Fin dun « MOSQUITO » du village de LAY<o:p></o:p>
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« Pédago » fraîchement à la retraite, estimé dans son village, notre homme dont la fête était le 25 décembre, venait dêtre élu comme adjoint à la dernière élection municipale.<o:p></o:p>
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La seule chose quil naime pas et vous lavez sûrement ressentit comme lui : la désagréable sensation que lon éprouve à devoir cohabiter avec un moustique.<o:p></o:p>
Lexpérience en tout cas, est à la portée de quiconque.<o:p></o:p>
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Il a pour cet insecte carnivore, une particulière aversion et chaque fois quil est amené à en rencontrer cest toujours sous le signe dune agressivité mal contenue.<o:p></o:p>
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Pourtant à la faveur dun entretien quil désirait informel, il avait espéré aboutir à un modus vivendi : peine perdue. Il en va de certains animaux comme de certaines gens, tout dialogue proposé, le fut-il sans aucun préalable et avec la garantie dune large ouverture desprit se heurte à un mur dincompréhension.<o:p></o:p>
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La tentative de séduction avait débuté un soir du mois daoût, alors que la lumière du jour et la moiteur de latmosphère se prêtaient particulièrement à une telle rencontre. Il avait avisé un énorme « mosquito » discrètement installé à lintérieur du rideau de la fenêtre et qui semblait attendre son heure pour se livrer à son activité coutumière :<o:p></o:p>
« Veuillez mexcuser si je vous dérange, mais je souhaiterais avoir un bref entretien avec vous.<o:p></o:p>
- De quoi sagit-il, fut-il répondu sur un ton peu amène qui augurait mal de la suite.<o:p></o:p>
- Je pense que vous devinez sans peine quel est lobjet de ma démarche ?<o:p></o:p>
- Franchement, je nen ai pas la moindre idée. Nous vivons me semble-t-il dans deux mondes très différents et les occasions de nous rencontrer sont extrêmement rares.<o:p></o:p>
- Justement, cest là je crois, que vous vous méprenez.<o:p></o:p>
- Je ne pense pas monsieur avoir lhonneur de vous connaître.<o:p></o:p>
- Peut-être pas encore, mais si cela se produit dans les conditions habituelles, il risque dêtre trop tard pour vous comme pour moi.<o:p></o:p>
- Je ne vois toujours pas où vous voulez en venir.<o:p></o:p>
Décidément notre homme se dit en lui-même, ou tu as à faire à un sous-produit ou tu es tombé sur un spécimen particulièrement retors.<o:p></o:p>
Lexpérience lui prouva par la suite que la deuxième hypothèse était la bonne.<o:p></o:p>
Il tenta louverture :<o:p></o:p>
« Le moustique est-il comme lhomme, confronté dans certaines régions au problème de la faim ?<o:p></o:p>
- Pas que je sache. Nous avons déterminé entre nous un certain nombre de territoires où nous trouvons dordinaire la nourriture abondante qui nous convient.<o:p></o:p>
- Le corps humain fait-il partie de ce territoire ?<o:p></o:p>
- Au même titre que celui des animaux : nous ne faisons aucune différence entre ces diverses zone dactivité.<o:p></o:p>
- Mais enfin, protesta Noël, vous prenez des risques inutiles.<o:p></o:p>
- Cest affaire dhabitude et je crois savoir que chez lhomme il est des individus que cela neffraye pas.<o:p></o:p>
- Certes, mais chez nous cest la minorité, tandis que chez vous <o:p></o:p>
- Cest peut être ce qui fait la différence entre nos espèces.<o:p></o:p>
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Décidément lentretien tournait cours. Lheure avançait et lhomme voyait arriver le moment où chacun campé sur le pied de guerre se refusant à toute concession.<o:p></o:p>
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La sagesse indienne, pour laquelle il avait beaucoup de sympathie, lui rappela que sous dautres cieux on nattente pas à la vie dun animal, fut-il parmi les plus petits. Il essaya don une dernière fois damener son futur adversaire à plus de compréhension : « Ne pensez-vous pas que nos intérêts bien compris pourraient saccommoder dune entente tacite ? »<o:p></o:p>
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Le moustique prit sa tête entre deux pattes et parut plonger dans une profonde réflexion ; mais il se ressaisit aussitôt :<o:p></o:p>
- Monsieur, je vous vois venir ; vous allez me suggérer daller exercer mes activités chez votre voisin ?<o:p></o:p>
- Je nirai pas jusque-là mais <o:p></o:p>
- Inutile dinsister, notre planning est établi de longue date.<o:p></o:p>
- Alors cest la guerre ?<o:p></o:p>
- Appelez ça comme vous voudrez.<o:p></o:p>
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Les ponts étaient définitivement coupés, si tant est quune liaison quelconque ait pu être établie. Le sachant sur ses gardes, lanimal prit son vol aussitôt pour aller se mettre à labri dans lespace laissé libre par une plinthe mal fixée au mur. Lendroit était inaccessible. Notre homme avait perdu la première manche.<o:p></o:p>
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La nuit vint. Quand toutes possibilités de veille furent épuisées alors que la bête nétait toujours pas sortie de son repaire, il se couche et sendort rapidement.<o:p></o:p>
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Les hostilités souvrirent vers les trois heures du matin, dans cet espace de temps où lindividu plongé dans un sommeil profond recommence à faire surface.<o:p></o:p>
Linsecte bourdonnais dans la pièce mais se tenait à distance respectueuse. Noël éteignis et simmobilisa. Le moustique devinant son stratagème, resta un long moment sur la défensive puis, supposant quune respiration régulière annonçait un retour dans les bras de Morphée, il fonça sur la joue gauche.<o:p></o:p>
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La claque vigoureuse que sadministra Noël neut dautre résultat que daccentuer leffet de la piqûre. Cette fois cen était trop. Il se leva dun bond alluma toutes les lampes. Repéra facilement linsecte déjà repu, son vol hésitant en témoignait ; armé dune pantoufle il monta en première ligne.<o:p></o:p>
Dans les concours de boule de notre canton notre homme était redouté par ses adversaires pour son adresse presque magique. Il ne faillit pas à la règle.<o:p></o:p>
La première fois fut la bonne, sa savate écrasa linsecte sur le plancher de la chambre. Ainsi le conflit se terminait dans un bain de sang auquel, bien que vainqueur il avait apporté la plus large contribution.<o:p></o:p>
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Léo Miquel (les contes des bords de Rhins)<o:p></o:p>