argent pour la construction de la tour.

    Les historiens s’accordent plus volontiers à trouver dans cette aumône, l’origine de son nom particulier. Le terme de Tour de Beurre est alors choisi et il n’est nullement fait allusion à un droit de péage ou d’octroi.

    De même, la tour nord de la cathédrale St Etienne de Bourges, effondrée en 1506, fut reconstruite avec d’intéressants ajouts, grâce aux dons des fidèles qui s’assuraient ainsi le droit d’adoucir le Carême, ce qui lui valut le nom de Tour de Beurre. Comme à Rouen, la Tour de Beurre de Bourges doit son nom à la nature de son financement : des dépenses de jeûnes accordées contre versement d’espèces sonnantes et trébuchantes ont permis son édification.

    Faut-il pour autant penser la même chose pour Lay ?

     Ce n’est pas impossible mais le fait qu’elle ait pour nom  également de Bayette laisserait croire que le droit de péage pour l’entrée des marchands qui commercialisaient ce produit, la bayette ou flanelle, lui ait valu ce nom. Ainsi beurre et tissu auraient été les principales marchandises  commercialisées lors des foires ou des marchés, jusqu’à donner son nom au lieu d’entrée. Ce n’est pas évident. Il ne devait pas arriver que du beurre ou de la flanelle par ce passage obligé. La vérité ne semblait pas là.

    En ce qui concerne le nom de « Tour de la prébende », ce terme abonde dans le sens de revenu obtenu par le curé d’alors et donc collecte de fonds pour l’édification de la tour. Les fonds recueillis sont alors destinés à la construction de la tour et non pas à la rétribution personnelle du prêtre.

    La découverte qu’à Clermont Ferrand, un tour de la cathédrale se nomme depuis sa construction la tour de la Bayette, donna alors un nouveau sens à ma réflexion.

    « De 1325 à 1340, deux tours sont construites sur la cathédrale de Clermont Ferrand, dont il ne reste que la tour de Bayette. Son nom vient du vieux français « bayer », qui signifie regarder, épier, guetter. En temps de guerre, la ville y installait une sentinelle pour faire le guet ».

    La représentation de la cathédrale de Clermont Ferrand sur l’Armorial de Revel (vers 1456) fait bien figurer la tour de la Bayette avec sa forme caractéristique et sa hauteur, pour le rôle de guet.

    Et oui, la tour la plus haute de cette ville doit son nom au guetteur que l’on postait à son sommet : le bayer, qui faisait le guet ou « la bayette ». A Clermont Ferrand, cette tour, encore aujourd’hui dite « du guet » a servi de beffroi à la cité.

    A Lay, le mot bayette, avec la proximité des remparts, oriente plus en direction du guet qu’en direction de la flanelle.

    Une expression, connue pourrait avoir conservé le sens du verbe bayer, c’est « bayer aux corneilles », (Bayer s’écrivant ainsi et non pas bailler) même si les avis divergent entre les auteurs de dictionnaires. En effet, l’origine de « bayer aux corneilles » n’est pas claire.

    Au XVI° siècle, corneille désigne non seulement le petit oiseau au plumage terne, de la famille des corbeaux, un gibier sans valeur car cette petite proie  immangeable, mais aussi, de façon dépréciative, le fruit du cornouiller, un arbuste des bois et des haies sans valeur également puisqu’en Picardie, les « corgnolles » (autre appellation du fruit) signifie des « nèfles ». Littéralement la locution pourrait signifier « perdre son temps en regardant une chose aussi insignifiante que l’est la corneille pour le chasseur ou le fruit du cornouiller pour l’amateur de fruits, la saveur aigrelette de ce fruit étant peu appréciée ».

    Dans cette expression, il faut en effet bien lire « bayer » et non « bailler ». Rapprocher « bayer » de « béer » qui a donné « bouche bée » ou « béant » et qui signifie « avoir la bouche pleine » serait peut être une fausse piste.

    Au XVII° siècle, on disait non  pas « bayer aux corneilles », mais « bayer aux grues », ce qui inciterait plutôt à retenir l’oiseau plutôt que le fruit.

    Ce serait mon avis car lorsque l’on était bayer (guetteur) en poste en haut d’une tour, la seule compagnie à contempler se limitait souvent aux corneilles. Alors « bayer aux corneilles signifierait « guetteur aux corneilles ». La confusion entre « bailler » et « bayer » aurait donné lieu à interprétation s’orientant sur le sens de « s’ennuyer », « ouvrir la bouche devant une chose sans intérêt aucun ».

    Il parait alors logique de dire que le nom de la tour de Lay a une chronologie à respecter : elle doit s’appeler en premier la tour de la Prébende, puis la tour de Beurre et enfin la tour de la Bayette.

    Les circonstances de la construction des remparts qui cernaient Lay ont longuement été décrites par l’abbé Prajoux dans la monographie de Lay.

    De guerre las, les habitants de Lay voient les bandes de pillards des grandes compagnie, tard-venus, routiers venir les rançonner et les massacrer régulièrement au XIV° siècle. Bien décidés à survivre et à vendre chèrement leur vie, ils décident donc de s’entourer de fortes murailles et de tours de surveillance. Pour cela, la religion étant leur unique raison de vivre, le curé fonde une prébende dont le revenu est affecté à cette construction. La ville gardera le nom de tour de la Prébende.

    Mais les fonds sont difficiles à trouver et à lever. Pour avancer plus rapidement, la décision est alors prise avec le clergé d’autoriser, après demande auprès des autorités religieuses, les habitants à manger du beurre pendant le carême, en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes. Cette aumône particulière est retenue. La tour peut alors s’appeler la Tour de Beurre.

    Une fois les murailles terminées, des tours sont élevées comme ultimes remparts de protection. L’insécurité continue nécessite des tours de garde, aux deux sens du terme, et la tour la plus haute qui doit permettre de voir l’ensemble du village devient alors la tour du guet. A l’époque, en vieux français, c’est la tour de la Bayette ou tour du guet.

    A mon humble avis, je pensais que la collecte de fonds pendant le période de Carême en échange de la possibilité de consommer du beurre avait donnait le nom à cette tour.

    Ainsi, la tour de la Prébende initiale, a engendré par manque de fonds, la tour de Beurre, financée avec cette matière première, et, qui, une fois construite, a pris la vocation de tour de Bayette. L’insécurité de la période a donné son évolution aux noms de la tour.

    L’appeler par un des trois noms ne dénoterait aucune erreur. Seuls les puristes retiendront la chronologie évènementielle.

    Je confirme qu’il s’agit d’un humble avis personnel, sujet à contestations légitimes

    Espérant néanmoins vous avoir convaincus de la légitimité des appellations.


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