M O N F A C T E U R
Poème sans surtaxe
Mon facteur est un homm’charmant.
Je lui en fais le compliment,
Et chaque jour par tous les temps
Je l’attends
Cœur battant.
Comm’ les facteurs du monde entier
Il est guetté dans tout l’quartier
On connait de loin sa silhouette,
Sa bell’ casquette
Et sa musette
A h ! oui, j’aime bien mon facteur !
C’est lui qui fait bondir mon cœur.
Mais certain jours,
De mauvais jours,
D’ennui, de tristess’ de chagrin,
Effacés dès le lendemain
Mon facteur est un être
Que l’on guette à chaque fenêtre
Les femmes lui font les yeux doux
Et quand il dit,
Tout réjoui :
« Madam’, y a quelques chos’ pour vous »
La dam’ très vite
Se précipite
Pour venir chercher le message
Qu’elle glisse dans son corsage.
(C’est une dame pas très sage).
Mon facteur est un homme charmant
Que je ne vois… qu’une fois par an,
Quand il m’apport’ (carton papier)
Un superbe calendrier
Imprimé en tas à la chaîne
Chez un grand imprimeur de Rennes.
« Bonne année…bonne santé… »
Et j’ai la joie de lui donner
Sans faire la queue au guichet
De quoi payer un pichet.
Mon facteur fait un dur métier ;
Pour moi il use ses souliers
Par tous les temps…qu’il pleuve ou vente
Qu’il tomb’ de l’eau… de l’eau à seaux
Que la chaleur soit accablante
Que l’on grill’ par le sirocco
Il est toujours fidèle au poste
Et chaque jour, il quitt’ la poste
Avec sa boît’ plein’ de nouvelles
Pour les hommes et les demoiselles
Il y en a pour tous les goûts
Et ça fait mouche à chaque coup :
Lettre d’amour,
D’amours fidèles
Voir éternel…
Il y a des lettres d’aventure,
Il y a des lettres de rupture,
Des Factures
Des sommations
De contrôleur de contributions,
Avis de non déclaration
De la Radiodiffusion
Il porte les contraventions
Procès de la circulation
Il y a les fair’part
Que l’on range à part…
Des mariages
De jeune’s filles encor sages
Il y a des lettres de décès…
Pour Monsieur X…plus de procès !
Heureux sort
Pour le mort
Qui n’aura plus chaque jour à guetter
Ce que l’homme des P.T.T. pourrait lui apporter
Et cependant…
Mon facteur est un homme charmant
Je lui en fais le compliment.
Georges BERNARDET (Les Heures Joyeuses des Trois Baudets -1951)