A PROPOS DU MARIAGE
De la nécessité des Mariages.
La multitude du peuple fait la dignité du souverain, la force et la gloire d'un état, et la terreur des ennemis ; c'est par les mariages que la société se perpétue. Le mariage, dit le grand Apôtre, est un grand remède pour éteindre les feux de lit concupiscence ; c'est une alliance conforme au désir dela nature qui veut se reproduire; car la procréation et la succession continuelle des enfants, fait revivre leur père en leur personne, selon l'expression du sage : Mortuus est quasi non esset mortuus reluicuit enim siinilem sibi. Delà naissent des enfants légitimes qui, en perpétuant les familles, entretiennent la société, et réparent les brèches que la mort y fait chaque jour.
Aussi, chez les païens le célibat était odieux, parce qu'il n'était fondé que sur le libertinage et la débauche. Numa voulut que les filles fussent mariées fort jeunes, avant que l'âge leur eût fait sentir les passions, et qu'elles fussent en état de prendre des inclinations étrangères.
A Sparte, ceux qui refusaient de se marier à l'âge prescrit par la loi, étaient presque notés d'infamie; il y avait des peines contre ceux qui se marieraient trop tard : chez les Romains le célibat était regardé comme contraire aux lois de la nature, et le célibataire était regardé comme le meurtrier de sa postérité, et on donnait des pensions à ceux qui avaient un certain nombre d'enfants.
Lorsque les enfants des Grecs venaient au monde, le père les mettaient sur les genoux de leur grand-père, et c'était le plus agréable présent qu'un fils pût faire à son père ; car chez ces peuples, mourir sans enfant, était l'état réputé le plus malheureux.
Métellus persuada aux Romains qu'il était à propos de remédier aux abus du célibat, parce que l'amour de la débauche et des attachements illicites détournaient du mariage un grand nombre de Romains : on statua qu'à certain âge tous seraient contraints de prendre des femmes légitimes. Cette loi fut jugée nécessaire pour la réforme des mœurs, et pour la conservation des plus illustres familles que la licence faisait dépérir.
Toutes les nations regardaient le mariage comme le principe de la vie et de la société civile : aussi les hommes sont naturellement portés à donner à leur postérité la vie qu'ils ont reçue de leur père. Chez les Hébreux l'obligation de se marier était si naturelle, que celui qui refusait de prendre une femme légitime passait pour un homicide; et les anciens qui voyaient dans la loi de Moïse que la femme qui avait été tirée d une côte de l'homme , ne pouvait jamais s'imaginer que ce même homme pût être parfait sans se réunir à elle pour le mariage : actuellement même encore , les Juifs sont obligés de se marier, et celui qui, à vingt ans ne l'est pas, est censé vivre en péché ; cela est fondé sur l'obligation de donner des enfants au monde , pour satisfaire à l'ordre que Dieu fit au premier père : croissez et multipliez - vous.. Aussi l’état de famille produit dans la société diverses relations, celles de mari et de femme, de père, de mère et d'enfant, de frères et de sœurs, et tous les autres degrés de parenté qui sont les premiers liens des hommes, d'où dérivent tous les autres.
De la convenance des Mariages
Ce n'est pas assez que la naissance soit heureuse, il faut que le mariage le soit aussi ; car cet état est une seconde vie : il faut tâcher de faire un bon choix, et cet avis regarde les pères et mères qui marient leurs enfants.
Or, la bonté de ce choix ne consiste ni dans la beauté ni dans les honneurs, mais surtout dans la vertu, la religion, l'humeur, la douceur du caractère, et la convenance de l'âge.
En Grèce il y avait des peines contre ceux qui, loin de se marier dans des maisons de vertu, ne chercheraient que les richesses : la femme vertueuse, dit l'Écriture, est le partage de l'homme qui craint Dieu, elle lui sera donnée pour ses bonnes œuvres; qu'ils soient riches ou pauvres, la joie sera en tout temps sur leurs visages.
L'amour, qui est un principe de désordre chez les gens corrompus, est pur chez les gens honnêtes; ils n'ont en vue qu'un établissement légitime, c'est la raison qui est l'âme de leurs entretiens : aussi se montrent-ils tels qu'ils sont pour voir s'ils peuvent se convenir ; car la sympathie et l'union des cœurs est le fondement de la paix dans le mariage.
Les patriarches ne souffraient point de mésalliances. Abraham était marié dans sa famille, eut grand soin de donner une femme de la même race à son fils, sur qui tombaient toutes les bénédictions que Dieu lui avait promises; et Isaac fit observer à Jacob la même loi.
Les Grecs avaient un mépris extrême pour les mariages contractés par des personnes libres, avec des esclaves; la honte en rejaillissait sur les enfants qui en étaient procréés : la loi romaine défendait aux patriciens de s'allier avec des plébéiennes. A Milan, c'était la coutume que les enfants sortis de mésalliances étaient exclus des successions, encore qu'ils fussent légitimes : In foro conscientiœ. Mais la plupart n'envisagent le mariage qu'extérieurement et par rapport à leurs mouvements naturels; ils prennent, en le contractant, de si fausses mesures, et s'y engagent par des considérations si peu conformes à l'esprit de son auteur, qu'ils s'en font une occasion de dérèglement; comme l'avarice, ou la passion, ou d'autres considérations mal concertées en sont les motifs, ces mariages sont mal assortis; lorsque les vues d'intérêts sont trompées, ou que la passion est assouvie, le dégoût qui survient porte la désolation dans les familles, les devoirs du mariage sont oubliés, l'éducation des enfants négligée , et au lieu de se procurer les bénédictions du Ciel, ils ne s'attirent qu'une infinité de malheurs, comme la peine de leur prévarication.
