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LA ROUTE AUTREFOIS ENTRE ROANNE (Loire) ET LYON (Rhône)

A propos de Louis II de Bourbon


Sur la photographie : gisants de Louis II de Bourbon et de son épouse Anne d'Auvergne  à Souvigny

 

A PROPOS DE LOUIS II DE BOURBON<o:p></o:p>

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(Par son mariage avec Anne d’Auvergne,  héritière du Forez, il devint maître de cette province)<o:p></o:p>

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En recherchant dans les divers historiens du XIV° siècle les jugements qu’ils avaient porté sur Louis II, je me suis aperçu une fois de plus que les anciens étaient fort sages lorsqu’ils se bornaient à récapituler les actions d’un personnage pour en donner une image impartiale, laissant ainsi le lecteur libre de conclure à son gré.

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Christine de Pisan a tracé de Louis II un portrait hyperboliquement flatteur, où la louange est toute parée de l’onction propre au style mystique. « Que dirons-nous de ce bon duc, sinon qu’il fut un vase de bonté, de clémence, de bénignité et de douceur ?«  D‘ordinaire Christine de Pisan  n’est pas chiche de louanges envers les princes et seigneurs ; mais celles qu’elle décerne à Louis II sont telles qu’il ne tient qu’à nous de croire que ce prince s’approcha de la perfection plus qu’aucun autre ne le fit jamais. Ne serait-il pas possible cependant de trouver la raison de cette admiration sans mélange dans les lignes qui terminent ce portrait si flatteur ? « Ce bon duc est le réconfort des pauvres gentils femmes et de toutes celles qui sont dignes de compassion : il les aide de son bien, présente leurs requêtes au conseil et les rappelle, leur procure bien et aide, soutien leur droit de sa parole et se montre leur défenseur en toutes choses. De cela, je ne puis parler par droite expérience, car j’ai invoqué son appui, et son appui n’a pas manqué ; que le benoît fils de Dieu veuille lui en tenir compte ! »

Ce témoignage si formel de gratitude ne suffit pas cependant à son cœur reconnaissant, car tout aussitôt elle recommence son cantique de remerciements presque dans les mêmes termes : »ce bon duc est le refuge assuré des pauvres femmes besogneusement grevées injustement, lesquelles femmes ne sont pas écoutées en maintes cours. » Ainsi voilà qui est clair, le duc de Bourbon est venu en aide à la pauvre Christine ; il a présenté ses requêtes, il lui a donné peut-être de l’argent. Christine ne peut don être un témoins impartial, car son jugement doit être regardé comme le payement d’une dette.

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Adressons-nous à un autre historien. J’ouvre Froissard, je recherche curieusement dans ses chroniques tout ce qui se rapporte à Louis II, et je découvre avec quelques étonnements que cet admirable narrateur n’aimait pas du tout le prince. Ce n’est pas, comme bien vous entendez, que l’antipathie se montre d’une manière très déclarée ; Froissard ne serait plus lui-même, s’il parlait d’un seigneur autrement qu’avec réserve ; mais toutes les fois qu’ils nomment Louis II, il a des mots en sourdine qui frappent d’autant plus qu’ils font contraste avec le tout confit en respect qui lui est habituel. Christine de Pisan exalte la courtoisie chevaleresque du duc ; or cette courtoisie, Froissard la lui refuse, ou du moins prétend qu’elle était chez lui intermittente. Je rencontre par exemple la phrase que voici dans le récit du voyage que le duc fit en Navarre en 1387 : « partout où il venait et il passait il était le bienvenu, car le duc a ou avait grande grâce d’être courtois et garni d’honneur et de bonne renommée. » Tous ceux qui ont fait de fréquentes lecture de Froissard comprendront qu’elle force il y a dans ce simple prétérit avait ; c’est comme si l’historien avait écrit : « Autrefois, le duc de Bourbon était poli, mais il y a de beaux jours qu’il ne l’est plus. » Le duc, selon Froissard, ne manquait pas seulement de courtoisie, il était orgueilleux jusqu’à la présomption, et cet orgueil, en lui aliénant l’affection des siens, en faisait un chef militaire dangereux. L’historien l’accuse très formellement d’avoir fait manquer par sa hauteur cette expérience contre les côtes barbaresques que les chevaliers français entreprirent à la fin du XIV° siècle sur la prière des Génois.

