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LA ROUTE AUTREFOIS ENTRE ROANNE (Loire) ET LYON (Rhône)

Visite officielle à AMPLEPUIS


 

Illustration : Olivier MIQUEL

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VISITE OFFICIELLE A AMPLEPUIS<o:p>
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Les contes des Bords du Rhins<o:p></o:p>

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En cette fin de matinée de novembre, Amplepuis attendait la visite de monsieur le Ministre Président du Conseil. On était en période préélectorale et la faune politique fourbissait les arguments qu’elle s’apprêtait à faire valoir aux yeux des populations provinciales dont il fallait hélas de temps à autre solliciter les suffrages. C’est « dans le cadre », expression qui allait devenir à la mode, d’une vaste préparation psychologique que le passage par Amplepuis, du chef du gouvernement, avait été programmé par ses services parisiens.

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Certes, il eut été malséant qu’une petite agglomération d’entre Saône et Loire put prétendre à une manifestation importante, de celle que l’on réserve aux chefs-lieux de départements, ou mieux aux capitales de provinces ; non, même l’attrait que pouvait offrir à des gosiers toujours surmenés l’annonce que « Le Beaujolais nouveau était arrivé » ne pouvait justifier, aux yeux des états-majors nationaux qu’un ministre vint perdre son temps à haranguer nuitamment des populations semi rurales. C’était donc se matin–là qui avait été retenu. Amplepuis se trouvant fort opportunément sur l’itinéraire qui devait conduire le Haut Personnage de Roanne, dont il n’attendait qu’un succès d’estime, à Lyon, où il projetait de se tailler un fief à la mesure de ses ambitions.

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Dans de semblables circonstances, il est toujours bien venu d’avoir quelque édifice à inaugurer, quelque premières pierres à poser. Cela autorise l’homme politique à souligner un geste qu’une judicieuse photo de presse permet d’immortaliser. A Amplepuis, malheureusement, on n’avait rien trouvé pour ce jour là et la municipalité, prise de court, avait dû se contenter de faire dresser une estrade, pavoisée aux couleurs nationales, sur la place de l’Hôtel de Ville. C’était peu. Aussi bien, les services de Matignon, avaient-ils décidé que l’étape serait brève et l’allocution banalisée.

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Le passage étant prévu pour 11 h, dès 10 h, les autorités civiles, militaires et religieuses étaient sur le pied de guerre et les enfants des écoles faisaient le pied de grue. Tandis que les gendarmes étaient requis pour faire la haie d’honneur. Duprocet le garde-champêtre s’était vu confier la mission d’avoir à l’œil l’opposition représentée en l’occurrence par un personnage pittoresque que l’on avait sur nommé <st1:PersonName productid="La Caboche. Peu" w:st="on"><st1:PersonName productid="La Caboche." w:st="on">La Caboche.</st1:PersonName> Peu</st1:PersonName> enclin à respecter les lois en général et les arrêtés municipaux en particulier, il était devenu la bête noire de Duprocet.

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Vers 11 h 45, le  cortège officiel arriva aux portes de la ville. Sur l       a place, on se ressaisit : garde à vous des militaires, également des enfants, derniers ajustements vestimentaires. «  Les V’la » cria un gamin. La fanfare des pompiers resplendissante de tous ses cuivres, se raidit, prête à faire face à ses obligations de service. Et c’est ainsi qu’elle attaqua avec un brio soutenu, les premières mesures de <st1:PersonName productid="la Marseillaise" w:st="on">la Marseillaise</st1:PersonName>…Le drame se produisit lorsque, arrivée à mi-course Ernest, le clairon, les pieds meurtris par des chaussures neuves, sonna « Aux armes citoyens… » Un ton plus bas qu’il n’eut été souhaitable. Le premier rang, sur l’estrade afficha un rictus douloureux, derrière, on se retint pour ne pas pouffer, mais au parterre, ce fut la franche rigolade. M. le Ministre-Président du Conseil, livide, glissa à l’oreille de M. le Maire, cramoisi : « Décidément, le peuple ne respecte plus rien ». Manifestement, le « couac » d’Ernest détruisait l’effet mobilisateur escompté qu’aurait dû avoir l’hymne national sur les âmes simples. Le grand homme politique en fut profondément affecté et la suite de la cérémonie s’en ressentit : il prononça néanmoins l’allocution qu’on lui avait préparée, en appuyant, comme il avait coutume de le faire, sur des expressions bien senties comme : « populations paysannes et laborieuses » ou bien « les fruits de la terre, richesses nationale ».

Il avait  bien pensé à « labourage et pâturage… » Mais il se retint en songeant que la célèbre boutade de Sully avait quelque chance d’être connue, même à Amplepuis.

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La visite tirait à sa fin. Les applaudissements peu nourris, montraient avec éloquence que l’auditoire ou bien avait assimilé le sens profond du déplacement officiel, ou bien, et c’est ce qu’en retint M. le Ministre-Président du Conseil qu’il subissait l’effet des pesanteurs rurales. Comme les personnalités descendaient une à une les marches de l’estrade,  on entendit tout à coup les mâles accents de <st1:PersonName productid="la Marseillaise. C" w:st="on"><st1:PersonName productid="la Marseillaise." w:st="on">la Marseillaise.</st1:PersonName> C</st1:PersonName>’était <st1:PersonName productid="La Caboche" w:st="on">La Caboche</st1:PersonName> qui, au terme de sa tournée matinale des bistrots faisait irruption sur la place suivi du garde champêtre rouge de colère.

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« Le fin du fin », soupira M. le Maire le grands homme d’état n’avait pas entendu. Pour lui, la corvée était terminée : déjà il se remémorait le discours qu’il allait prononcer à Lyon et il en supputait les avantages électoraux qu’il devait en retirer.

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Quant à <st1:PersonName productid="La Caboche" w:st="on">La Caboche</st1:PersonName>, il avait, à sa manière, tiré les conclusions de la visite en répliquant au garde champêtre qui le sermonnait : « Ca va, Duprocet, demain ton foutu ministre y sera pu où  qu’est Amplepuis ».

                                                                                                                Léo MIQUEL (1982)

                       

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