Comme ce sont les familles qui composent l'État, si elles sont bien unies, que la paix et la religion y règnent, alors l'État sera heureux ; mais si la licence est dans les familles, le désordre régnera dans l'État; ainsi le bonheur de l’État fera la gloire du souverain par la bonne composition des familles.
De la supériorité de l’homme sur la femme
Dieu dit à Ève, et en elle à toutes les femmes : tu seras sous la puissance de l'homme, et il te dominera ; ainsi, sitôt, la bénédiction nuptiale accordée aux futurs conjoints, et de leur consentement, ils sont alors conjoints actuels, l'épousée passe au même instant de la puissance de ses parents sous celle de son mari, qui a, à son égard, l'autorité du père, non quant aux punitions, mais aux conseils et au pouvoir de surveiller ses actions.
Ainsi une femme, en se mariant, se donne un maître, elle quitte son domicile, sa parenté, son pays, comme pour prendre une nouvelle vie et fonder une nouvelle famille.
La femme doit obéir à son mari comme à son seigneur parce que le mari est le chef de sa femme, comme Jésus-Christ est le chef de son Église, qui est son Corps, et qu'il en est aussi le Sauveur; la femme doit le craindre et le respecter, ne penser qu'à lui plaire, et ne conduire sa famille que par dépendance de son autorité ; c'est ce que bien des femmes ont peine à comprendre : mais je vous le demande, sera-ce l'homme qui obéira à la femme, le fort au faible, le chef aux membres ? Non, sans doute, ce serait renverser l'ordre établi par Dieu même ; car l'homme n'a pas été tiré de la femme, mais la femme de l'homme. Les femmes qui prennent si grand plaisir à commander aux maris efféminés, ressemblent à ceux qui aiment mieux guider des aveugles que de suivre des sages et clairvoyants.
De l'amour conjugal.
La femme, selon l'Écriture, a été tirée d'une côte de l’homme, et la loi divine ordonne que l'homme quitterason père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et n'être qu'une seule et même chair ; ainsi, par le mariage, l’homme n'est plus à lui, il appartient à sa femme, et la femme n'est plus à elle, elle appartient à son mari; tout devient commun entre eux, l'esprit, le corps, les biens : de ce principe naissent les obligations mutuelles qu'ils se doivent l'un envers l'autre ; leurs corps, leurs âmes, leurs volontés doivent être comme fondus ensemble.
Saint Paul recommanda à l'homme d'aimer sa femme, de ne la point traiter avec rigueur, de lui donner toutes les choses nécessaires à sa conservation, selon ses besoins, son état et ses facultés.
Il doit recevoir la parenté de sa femme comme la sienne propre; il doit de même l'assister et la conduire par de sages conseils, la consoler dans ses peines et dans ses faiblesses : il doit enfin l'aimer comme lui-même, non pas avec passion jusqu'à s'en laisser maîtriser, mais l'aimer avec prudence et sagesse, sans la flatter ni la porter à la vanité, sans lui laisser prendre un empire qui ne lui est pas dû , et sans lui communiquer les secrets ni les affaires qu'elle ne doit point savoir : il doit enfin l'aimer jusqu'à exposer sa vie pour la défendre.
La femme doit avoir pour son mari un amour plein de respect et d'honnêteté chrétienne, l'honorer et lui obéir supporter avec patience et dissimuler ses défauts, s'efforcer de le corriger de ses vices, le porter à Dieu par sa modestie, sa douceur et ses bons exemples, lui épargner les soins détaillés du ménage, pour lui donner le loisir de vaquer à des affaires plus importantes, et prier Dieu pour sa conversion s'il s'égare des voies du salut.
La femme vertueuse, prudente et discrète sera un trésor pour son mari, elle lui sera donnée pour ses bonnes œuvres ; qu'ils soient riches ou pauvres, la joie sera en tout temps sur leurs visages ; car la sagesse et la modestie d'une femme qui craint Dieu, jointes à sa beauté, arrêtent presque toujours l'homme le plus passionné; et comme dans le mariage il y a souvent des peines qui sont des tribulations inséparables à l’humanité, les conseils sages et prudents qu'ils se communiquent les font supporter par la résignation qu'ils ont à la volonté de Dieu. ,
Le devoir des deux époux l'un envers l'autre est fondé; sur l'amour conjugal qui est pur et au-dessus de tout autre amour, parce que tout autre amour, quelque violent qu'il soit, est toujours l'amour d'autrui : Qui ex orem diligit se ipsum diligit, selon St. Paul, aux Éphésiens
Lorsqu'un mari et une femme sont entrés dans le mariage avec réflexion et sympathie, et dans l'intention de vivre selon le christianisme, alors ils sont de bonne intelligence se communiquent leur amitié sans feinte, c'est le cœur qui parle ; les intérêts sont communs, ils se comptent leurs peines, partagent leurs plaisirs, et suivent avec satisfaction les lois du mariage.
Mais pour que cette union soit durable, il faut de là vertu, car on n'est pas toujours les mêmes ; la longue habitude de se voir, les disgrâces qui surviennent, la fortune qui change de face; cela, joint au dégoût, ralentit bientôt cette amitié. Un mari déraisonnable abuse de son pouvoir de chef : la femme a aussi ses défauts et ses passions ; la faiblesse de son sexe est un titre dont elle abuse : aussi, rien n'est plus beau que les commencements, mais avec de la religion on éteint toutes ces amertumes.
Note : gentes dames et belles demoiselles « Prenez-en de la graine !... » (je blague…)