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LA ROUTE AUTREFOIS ENTRE ROANNE (Loire) ET LYON (Rhône)

HOMMAGE AUX SOLDATS DE "LA GRANDE GUERRE"

 

Depuis la fondation de l’association autour du monument aux morts de Saint-Martin d’Estreaux en 1994, tous les ans, le 11 novembre, un rassemblement pacifiste internationaliste se tient devant les inscriptions pacifistes du monument érigé en 1922 sous la magistrature de Pierre Monot, maire de Saint-Martin d’Estreaux et conseiller général de La Pacaudière. Il fit graver son manifeste anti-guerre l’année même de l’édification du monument, en 1922.

En 2000, l’Association Laïque des Amis du Monument pacifiste de Saint-Martin d’Estreaux a étendu son activité d’une part à Ambierle (dont sont natifs deux des 6 fusillés pour l’exemple à Vingré, dans l’Aisne), avec l’érection d’une stèle d’hommage dans le village, et d’autre part, à la rue des Martyrs de Vingré à Saint-Étienne, avec l’apposition d’une plaque commémorative sur le mur d’un immeuble de la rue. L’association est devenue à ce moment-là Association laïque des Amis des Monument pacifistes de Saint-Martin d’Estreaux et du département de la Loire.

Un livre intitulé Maudite soit la guerre. Et ses auteurs a alors été écrit par la présidente et le secrétaire de l’Association pour populariser le message du monument de Saint-Martin. Une plaque portant l’inscription : Réhabilitations des mutins de 1917 et des victimes des conseils de guerre a, peu après, été scellée au pied des inscriptions et inaugurée avec la municipalité le 14 mai 2005.

 

Mort du Laboureur

 

Laboureur ! – Il n’était, ne voulu jamais être

Que laboureur ; -- un beau laboureur, lent et doux

Et fort comme ses bœufs, qui l’aimaient entre tous

Leurs bouviers, et venaient très docilement mettre,

Dès son premier appel, leurs cornes et leurs cous

               Sous le dur joug en bois de hêtre…

 

Un soir qu’il leur chantait le vieil air sans paroles

Qu’ils comprennent fort bien et qui rythme leurs pas,

Et qui les fait marcher encor quand ils sont las,

Au petit clocher bleu soudain les cloches folles

S’agitèrent dans un furieux branle-bas…

               Surpris, il s’arrête : Est-ce un glas ?

 

-- Non. -- Le gai carillon des veilles de dimanches ?

-- Non plus. – Quelque incendie ? – Ah ! certes ! Et partout

Des gens courent : « la guerre !... on mobilise ! » Au bout

Du sillon brun, le laboureur lâche le manche,

Dételle : « Adieu mes bœufs ! » -- Il part, et le trois août

               Il labourait pour la Revanche.

 

Il porta le fusil et le sac vaillamment,

Mais sans fanfaronnade et sans emballement,

Était à Charleroi, fut blessé, guérit vite,

Fut blessé de nouveau…, puis, comme nul n’évite

Sa destinée, alla périr obscurément

               Dans cette presqu’ile maudite

 

Où sur un sol ingrat sans verdure et sans eaux,

Sous la soif et la faim, les obus et les balles,

Tant de pauvres enfants, des meilleurs, des plus beaux,

-- Ainsi qu’au grand soleil des épis sous la faux, --

Si follement, si loin des campagnes natales

               Tombèrent dans de vains assauts

 

Mon laboureur qui tant aimait son coin de terre,

Ses genets, ses prés verts est ses coteaux herbeux,

Et la source où le soir il abreuvait ses bœufs,

Et sa ferme, et peut-être, avec crainte et mystère,

D’un amour patient qu’il devait encor taire,

               La fille d’un maître ombrageux ;

 

Le fils affectueux à sa maison fidèle,

Qui n’avait jamais pu vivre huit jours loin d’elle,

Et qui, chaque dimanche, en semaine souvent,

Furtif, y revenait, radieux et fervent,

Se blottir, se frôler à l’aile maternelle,

               Et s’y refaire une heure enfant !

