La surprise dun forain
« DUNE CAISSE QUIL CROYAIT REMPLIE DE VIEUX PAPIERS SECHAPPE UN SQUELETTE DENFANT »<o:p></o:p>
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Monsieur Chuzeville, forain, loue à compter du 1er janvier 1939, dans la bourgade de Lay près de Saint Symphorien, une maison, pour y entreposer ses marchandises et abriter son cheval et sa voiture.
Le dernière locataire, monsieur Roche, boulanger est mort en 1929. Il navait pas gardé la remise et ses dépendances plus de deux années. Ayant troqué son cheval contre deux robustes chiens avec lesquels il assurait ses livraisons dans la campagne. Auparavant limmeuble avait eu pour locataire, mademoiselle Guillaume aujourdhui installée à Roanne, qui succéda elle-même à sa mère qui tenait la remise dun médecin, monsieur Vouarin exerçant à Lay et mort en 1875.
On aura une idée de lencombrement des lieux quand on saura que le mardi 3 janvier, après deux jours de nettoyage, seul le cheval avait pu être installé.
Au premier, notre brave homme poursuivait une rude besogne : débarrasser une pièce attenante à la grange de linvraisemblable amas de débris de toutes sortes, pots en grès, tasses, morceaux de ferraille, planchettes, piquets de bois, vieux journaux, le tout recouvert dune épaisse couche de poussière et dune multitude de toiles daraignées.
Dans ce galimatias, le forain avisa une caisse émergeant des saletés. Du papier tapisserie en morceaux chiffonnés paraissait la remplir.
Machinalement notre homme la retourne pour la vider de son contenu et là, il ne fut plus maître du mouvement qui lui fit descendre lescalier et gagner rapidement le dehors : un squelette échappé de la caisse était tombé à ses pieds.
Après deux jours dhésitation par peur des embêtements, il finit par se confier à son entourage. Cest que trouver un squelette çà fait tout « drôle » quand on ne sy attend pas.
Monsieur Vaure gendarme à Saint-Symphorien-de-Lay en compagnie du docteur Grillet se rendit sur les lieux. Lexamen, sur le lieu de la découverte, fut superficiel mais le médecin formel, le squelette était celui dun enfant de 7 à 8 ans dont la mort remontait à plus dune dizaine dannées, manquait le crâne.
Lenfant avait du rester des années assis dans son rudimentaire cercueil, une caissette de <st1:metricconverter productid="51 centim│tres" w:st="on">51 centimètres</st1:metricconverter> de long sur 45 de haut et 35 de large. Les autorités pensent que le squelette doit être celui dun enfant de la région dont la disparition est facile à relever. Aussitôt les vérifications entreprises, se pose un nouveau point dinterrogation. En effet non seulement dans la commune, mais dans toutes les localités environnantes, personne na souvenance de la disparition dun enfant de 7 à 8 ans.
Dans le village de Lay, les imaginations sexcitent, déjà on se souvient de quelques familles de réfugiés, avec de nombreux enfants, abritées dans la maison de la découverte macabre au moment de la dernière guerre. Ou sagit-il peut être de Romanichels, voleurs et bourreaux denfants traditionnels qui avec leurs roulottes hantent la nuit, la route nationale proche. Et qui était le plus ancien propriétaire des lieux ? Les doyens de la population peuvent seul parler du docteur Charles Vouarin décédé en mars 1875. Les gens dâge moyen se rappellent son fils mort il y a une quinzaine dannées à lâge de 62 ans. Les uns et les autres saccordent à dire que le père et le fils furent de rudes originaux.
Ayant longtemps servi en Afrique comme major Charles était venu se fixer à Lay à la suite de son mariage. Toujours à cheval, rivé à sa selle, il étonnait les paysans par ses fougueuses arrivées dans les cours des fermes en sautant les haies et les barrières. Son plus grand plaisir était de pousser à fond sa monture dans la dure côte de la féculerie au bourg de La
Ce matin dans la cour de la gendarmerie de Saint Symphorien de Lay, en compagnie du sieur Chuzeville, monsieur Flammarion procureur de la république et monsieur Lavialle juge dinstruction de Roanne assistent à lexamen du squelette pratiquait par le docteur Vey médecin légiste.
Ses conclusions sont sans appel : « Il sagit bien du squelette dun enfant, une fille, mais celui-ci à au moins 60 ans voir plus. Mais surtout il sagit là dune pièce anatomique non seulement très adroitement montée, avec des fils au lieu dagrafes classiques pour retenir les membres mais aussi très bien conservé »
Dans la cour de la caserne de gendarmerie retentit un éclat de rire général. Cest aussi un soulagement pour tous.
Le squelette denfant découvert ne cachait heureusement quun crime pour rire.
Cette conclusion fit repenser à un ancien artisan plâtrier de Lay, monsieur Céna quil y a une quarantaine dannées, Jean Vouarin, le fils du docteur, layant invité dans sa chambre, ouvrit soudain devant lui une caisse dont-il tira un squelette quil samusait à faire gigoter devant lui en le tenant par les vertèbres. Il lui montra ensuite, un sac remplit de pièces dor quil répandit sur le parquet avant de le braquer avec un pistolet dordonnance souvenir de son père « Et maintenant si tu ne jures pas de ne jamais rien dire je te tue ». Monsieur Céna répondit à la menace par un grand éclat de rire qui désarma loriginal et ce fut verre en main que sacheva cette soirée.
Le squelette que brandissait Jean Vouarin ce jour là, était peut être le même que celui qui effraya tant le forain Chuzeville.
Condensé de plusieurs articles tirés du journal <st1:PersonName productid="La Tribune R←publicaine" w:st="on"><st1:PersonName productid="La Tribune" w:st="on">La Tribune</st1:PersonName> Républicaine</st1:PersonName> de janvier 1939.
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