NATURE
CURIOSITE BOTANIQUE ET GEOLOGIQUE A REGNY
E n partant de la chapelle de Naconne, monte la rude pente de Carimentrant direction Nord suivez le fléchage « le Rhins » en direction de l’ancienne tuilerie du Trou-le-Loup. Le chemin forestier vous conduit vers des pâturages et vous découvrirez sur votre droite un pré aux abords duquel se dressent deux arbres coupés à environ 1,5à m du sol, vous comprendrez vite pourquoi le bûcheron n’a pu les couper plus bas : en effet, de grosse pierres émergent de l’écorce de ces deux chênes qui ne risquent et pour cause, de rester longtemps en place.
L’explication est simple : il ya bien des années, les paysans du secteur ont amassé ces pierres pour cultiver le terrain. Ils en ont fait d »énormes tas de plusieurs centaines de tonnes. La végétation ayant fait son œuvre, nos deux arbres ont poussé au milieu des pierriers enrobant de leur écorce les pierres roulées et curieusement usées qui leur servait de tuteur. A un moindre degré, ce phénomène naturel se rencontre pour les arbres de clôture qui absorbent littéralement les fils de fer barbelés qui les entourent non sans dommage pour les lames de scies. Les matériaux ayant servi à réparer les chemins alentours, nos deux arbres, impossible à abattre sont là pour raconter ce qu’ils savent : la tradition orale nous est rapportée par les propriétaires des lieux dont les ancêtres ont cultivé pendant plusieurs générations leurs vignes bien exposées sur les coteaux de Naconne, disant que des lépreux auraient amassé ces tas de pierres pour agrandir le domaine cultivable de leurs bienfaiteurs qui leur permettaient de survivre en leur demandant quelques travaux .
Nous savons que la peste, malade très contagieuse, ne laissant que quelques jours de survie, a fait de grands ravages parmi la population de notre région surtout dans les années 1630. Nous trouvons dans les archives, des récits détaillés soit par l’abbé Canard, soit par le curé de cette époque à Saint-Haon-le-Chatel et Saint-Haon-le-Vieux. Par contre, nous savons qu’à Parigny, existait, entre le Bas-de-Rhins et la route de Saint-Vincent-de-Boisset au XVIII° siècle à l’emplacement de la ligne S.N.C.F. une maladrerie ou maladière qui était un petit hôpital avec sa chapelle dédiée à Saint-Lazare. Y a-t-on soigné des lépreux que l’on éloignait volontiers et leurs déplacements étant signalés par le bruit d’une crécelle, ce petit moulinet de bois très bruyant.
Toujours la tradition orales, par un autre Régnyçois dont les ancêtres habitaient le Bois-Dieu une maladière aurait existé tout près de la ferme Chaumette donc en bordure du grand chemin allant de Charlieu à Montbrison et là, nous serions à proximité du chantier du Trou-du-Loup. Il n’y a pas de fumée sans feu et nous attendons des précisions historiques d’où qu’elles viennent.
A cette époque lointaine, les voyageurs souvent des commerçants, colporteurs et autres mendiants étaient nombreux sur ces grands chemins, il parait naturel qu’en plus des auberges ou hostelleries, ces marcheurs, pour la plupart, trouvent un hôpital, même de fortune, pour se refaire une santé.
Regardons de plus près ces pierres arrondies et usées, creusées dans leur masse, souvent colorées, qui semblent avoir roulé longtemps au fond d’un fleuve.
Voici une explication possible ! A l’ère secondaire, au cours du jurassisme, il y a 120 millions d’années, époque durant laquelle vivaient les dinosaures et autre brontosaures, notre France était recouverte par une petite mer peu profonde de laquelle émergeaient la terre centralienne et la terre armoricaine.
A partir de cette lointaine époque, les océans se forment, les continents se séparent, la croûte terrestre se déforme, chaque creux compensant une bosse, le niveau des eaux baisse au fil des siècles, ainsi se créent rivières et fleuves.
L’érosion faisant son œuvre, certains plateaux comme Tremblay (nom de la famille propriétaire de la tuilerie), garderont ces pierres qui ont roulé pendant des milliers d’années au gré des bouleversements terrestres. Nous retrouvons des fossiles d’animaux marins dans les pierres à chaux de Naconne dont les fours se sont éteints en 1927, pour ceux exploités sur Régny.
Dans ce secteur tranquille où les cratères ne sont que les vestiges des carrières de terre glaise (on était « thuillier » de Naconne dans les années 1610), les prés ont remplacé les vignes et il n’est pas du tout impossible que le loup y fit son trou.
Etienne Chevillard : Journal « le Pays Roannais » octobre 1991