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(lundi 18 novembre 1901)<o:p></o:p>
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Lundi soir, un incendie d'une violence considérable a failli détruire complètement l'immeuble appartenant à la ville et occupé par l'administration des postes et télégraphes, au coin des rues de la Côte (Alsace-Lorraine) et de la Sous-Préfecture (Anatole-France).<o:p></o:p>
Vers 15 h 30, un foyer qui couvait apparemment depuis longtemps aux milieux de vieux journaux et de papiers d'emballage, dans le grenier du troisième étage, s'était tout à coup enflammé. Des membres du Cercle National, situé en face, avaient signalé la fumée qui filtrait au ras des toits et dont l'odeur se répandait du reste dans tout l'immeuble. Les employés de M. Henry, libraire au rez-de-chaussée de cette maison et dont les appartements particuliers et les dépôts se trouvent aux étages supérieurs, s'aperçurent qu'un sac de casquettes de marchand de journaux était en feu. Ce sac, placé à l'angle de la pièce, du côté du carrefour, fut vivement enlevé et son contenu inondé de quelques seaux d'eau. Ce commencement d'incendie fut ainsi, à ce qu'il paraissait complètement éteint, le plancher sur lequel reposait ledit sac n'offrant aucune trace de combustion, au dire même des personnes qui avaient procédé à l'extinction du feu.<o:p></o:p>
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A 16 h 30, nouvelle alerte. Dans la même pièce où se trouvaient de vieux journaux, le feu reprenait à deux ou trois mètres plus loin. Des employés de M. Henry, de L'administration des postes, eurent bien vite raison de l'incendie et les vieux papiers furent remués et déplacés pour s'assurer si le danger ne couvait pas sous leurs amas. Il y avait même là des pièces d'artifices provenant du précèdent libraire, M. Brun. Mais à la vérité, ces articles que M. Henry ne tient plus en vente, étaient en quantité minime et fort détériorés. Les pompiers, prévenus, étaient arrivés vers cinq heures, et après avoir tâtés le plancher, auscultés les murs avaient déclaré que tout danger était passé.<o:p></o:p>
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M. Chamarrot, le représentant de la Compagnie d'assurances intéressée, s'étant rendu sur les lieux, proposa à M. Henry de lui envoyer deux hommes qui aux frais de la Compagnie, exerceraient une active surveillance dans la pièce menacée. M. Henry se chargea de la chose et mit en effet deux hommes de garde. La nuit venue, voyant que tout danger était conjuré, il leur permit de s'absenter pour aller prendre leur repas, en leur recommandant de revenir à 20 h 30, fatale imprudence.<o:p></o:p>
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A 20 h 15 à peu près, le feu reprenait, Les cris de "Au feu!" Jetaient l'alarme dans tout le quartier, une immense gerbe de flammes crevant la toiture de l'Hôtel des postes, au-dessus du magasin et des appartements de M. Henry, s'élançait en tournoyant dans le ciel.<o:p></o:p>
En quelques minutes le toit était en flammes. Déjà le carrefour était plein de monde : on sortait des cafés; des maisons, les promeneurs de la rue Nationale( Jean Jaures), assez nombreux à cette heure, accourant, et bientôt une foule énorme se pressait devant l'immeuble incendié. <o:p></o:p>
A l'Hôtel des postes le personnel se mettait en mesure de déménager tout le service de la poste, du télégraphe et du téléphone. Au magasin de M. Henry, on avait dès le premier moment, fermé la devanture et commencé le sauvetage des meubles au deuxième étage... La police avait été prévenue, et l'on attendait impatiemment les pompiers. Et les pompiers n'arrivaient pas Les minutes sont longues lorsqu'on attend ; aussi la foule s'impatientait d'assister impuissante, à l'incendie grandissant.<o:p></o:p>
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Enfin, les voici! Un "Ah!" de satisfaction s'échappe de toutes les poitrines. Mais le public n'est pas encore au bout de ses peines! Les pompiers sont là! Mais les tuyaux ne marchent pas encore. Il y a dix minutes au moins qu'un pompier, juché sur le toit, s'époumone à demander : "De l'eau! De l'eau!" L'eau ne vient pas. Et quand elle se décide à jaillir, c'est pour crever un tuyau ou deux. A chacun de ces incidents, c'est dans la foule, un cri de déception, des blagues amères à l'adresse des pauvres pompiers.<o:p></o:p>
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Tout de même le service finit par s'organiser avec le matériel de la ville et de la compagnie P.L.M. Les autorités sont sur les lieux : M. le sous-préfet, M. le maire, le procureur de la république, le commandant d'armes, les commissaires de police.<o:p></o:p>
Une compagnie de soldats du 98° est venue de la caserne : une section est chargée du service d'ordre, le reste travaille à combattre le fléau. Il y a là des "bleus" qui c'est le cas de le dire, voient le feu pour la première fois. Trois jets donnent maintenant à la fois. Deux sont dirigés sur le foyer de l'incendie, un autre sert à la protection de la Poste. L'eau ruisselle à torrents, perce les planchers, arrose les meubles, et tombe jusque dans le magasin de M. Henry. On peut dire qu'elle aura causé au moins autant de dégâts que le feu.<o:p></o:p>
