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LA ROUTE AUTREFOIS ENTRE ROANNE (Loire) ET LYON (Rhône)

LES NOELS DITS « FARCIS » !!!

LES NOELS DITS « FARCIS » !!!

Les noëls dit « farcis » semblent, en raison même de leur facture spéciale, avoir été un type de transition entre les vrais chants liturgiques latins et les poèmes populaires inspirés par la plus aimée des fêtes, la Nativité. C’est surtout à l’époque où le peuple cessa de comprendre les hymnes latines, que ces cantiques, spéciaux se généralisèrent.

 

Parmi les Noëls farcis on peut signaler le suivant :

 

Célébrons la naissance,

Nostri Salvatoris,

Qui fait la complaisance

Dei sui Patris,

Ce sauveur tout aimable

In nocte medià

Est né dans une étable

De castâ Mariâ

 

Ou encore cet autre cantique d’un noëliste velaunien (du Velay).

 

Compagnons eamus !

Faisons Gaudeamus !

Venit Dominus :

N’attendons passerô :

Serait nimi serô :

Il fautprotinùs !

 

Voilà qui est bien rébarbatif ! Mais comme on a le choix des bijoux dans l’écrin des noëls populaires, hâtons-nous de citer quelques gentils couplets, formant heureux contraste avec le style « entrelardé qui précède.

Commençons par un vieux Noël Bisontin (de Besançon), qui se chante encore aujourd’hui à la veillée dans les campagnes :

 

Leu Messie est arrivé,

Faut veni pour l’aidorer ;

Il est dans un petit coin

Couché sur un lit de foin.

Chantons, mes enfants,

Le Dieu tout puissant.

 

Monsué le curé z’en tête

Qu’en discours déjà s’apprête,

L’y fera biau compliment :

C’est ben lui  qu’est l’plus savant.

 

Monsué le mair’ du village

Tout mouillé z’arrive en nage,

Apportant son meilleur vin,

Rôti froid z’et du bon pain.

 

Voici l’ai d’moiselle Sophie

Q’aipporte un biau couvre-pié

Pour cacher les p’tits petons

De ce tant joli Poupon.

 

Dès le souleil la couturière

Y viendra tout’ la première

Pour faire au grand saint Joset

Bell’culott, veste et gilet

Chantons, mes enfants,

Le Dieu-Tout-Puissant !

 

Cueillons ailleurs quelques strophes isolées :

 

Entre le bœuf et le bouvet

Noël, nouvelet

Voulut Jésus, nostre maistre,

Dans un petit hostelet

En ce pauvre monde naistre

O Noël nouvelet

…………

Boutons notre habit le plus biau

Que j’ons quand il est fête,

Pour adorer l’enfant nouviau !

……….

Après avoir pris moun bonnet

Y dirai, si je n’crains

Serviteur bon Dieu ! Nous voicy ;

Vous vous portez bien ? Dieu merci !

……….

 

Donnons des exemples d’un genre différent, mais non moins piquant :

 

L’un apportait un agneau

Avec un grand zèle,

L’autre, un peu de lait nouveau

Dedans une écuelle,

Tel, sous ses pauvres habits,

Cachait un peu de pain bis

Pour la Sainte Vierge

Et Joseph, concierge.

 

Qu’on ne voie pas dans cette dernière qualification une appellation irrévérencieuse à l’égard du grand saint. A notre époque sans doute, le mot est modeste comme la fonction ; mais il n’en fut pas toujours ainsi : jadis le concierge était un officier royal, choisi parmi les plus nobles, et jouissait même du privilège de haute justice, en certains cas ; et quand          Louis XI modifia cette sorte de judicature, ce fut son illustre médecin Jean Coietier qui hérita de la charge de concierge-bailli.

On voit que cette condition sociale est quelque peu déchue de son ancienne grandeur…

Un fait entre cent donnera idée de l’importance de cet emploi chez nos pères : la reine Isabelle de Bavière se fit nommer «  concierge de la conciergerie du Palais », racontent ses historiographes.

Certes, voilà une ambition qui, aujourd’hui, tourmenterait peu de grandes dames !

 

Continuons notre revue :

 

Pourquoi dans cette étable

Voulez-vous demeurer ?

Vous n’avez lit, ni table,

Ni feu pour vous chauffer.

Au milieu de deux bêtes

Sauf votre respect,

Ma foy, bien mal vous êtes,

Sortez-en s’il vous plait !

 

Mais ce qui comble de joie la foi populaire, c’est de penser que la venue de l’Enfant Dieu « fait enrager le diable », ce vilain maraud qui vole les âmes en les induisant à mal :

……….

Le grand dyable est enragé !

Voy va ! voy va ! comme il trotte !

Le Sauveur du monde est né

En Bethléem la cité

D’une vierge sans reproche…

Le grand dyable est enragé ;

Voy va ! voy va ! comme il trotte !

