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LE CHARROI FEODAL<o:p></o:p>
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Les Francs occupent la Gaule, les Burgondes passent les Alpes, les Visigoths sont en Aquitaine et en Espagne, les Ostrogoths et les Lombards fondent sur Rome.
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Très rapidement tout est à refaire. Cette énorme civilisation romaine est mise en faillite par les nouveaux venus et sefface du sol, à mesure que disparaissent ses chaussées, unique liaison entre elle et les peuples romanisés.
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En effet 100 ans ne se sont point écoulés depuis lécroulement de ladministration romaine, que déjà, le réseau routier ne répond plus aux besoins nouveaux car, ces Francs, ces Burgondes, ces Lombards sont hommes de cheval, et rien que cela. Ils méprisent les voitures. Leurs épouses et leurs filles chevauchent comme eux, témoins celles de Charlemagne, amazones consommées
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Les envahisseurs, les chefs de guerre francs ou goths, ne sont pas des citadins, naime pas lhabitat en ville. Leurs villas sont construites loin des chaussées romaines et amènent la création de villages disséminés. Il faut pour desservir ces agglomérations nouvelles, des routes nouvelles. Mais les paysans se bornent à tracer dabord des pistes, que le piétinement des passants, à la longue transforme en chemins de terre battue.
Réseau précaire que personne nentretient. Lhiver, ces chemins sont des fondrières, des fleuves dargile liquéfiée où tout roulage est à peu près impossible. Lété, ils se résolvent en poussière desséchée.
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Et il y a dexcellentes raisons à ce phénomène, car à mesure que se développent les murs féodales et le droit féodal, les villes libres, les communes, ont intérêt à laisser le réseau routier en mauvais état pour diminuer les risques dinvasion, et plus encore pour paralyser lexportation des denrées, nécessaires en cas de disette.
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Quant aux barons, aux châtelains des mottes carlovingiennes dabord, des châteaux forts ensuite, le droit féodal leur accorde la saisie de toute marchandise renversée sur leur domaine, sur leur tenure. Une charrette culbutée est pour eux une aubaine. Plus le chemin est mauvais, plus à leurs yeux, il est bon. On cesse de voyager. On vit sur place, entre les horizons étroits dun fief ou dune seigneurie. Les marchands, seuls sont encore, par nécessité sinon par goût, des routiers.
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Jusquau X° siècle, de robustes chars à roues pleines, traînés par des bufs placides, suffisent, le cas échéant, à transporter les bagages dun très grand seigneur. Les paysans se contentent de caisses massives, montées sur un train de deux ou de quatre roues. Et tout cela ne joue dans la vie du haut Moyen-âge quun rôle insignifiant.
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Au XI° siècle, les véhicules commencent à reparaître. Mais leur structure ne sest ni améliorée, ni modifiée. Ce sont toujours des caisses, plus ou moins considérables posées directement sur laxe des roues, mais peintes de couleurs vives magnifiques à lil.
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Jusqu'à la fin du Moyen-âge, les voitures sont fabriquées par les charrons, et ceux-ci ne forment en France une corporation ouvrière quen 1498. Les chars sont chers. La paire de roues coûte autant que sept moutons gras. Complet il a la valeur dun troupeau entier. Il est aisé de comprendre que dans ces conditions le féodal reste homme de cheval. Lavant-train de ces longues charrettes nest pas articulé, il leur faut une place énorme pour tourner.
En 1377, le trajet dArras à Paris, <st1:metricconverter productid="193 kilom│tres" w:st="on">193 kilomètres</st1:metricconverter>, demande, en voiture 17 jours. A cheval 3 suffisent.
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Seul changement mais dimportance : la substitution, vers le IX° siècle, au collier de lAntiquité dun collier plus rationnel, portant non plus sur le cou, mais sur les épaules du cheval, dont la puissance, dun coup, se trouve quadruplée.