A l'Hôtel des postes on est dans les transes. On craint que le feu ne prenne au collecteur des fils téléphoniques, un câble gros comme le bras, et qui est entouré d'une gaine de gutta-percha, matière extrêmement inflammable. Si ce câble s'était enflammé, l'incendie aurait pu gagner l'Hôtel des postes par la cave, et tout aurait pu flamber.<o:p></o:p>
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Enfin, vers 23 h on était à peu près maître du feu. Néanmoins, deux pompiers restèrent encore en surveillance jusqu'au lendemain. Plusieurs fois, ils durent diriger leurs jets sur certains points où le feu menaçait de reprendre.<o:p></o:p>
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L'Hôtel des postes est resté fermé jusqu'au lendemain neuf heures. Les services téléphoniques, qui ont beaucoup souffert, ne sont pas encore complètement réorganisés à l'heure qu'il est. Les fils télégraphiques pour Paris ayant été coupés, les dépêches dans cette direction ont dû passer par Lyon. Il est difficile d'évaluer exactement, dès aujourd'hui, les pertes. Elles s'élèveraient, pour, M. Henry, de 20 à 40.000 francs, et pour la Poste, d'une dizaine de milles francs. <o:p></o:p>
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Ce sinistre, a eu des conséquences fort gênantes pour un grand nombre de Roannais et notamment pour les abonnés du téléphone. Nous avons dit plus haut quel trouble avait causé la destruction des fils par les flammes et par les pompiers et l'emmêlement de ceux qui n'avaient pas été atteints. De plus, l'eau en inondant le poste central, ayant rendu celui-ci inhabitable, on à dû installer provisoirement les appareils récepteurs et les commutateurs dans les appartements privés du receveur. Rude travail, qui est à peine terminé. Il a fallu en effet changer de place et accorder de nouveau, plus de 180 fils, et ce n'est pas sans de multiples essais : on à dû attaquer au hasard les abonnés et les importuner un peu. Ce matin enfin les communications sont rétablies de façon à peu près normale.<o:p></o:p>
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Des communications fortuites et désagréables se sont produites dans la nuit de l'incendie. L'eau a établi des contacts et des courts circuits, et des sonneries nocturnes ont brusquement réveillé un grand nombre d'abonnés, étonnés et effrayés d'être appelés et de n'obtenir bien entendu aucune réponse. On a cru d'abord que les pompiers s'étaient livrés à des plaisanteries de mauvais goût. Lavons-les de ce reproche. C'est l'eau qui à tout fait.<o:p></o:p>
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C'est l'eau qui a d'ailleurs, encore une fois, fait le plus de mal. Les employés de la poste en savent quelque chose. Ils ont travaillé mercredi et jeudi dans de véritables mares et l'on pouvait voir, hier encore, le préposé au guichet par exemple, abrité par un parapluie. Il pleuvait dans les bureaux!<o:p></o:p>
Le personnel a supporté avec bonne humeur ces inconvénients et ces ennuis. Il avait rivalisé de zèle et de dévouement pendant le sinistre. Après avoir transporté par ordre de M. le sous-préfet, arrivé à la première alarme, les valeurs et les chargements en lieu sûr, dans l'immeuble de M. Bréchard, rue Brison, les employés ont transporté les lettres et les plis à la gare et là, non sans difficulté, ils ont assuré le service. Le classement sans fiches ni casiers a été des plus longs, et le receveur et ses aides ne se sont guère couchés. Grâce à quoi aucun retard dans les courriers ne s'est produit. Il convient de féliciter grandement de ce résultat et de cet effort les employés et leur chef.<o:p></o:p>
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L'incendie de l'Hôtel des postes n'a pas seulement causé d'importants dégâts matériels, il à fait une victime. C'est en effet à ce sinistre qu'il faut attribuer la mort de M. Claude-Marie Caniveng, encaisseur de la maison Cognard, décédé subitement mercredi soir. M. Caniveng, qui se trouvait déjà fatigué, et qui souffrait, depuis longtemps, d'une maladie de cur a été si vivement impressionné par l'incendie, qu'il à pris une attaque dont il est mort. Il était âgé de 49 ans et habitait rue de la Cote.
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Cet incident nous inspire deux réflexions que nous soumettons à qui de droit. Lorsque le feu est annoncé quelque part, le service de la police averti ne pourrait-il pas tout d'abord réquisitionner n'importe qui et, ce qui vaudrait mieux, un ou deux hommes du service des eaux pour traîner sur place immédiatement des tuyaux d'incendie. On éviterait ainsi beaucoup de perte de temps.<o:p></o:p>
D'autre part, nous avons remarqué l'absence du capitaine des pompiers. Cette absence est naturelle puisque ledit capitaine n'est plus à Roanne, mais à Clermont où il est installé comme architecte.<o:p></o:p>
N'y aurait-il pas lieu de le remplacer?<o:p></o:p>
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