Le passage est curieux et bon à citer. « Le sire de Coucy par espécial avait tout le retour des gentilshommes, et bien savait être, et doucement entre eux et avecque eux, trop mieux sans comparaison que le duc de Bourbon ne faisait ; car ce duc était haut le cœur et de manière orgueilleuse et présomptueuse, et point ne parlait si doucement, ni si humblement aux chevaliers et écuyers étranges que le sire de Coucy faisait. Et séait le dit duc de Bourbon par usage le plus du jour en dehors de son pavillon, jambes croisées, et convenait  parler à lui par procureur et lui faire grande révérence, et ne considérait pas si bien l’état ni l’affaire des petits compagnons que le sire de Coucy faisait ; pourquoi il était le mieux en leur grâce, et le duc de Bourbon le mons. Il me fut dit des chevaliers et écuyers étranges que, si le sire de Coucy eût seulement emprins le voyage souverainement et été capitaine de tous les autres, leur imagination et parole était telle que on eût fait autre chose que on ne fit, et demeurèrent, par cette deffaute et par l’orgueil de ce duc Louis de Bourbon, plusieurs b elles emprises à non être faites, et la ville d’Auffrique, ce fut le propos de plusieurs, à mon être prise. »

Ainsi pour l’un des témoins, le duc Louis II ne fut que douceur et courtoisie, pour l’autre il ne fut qu’orgueil et présomption. J’en croirais volontiers Froissard de préférence, car c’est un témoin autrement sérieux que Christine de Pisan, n’était que le ton de ses jugements me fait soupçonner de la rancune et entrer en défiance. Il est croyable que Froissard aura eu pour dénigrer le duc la raison opposée à celle que Christine de Pisan avait eue de le louer. Peut-être a-t-il demandé quelques faveurs qui lui aura été refusée, quelques renseignements qui  ne lui auront pas été fournis, et Froissard s’est vengé sournoisement du refus par ce jugement d’une sévérité doucereuse, mais qui sous sa modération et son calme porte plus loin que ne portent les louanges hyperboliques de Christine de Pisan, puisque à cette distance de cinq siècles il arrête le lecteur et le laisse incertain sur la valeur morale du duc.

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Heureusement il nous reste pour mieux juger de Louis II ses actions mêmes, et elles sont nombreuses, car il tint la scène du monde pendant près d’un siècle. Il vit quatre règnes, et quels règnes ! ceux de Philippe VI, de Jean, de Charles V et Charles VI, et mourut à la veille d’Azincourt. Quoi que Froissard essaye d’insinuer, ce fut un des plus vaillants hommes de guerre de l’ancienne France ; son ami Duguesclin à part, les Anglais n’eurent d’adversaire plus habile et plus heureux. Chargé de les combattre sous le règne imparfaitement réparateur de Charles V, il en nettoya pour un temps le Poitou et le Limousin, et les chassa d’Auvergne d’une façon plus décisive. Il commandait une des ailes de l’armée qui fut victorieuse à Roosebeck lorsque Philippe de Bourgogne réduit à l’état de fantôme la démocratie gantoise. Sa campagne la plus malheureuse fut cette expédition d’Afrique entreprise à la demande des Génois dont Froissard vient de nous parler ; mais cette expédition, qui fut plutôt stérile que désastreuse, n’est qu’un épisode en quelque sorte parasite qui ne fait pas corps avec sa vie militaire. Une des chose qui étonnent le plus dans ce sanglant XIV° siècle, c’est de voir que des gens qui avaient sur les bras de telles affaires et étaient menacés de dangers si pressants trouvaient encore du temps pour des entreprises aventureuses jusqu’à la folie.

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L’expédition que commanda Louis II sur les côtes d’Afrique ne fut qu’un de ces passe-temps chevaleresques, comme la descente de Jean de Vienne en Écosse, comme l’expédition de Nicopolis ; encore est-il juste de dire qu’elle était moins insensée en principe que l’entreprise de Jean de Vienne, et qu’elle n’eut pas le lugubre résultat de l’équipée de Nicopolis.

Il fut le véritable fondateur de la maison de Bourbon, si tant est qu’on puisse dire qu’une maison qui par son origine touchait de si près le trône ait eu un fondateur, et ce fut justement qu’il put prendre dès lors la devise Espérance et la donner pour cri de guerre à son ordre de l’écu d’or. Par son mariage avec Anne, héritière du Forez, il devint maître de cette province ; puis, lorsque Edouard, comte de Beaujolais, eut payé de son riche fief le joli roman renouvelé de Sextus Tarquin qu’il essaya avec certaine demoiselle de La Bassée, Louis II hérita de ses terres, et se trouva par suite de ces énormes acquisition aussi princièrement apanagé que ses cousins de Bourgogne et de Berry. (1)

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Louis II fut donc un prince heureux dans un temps où si peu le furent, et ce bonheur fut mérité.

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Emile MONTEGUT (En Bourbonnais et en Forez)

Hachette Paris 1888 

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(1)   - Une reproduction du sceau de Louis II de Bourbon est présente à l’exposition.

-  En complément de cet article nous vous conseillons la lecture de celui intitulé : Dans notre région au Moyen-Âge et pendant la Guerre de 100 ans dans la même série

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