 

La prière suivante, tirée d’un Noël poitevin, est inspirée par une pensée analogue :

 

Prions le Fils parla Mère,

Qu’en son logis éternau

Nous loge, sans vitupère.

Malgré le dyable infernau,

Qui toujours veut faire mau

Par sa cautelle notoire.

Oh !qu’il est laid le maraud !

 

Un poète a eu la charmante inspiration suivante : les plus gracieux des animaux, ceux qui planent au-dessus des fanges terrestre et vivent dans l’azur, les oiseaux en un mot, sont censés rendre visite à l’enfant de Bethléem, et chacun lui gazouille les choses les plus aimables et s’offre à le servir à sa manière.

Le début a quelque chose de solennel :

 

Pour honorer les langes

Du Roi de l’univers,

Cent mille oiseaux divers

Chantent avec les anges

Répandus dans les airs,

Et mêlent leurs louanges

Aux célestes concerts.

 

Puis commence le long défilé des hommages de ces chantres emplumés ;

 

L’hirondelle, émue de la pauvreté de l’étable,

Offre son ministère

Pour une autre maison :

« Je n’entends à les faire,

« Je suis un peu maçon »

 

L’alouette habituée à se perdre dans les hauteurs de l’espace,

Veut finir sa carrière

Tout auprès du berceau

 

Le pinson n’a ni talent ni richesse, mais il à bon cœur, et :

Dit, pour tout verbiage,

Dans son petit langage :

« Je vous aime Seigneur… ! »

 

Maintenant un contraste :

Le coq d’une voix fière,

Chante : Coquerico !

J’annonce la lumière :

Salut, Astre nouveau !

 

Puis de curieux couplets sur le corbeau et l’abeille

 

C’est le corbeau, qui ose

Faire entendre sa voix :

Il apporte une noix,

N’ayant rien autre chose

Digne d’un si grand Roi

Doucement il la pose,

Et s’en retourne au bois

……….

Une petiteabeille,

Bourdonnant en frelon,

S’approcha du poupon,

Lui disant à l’oreille :

« J’apporte du bonbon

« Il est doux à merveille

« Goûtez-en, mon mignon ! »

 

N’est-elle pas touchante cette petite abeille qui vient offrir du miel, dans son berceau, à Celui qui mourant sur la croix n’aura pour breuvage que « du vinaigre et du fiel » !

Bref, tous les volatils rivalisent de gentillesse et d’amour pour l’Enfant de la Crèche ; et l’on verra le dindon lui-même, oui le dindon, venir mettre à la disposition de la Sainte Famille sa chair succulente :

 

Par un noble abandon

Il s’offre à la cuisine

De la sainte maison.

 

Comme Noël original et bizarre, il serait difficile de trouver mieux que celui-ci :

 

Allons, bergers, allons tous !

L’ange nous appelle ;

Un sauveur est né pour nous :

L’heureuse nouvelle !

Une étable est le séjour

Qu’a choisi le Dieu d’amour.

Courons au, zau, zau,

Courons plus, plus, plus,

Courons au plus vite

A ce pauvre gite.

 

Quel présent faut-il porter

A ce nouveau maître ?

Robin pour l’emmailloter

Offrira des linges ?

Grosgilet, un agnelet ;

Moi, je porte avec du lait

Le plus beau, beau, beau

Le plus fro, fro, fro

Le plus beau, le plus fro

Le plus beau fromage

De notre village.

 

C’est délicieusement stupide !

Citons enfin un noël aussi édifiant qu’ancien, mais traduit en langage moderne, et que tous les enfants devraient savoir par cœur :

 

Charmants bébés à têtes blondes,

Voici Noël ! Apprêtez-vous

A fêter demain à la ronde

Noël qui donne des joujoux.

 

Alors, des souliers qui la veille

Etaient au foyer suspendus,

Sortira plus d’une merveille

Dont vous resterez confondus.

 

N’oubliez-pas dans le partage,

Que, moins favorisés que vous

Il est des enfants de votre âge

Qui n’ont jamais eu de joujoux…

 

Songez-y Noël qui vous aime

Et vous comble de tant de bien

A dit : » Le pauvre c’est soit même,

« Donnez à ceux-là qui n’ont rien ! »

 

L’an prochain, que le Ciel vous garde !

Si vous donnez vos petits sous,

Le bon Noël qui vous regarde

Enfants se souviendra de vous

 

Donnez ! Noël vous le demande ;

Sachez-vous priver s’il le faut :

Et le Bon Dieu qui le commande,

Un jour vous le rendra là-haut !

 

Pour vous il sera moins sévère,

Il usera de sa bonté,

Car il bénit ceux qui, sur terre,

Font en son nom la charité.

 

 

(Histoire des Croyances)

 

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