 

Le voyez-vous mourir longuement sur le sable,

Là-bas, dans un pays atroce de païens,

Les Yeux martyrisés par l’azur implacable,

Sans un regard ami de son ciel ni des siens,

Sans que nul sur sa lèvre, à l’instant redoutable,

               Mit le signe aimé des chrétiens !...

 

 

Pauvre petit soldat, ta mort, dont on ignore

L’heure et le lieu, ne t’auras point valu la croix ;

Que dis-je ! tu n’as pas même celle de bois

Sur ta tombe perdue et que rien ne décore

Ni les ordres du jour flatteurs qui font encore

               Qu’on parle de vous quelquefois.

 

Puisse le Dieu que tu servais et qui dénombre

Exactement les morts et sait où sont leurs os ?

Sur le tertre où tu dors mettre au moins un peu d’ombre,

Et, quand vient la saison où migrent nos oiseaux,

Faire gémir sur toi les ramiers du bois sombre

              Qui couvrit nos communs berceaux ;

 

Et puisse-t-il donner à ceux-là qui te pleurent,

Mais qui ne doutent pas de l’éternel revoir,

La résignation, sœur tendre de l’espoir,

Et leur persuader que les jeunes qui meurent

En faisant comme toi simplement leur devoir

Doublent l’ange veillant sur les vieux qui demeurent !

 

 

 

TERRE SAINTE

 

 

Lorsque tu reviendras, mon petit, de là-haut

-- Et je crois, malgré tout, que ton retour est proche,--

Si tu n’es cul-de-jatte, aveugle ni manchot,

Et si tu comprends bien que du dois au plus tôt

Raccrocher ton fusil et reprendre ta pioche,

 

Rapporte dans ton sac ou ta musette, au lieu

De quelques vains éclats de ferraille rouillée,

Un peu de cette terre héroïque et souillée,

Cuite et recuite dans le sang et dans le feu,

Et gardant la vertu de ceux qui l’ont foulée.

 

Ramasse-la pieusement, à deux genoux,

--Ainsi qu’un pèlerin aux pentes du Calvaire,--

De préférence sur tel tertre solitaire

Où la petite croix d’aubépine ou de houx

Marque la place où dort un soldat de chez nous.

 

Serre bien ton trésor, ne le perds pas en route,

N’en parle point aux sots qui pourraient t’en railler ;

Plus que jamais fais de ton sac ton oreiller :

L’âme du mort tout bas te parlera sans doute,

Et le mort fut toujours le meilleur conseiller…

 

En rentrant, fais deux parts de la sainte poussière :

Sèmes-en une, un soir sur les tombes de ceux

Qui dorment dans un coin de l’étroit cimetière,

Morts, hélas ! de savoir leurs enfants morts loin d’eux :

A ce contact leurs os frémiront dans leur bière.

 

Le lendemain, à l’heure où le soleil levant

Fait chanter l’alouette et crier la charrue,

Va revoir l’humble clos dont la pluie et le vent

Ont fait en ton absence une friche bourrue,

Mais que tes soins rendront plus fertile qu’avant.

 

Dans le premier sillon ouvert par ton araire,

A l’endroit où l’on plante, en mai, près du sentier,

Une fragile croix en bois de noisetier,

 Mêle pieusement au sol héréditaire,

Comme un levain qui le fera fructifier.

 

Le reste de la Terre en ton sac rapportée

Des coteaux consacrés qu’on appela le Front ;

Là-haut nos soldats morts sans fin reposeront,

Mais leur cendre par toi sur leur glèbe jetée

Gonflera les épis que leurs fils faucheront.

 

      François Fabié (La Terre et les Paysans)

 

 

 

 

 

 

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