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Lusage de ferrer le cheval commence, lui aussi, à se répandre à lépoque carlovingienne. Autre nécessité, dailleurs, sur des pistes caillouteuse où le sabot serait, en quelques heures, mâché et hors dusage.
Enfin, on renonce aux attelages de front pour recourir aux attelages en file, autrement puissants.
Lattelage féodal est donc en réel progrès sur lattelage antique, surtout à partir du XIII° siècle, où la bricole vient sajouter au collier dépaule mais aucune tentative de suspension ne voit le jour.
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Les marchands font figure de héros. La véritable épopée, cest la leur. Ils permettent seuls le maintien et le développement dune civilisation que tout conspire à enrayer. Et cest pourquoi lhistoire les passe sous silence.
Ils ont à surmonter des difficultés de tout ordre. LÉglise tient le commerce en suspicion « Invention du diable ! » proclament encore les docteurs du XV° siècle. La noblesse le méprise. Les gouvernements royaux ou impériaux le protègent en la paralysant par des décrets contradictoires, par une variation incessante des monnaies, par létablissement doctrois, de péages, de douanes, de taxe, à ce point multipliés quen moyenne un voyage de <st1:metricconverter productid="100 kilom│tres" w:st="on">100 kilomètres</st1:metricconverter> grève une cargaison dimpôts égaux à sa valeur, cest-à-dire en double le prix. Ajoutons à cela linsécurité des routes, sans parler même de leur mauvais état. La guerre féodale sévit à létat endémique. Les routiers et les gens darmes nont quun but : « faire du butin ». Tout marchand qui saventure dans une région occupée par une armée, est immédiatement détroussé, rançonné, sinon assassiné.
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Quelques municipalités plus sages que les autres, donnent aux chariots des marchands une escorte, pour traverser leur territoire. Malgré tout, les convois marchands sillonnent lEurope.
Longues routes, itinéraires pénibles. Il sagit surtout daller chercher dans les ports méditerranéens les produits du Levant amenés par mer, et les conduire vers les grands marchés de Champagne, de Flandre, et dAllemagne.
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En pays plat, létape ne dépasse pas <st1:metricconverter productid="30 kilom│tres" w:st="on">30 kilomètres</st1:metricconverter> par jour, quand le temps est beau. Elle tombe à la moitié de cette distance si la pluie a défoncé la terre. En montagne, douze heures defforts ne font parfois franchir quune lieue. Le soir on fait halte, et lon campe sur place, sil nexiste à proximité ni monastère ni auberge.
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Les monastères du Moyen-âge sont accueillant aux voyageurs et bien tenues. Mais il nen trouve point chaque soir. Alors, cest lauberge, où lon ne pénètre quen recommandant son âme à Dieu. Ces auberges sont le quartier général de tous les mauvais garçons, de tous les tire-laines de la région. Le prix des vivres servis aux voyageurs est bien fixé partout par des ordonnances royales ou seigneuriales, mais lhôte les fait payer régulièrement le double du pris tarifé. La sécurité de ces auberges est de même ordre que celle des routes. Un cadavre assassiné se laisse dépouiller docilement. On meurt beaucoup dans ces bouges, et lautorité le sait. Louis X, en 1315, décide que tout hôtelier convaincu de sêtre approprié le bagage dun voyageur décédé sous son toit paiera une amende égale au triple de sa valeur. Mais comment contrôler ? La première obligation du « registre des voyageurs » date seulement, en Europe, de lannée 1407.
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Ainsi, tout est à lavenant : routes, véhicules, auberges. Les produits dimportation sont toujours dun prix exorbitant. « Cher comme poivre » est un proverbe fort en usage au Moyen-âge. Pis encore : la récolte manquée sur un point y détermine presque à coup sûr une famine, à laquelle ne peuvent remédier ni les greniers dabondance, ni les granges aux dîmes. Ni létat des chemins, ni le matériel roulant ne permettent damener dans la région nécessiteuse les blés et les farines qui lui manquent. Faute de charrettes on meurt de faim.
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