Illustration : Jean-Paul UHRING, restaurateur de Roanne bien connu<o:p></o:p>
Président de lAssociation Philatélique et Cartophile du Roannais<o:p></o:p>
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LES CARTES POSTALES TEMOIGNENT DE NOTRE PASSE <o:p></o:p>
Article de presse de 1955<o:p></o:p>
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Durant lété alors que tous le monde excursionne plus ou moins et plus particulièrement pendant le temps des vacances, le commerce des cartes postales atteint des proportions fantastiques. Certes, lorsque le Professeur Manuel Hermann proposa ce système de correspondance, il ne se doutait probablement pas du développement colossal quil allait prendre en quelques années.
La carte a tué la lettre et, du même coup, un genre littéraire presque aussi vieux que lhumanité : le genre épistolaire.
Madame de Sévigné nécrivait plus à sa fille : « je vous envoie quatre rames de papier ; vous savez à quelle condition. Jespère en revoir la plus grande partie, entre ci et Pâques ».
Au lieu de papier à lettres, elle lui enverrait de nos jours, un album de cartes postales.
Georges Sand nécrirait plus ses « Lettres dun Voyageur » ce recueil de pages exquises qui ont fixé le caractère, le « climat » de maints pays.
A quoi bon se mettre en frais dimagination et de style alors que chaque village, tant soi peu pittoresque, a aujourdhui, son église, les ruines de son château, ses sites reproduits par la photogravure ?
Naguère, on sétait contenté de petites vues jetées dans un coin de la carte et il restait encore un peu de place pour quelques lignes de description, un mot desprit ou deffusion. De nos jours, tout le verso est envahi par limage et on à souvent de la peine à trouver un petit coin libre pour la date et la signature.
Le développement de la carte illustrée a été très rapide. Et un cartophile statisticien estime que le commerce global de la carte illustrée représente plus dune dizaine de milliards et que, si lon réunissait toutes celle qui ont été expédiées en un an, on formerait un monument de <st1:metricconverter productid="20 m│tres" w:st="on">20 mètres</st1:metricconverter> de hauteur, <st1:metricconverter productid="32 m│tres" w:st="on">32 mètres</st1:metricconverter> de largeur et <st1:metricconverter productid="5 m│tres" w:st="on">5 mètres</st1:metricconverter> dépaisseur. Ce nest dailleurs pas là du papier perdu car il y a des cartes postales charmantes, de véritables uvres dart, très dignes de la collection.
Aussi, les collectionneurs de cartes postales sont-ils devenus légions et sont plus nombreux que les collectionneurs de timbres-poste. Il nest pas de magasine qui nait sa rubrique où ses abonnés sinscrivant pour léchange de cartes.
Beaucoup damateurs continuent à préférer les photographies de monuments et de paysages, mais dautres recherchent plus volontiers, les portraits de célébrités politiques ou littéraires, dactrices en vogue, et court-vêtues ou de demi-mondaine « fashionables ».
Il y a aussi les scènes du jour et les sujets de pure fantaisie dont les «thèmes » varient au gré des saisons : Noël, Nouvel An, Pâques, Sainte Catherine, Fête des Mères, Saint-Valentin, patron des amoureux, etc.
Attendons-nous bientôt, à voir, au lieu du banal faire-part, des cartes postales avec allégories pour les mariages et les baptêmes !
Il y aura là, de quoi inspirer nos imagiers.
Beaucoup dartistes ont trouvé dans lillustration de la carte, lemploi de leur talent. Cest lAllemagne et lAngleterre dont lindustrie française nà pas, on se demande pourquoi les procédés dimpression en couleur bon marché, qui fournissent le monde en carte polychromes.
En revanche cest lindustrie française qui possède le monopole des fins tirages en phototypie, daprès le cliché direct, soit pour les vues, soit pour les poses daprès nature ou les scènes dinstantané.
Les vues de Paris se vendent par millions et les étrangers ne recherchent plus autant quon pourrait le supposer, le minois souvent charmant de nos actrices. Ce sont les Français qui recherchent le portrait de lactrice, de la « star » en vogue et en règle générale, ne se vendent bien que celles dont le sourire est, parfois, presque la seule parure !.
Lopportunité joue un rôle très important dans lémission dune série. Il faut savoir saisir, sur lheure le sujet intéressant, mais éviter la répétition, car la vogue est aussi mobile que la vie parisienne elle-même. Ainsi, nous devons dire quen France « où tout finit par des chansons » les portraits de chanteurs connaissent un succès permanent, les têtes changent, mais la mode demeure et que de cartes vendues aux « midinettes », de Tino Rossi à Gilbert Bécaud.
La satire et la caricature se sont également servies de lillustration de la carte. La diplomatie sen est mêlée pour les sujets intéressant les puissances étrangères. Et, il existe, au Quai dOrsay, une censure qui interdit, le cas échéant, les cartes susceptibles de manquer de respect aux monarques ou à des personnages importants.
Cest ainsi que naguère, on défendit aux marchands, de mettre en vente un portrait du Pape, représenté par un truc photographique très connu, dans un vêtement « civil » de la dernière mode ! Toutes ces charges ne sont, généralement, pas très spirituelles et ni lart, ni lesprit français nont perdu lors de leur suppression.
La carte illustrée est, en somme intéressante, parce quelle permet aux grands enfants de faire leur « Tour de France », voire même le Tour du Monde en fauteuil, et aux petits dapprendre leur géographie en images, de façon plus agréable, plus frappante aux yeux et à lesprit quavec le livre ou, comme hier encore, avec la collection de timbres-poste.
Mais elle a tué le genre épistolaire où excellait lesprit français, la lettre humoristique de labsent, les descriptions pittoresques de lexcursionniste, les observations, tantôt naïves, tantôt malicieuses, mais toujours attachantes de lécolier en vacances.
Ne regrettons pas trop, cependant, de voir la carte postale évincer petit à petit la missive, car au siècle de la vitesse et des gens pressés, aurions-nous le temps de lire dabord les lettres à nous adressées, et, surtout dy répondre décemment ?...
Robert DELYS