« Il existe dans notre Auvergne des coutumes qui, pour être moins éclatantes qu’ailleurs, n’en ont pas moins un charme tout particulier et un sens profondément chrétien »
« La veille de Noël, la nuit venue, la table est dressée devant le foyer. On la couvre d’une nappe bien blanche, et, au centre d’une magnifique brioche, on place un chandelier en cuivre soigneusement fourbi. La maîtresse de maison fouille dans la grande armoire et revient avec une chandelle précieusement enveloppée dans du papier gaufré
« La belle chandelle prend place au milieu de la table.
« ….Les préparatifs terminés, mon vieux père quoi que malade, veut assister au repas. Il prend, de sa main tremblante, la chandelle de Noël, l’allume, fait le signe de croix, puis l’éteint et le passe au frère aîné. Celui-ci debout et la tête nue, l’allume à son tour, se signe d l’éteint et la passe à sa femme. La chandelle passe ainsi de main en main, pour que chacun, à son rang d’âge puisse l’allumer.
Elle arrive enfin entre les mains du dernier né. Aidé par sa mère, celui-ci l’allume à son tour, se signe et, sans l’éteindre, la place au milieu de la table, où elle brille, bien modestement pendant tout le repas.
« N’est-ce pas là le souvenir touchant de la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde ?
« Ce rite accompli, le repas commence joyeux, animé, assaisonné par le jeûne de la vigile, agrémenté par l’apparition de la traditionnelle soupe au fromage et par les surprises que ménage la cuisinière. Et quand les grâces sont dites, les enfants vont se coucher, bercés par l’espoir, souvent trompé, d’aller à la Messe de minuit.
On roule dans le foyer une grosse souche, et on attend minuit, en chantant les vieux Noëls ou en racontant les histoires d’autrefois.
« Quand l’heure est venue, quand les habitants des villages arrivent de tous côtés, avec leurs lanternes et leurs torches de paille, on se dirige vers l’église pour goûter les émotions toujours nouvelles de cette bienheureuse nuit (1)
On nous écrit des Salces (Lozère) :
« Quelquefois la ménagère, la mère de famille, n’a pas pu assister à la Messe de minuit. Elle a dû préparer le « réveillon ». Ce repas consiste souvent, dans nos montagnes, en lait bouilli chaud, saucisses fraîches et autres productions de la ferme, sans exclure la rasade de vin pétillant ».
La chandelle de Noël, conservée précieusement, est allumée au matin du premier de l’An, quand les parents et amis viennent, avant l’aube, offrir leurs vœux empressés. C’est elle encore qui éclaire de ses dernières lueurs les royautés éphémère du jour de l’Epiphanie
Cette gracieuse coutume a été célébrée par un de nos meilleurs poètes
Les chandelles de Noël
Aujourd’hui que l’acétylène
Le gaz ou l’électricité
Ont détrôné sans nulle gêne
L’antique et fumeuse clarté
De la chandelle
Peut-on vraiment
Vous parlez d’elle
En ce moment ?
Cependant elle vit encore,
Et se livre à de beaux exploits
Quand, de Minuit jusqu’à l’Aurore,
Elle rayonne en maints endroits.
Venez plutôt dans la Lozère
Au début de tout Réveillons
Une Chandelle seule éclaire
La familiale collation
L’aïeule, d’une main tremblante.
L’allume, se signe…et l’éteint ;
Puis enfants, serviteurs et servante
De même font, d’un tour de main.
Précieusement conservée,
Dame Chandelle, huit jours après,
Avec sa mèche ravivée
Eclaire encore vœux et souhaits
Et ce n’est qu’à l’Epiphanie,
A ce joyeux banquet des Rois,
Qu’à l’Etoile portant envie,
Elle brille…et meurt à la fois !
Comtesse O’ MAHONY
(1) D’après « La Semaine de Clermont »