CONTES, LEGENDES, TRADITIONS DE NOTRE REGION
AMPLEPUIS (Rhône) ET SES ENVIRONS
(1° partie sur 3)
Texte élaboré par Marcel BEROUD avec la collaboration de M.M. Georges BOURBON et Germain PATAY.
Groupe de Recherches Archéologique d’Amplepuis (Juillet 1977).
Depuis les origines, l’homme subi ou admire les différentes manifestations de la nature et, comme son incompréhension était trop grande pour en deviner les causes, il était persuadé que tout ce qu’il lui advenait de bien ou de mal provenait d’esprits surnaturels.
A ces esprits, il fallait bien donner des formes et l’homme leur attribue une image ressemblant à la sienne propre, avec, souvent, une partie animale suggestive de la qualité ou du défaut prédominant chez l’animal en question.
On peut diviser en trois catégories ces êtres imaginaires :
Au fur et à mesure du développement intellectuel de l’homme et aujourd’hui, grâce à la science, beaucoup de faits qui paraissent bien mystérieux sont devenus très clairs.
C’est le cas, par exemple, du feu follet, flamme légère et fugitive, produits par les émanations de phosphure d’hydrogène, spontanément inflammable, phénomène qui peut se voir au-dessus des lieux ou se décomposent des matières organiques, donc principalement dans les cimetières.
Il est évident que, jadis, les feux follets devaient inspirer une grande terreur à ceux qui les apercevaient car il ne pouvait s’agir là que de l’âme d’un mort qui sortait, la nuit, de son tombeau, parce que son repos éternel n’était pas assuré.
Aussi rares devaient être les passants qui osaient côtoyer un cimetière à minuit et ceux qui s’y trouvaient forcés par les circonstances devait multiplier les signes de croix et les prières.
Bien que les superstitions tendent à disparaître, il n’en reste pas moins que les croyances populaires ont la vie dure et que les siècles n’ont pas toujours suffi à les effacer complètement. Encore aujourd’hui, bon nombre de gens ne passeraient pas sous une échelle, ou ne supporteraient pas que leur pain soit placé sur le dos ; ces cas cités parmi beaucoup d’autres.
Toutes les légendes qui existèrent ne durent pas être crées spontanément. Il dut y avoir une cause à leur origine, un évènement inexplicable pour les gens du moment qui l’attribuèrent à quelque génie bénéfique ou maléfique selon les conséquences heureuses ou malheureuses qui en résultèrent sur leur vie de tous les jours.
Citons un exemple étonnant : en Europe, nous représentons les sorcières chevauchant un balai lors des sabbats. Or, dans certaines civilisations précolombiennes, les sorcières étaient représentées par la même image alors qu’il n’existait pratiquement aucun contact entre l’Europe et l’Amérique. Il y eut donc certainement un évènement qui fut visible sous les deux longitudes, probablement le passage d’une comète dont la forme donna naissance à cette figuration.
Beaucoup de légendes proviennent certainement aussi de la religion druidique car les druides celtes jouèrent un rôle important et l’influence qu’ils exercèrent à la fois bénéfique et néfaste, marqua profondément le monde celtique.
Les druides, prêtres itinérants, étaient très jaloux de leurs prérogatives. Ils officiaient dans des lieux discrets qu’ils entouraient d’une aura mystérieuse pour en écarter les importuns et ne transmettaient leurs connaissances que par voie orales aux jeunes gens admis dans leur cercle pour leurs qualités intellectuelles indéniables.
Il est facile d’admettre qu’une légende, même sommaire, ayant pris naissance au temps des Celtes ou antérieurement, qui a fait l’objet de narrations au coin du feu par une centaine de générations ou sur les places publiques par les conteurs et bardes de plusieurs siècles, puis chantée par les trouvères ou troubadours et enfin racontée par les poètes ou écrivains, nous arrive sous une forme extrêmement embellie n’ayant plus beaucoup de points communs avec son origine et ceci explique les contes étranges qui sont parvenus jusqu’à nous.
Parlons d’abord des fées car ce sont certainement les êtres les plus populaires et les plus gracieux parmi tous les bons génies.
La fée, incarnation de la femme jeune et belle, aimait hanter les clairières et les vallons verdoyants. Elle se baignait dans les limpides cours d’eau, mais il n’eut pas fallu qu’un mortel osât se permettre de la regarder lors de ses ablutions car, quoique bonne, elle eut certainement châtié l’indélicat. La fée se plaisait parfois aussi à entraîner le voyageur solitaire et à le laisser s’égarer au fond de quelque sombre forêt.
De toutes parts des légendes concernant les forêts sont attachées à quelque lieu, source ou amoncellement de rochers principalement, que ce soit auxSalles, à la Goutte Frizon, à Amplepuis, à la Roche Folle, etc.
La région d’Amplepuis-Tarare n’était pas gâtée au sujet des fées. En effet, il semble que partout ailleurs ces êtres étaient de splendides jeunes femmes vêtues de robes vaporeuses, souvent coiffées d’une espèce de hennin et tenant dans une main leur baguette magique étincelante. Chez-nous, au contraire, elles étaient, parait-il, fort laides et vêtues d’un pelage épais de couleur sombre.
Il était possible autrefois de s’assurer de la véracité de ces affirmations car les habitants de Saint-Appolinaire pouvaient dire le jour et l’heure où les fées allaient laver leurs hardes dans le ruisseau qui passe près du hameau de Sousi, situé à la limite de la commune jouxtant celle de Dième. Il était donc facile de les guetter et de vérifier l’exactitude des récits populaires sur leur compte.
Il y a très longtemps, Amplepuis était peuplé de fées mais, lorsque le christianisme victorieux terrasse le druidisme, elles quittèrent définitivement le village.
A cette époque, les habitants vivaient bien tranquilles, ne se souciant probablement que de pêche, de chasse, et les jours de grandes fêtes d’aller adorer Teutatès ou Taranis vers quelque cromlech lorsqu’un jour, un prêtre étranger pénétra dans le village. L’émoi fut grand car le missionnaire (c’en était un) prononça quelques prières, lut un certain évangile et, aussitôt, les fées s’enfuirent toutes en poussant des cris lamentables, maudissant les habitant qui écoutaient le nouveau venu et jurant qu’elles ne reviendraient que lorsque les feuilles de houx tomberaient.
Elles allèrent alors se réfugier dans une futaie connue sous le nom de Bois de Fayoules, ou des Fées, dans laquelle se trouvait une vaste agglomération de roches énormes. Saisissant ces blocs pesants elles s’en construisirent des demeures où elles s’établirent, loin de la ville maudite ou dominait le prêtre qui les avait chassées. Une fois fixées dans leurs grottes artificielles, leur sein perdit de sa fécondité mais le sentiment de l’amour maternel leur resta. Ne pouvant satisfaire à ce penchant, elles en furent réduites à dérober des enfants que des familles chrétiennes laissaient seuls à la maison tandis qu’elles allaient entendre prêcher la nouvelle doctrine.
Ou se trouve donc ce Bois des Fayoules ? D’après ses recherches vers 1870, Melville Glover le situait entre Amplepuis etSaint-Claude mais nous n’avons pas connaissance de l’existence dans ce secteur d’amoncellement de grosses roches. Il en est de même pour le bois des Fayoules situé entre Saint-Fortunat etJoasson. Par contre, nous verrions très bien les fées se cacher à Rochefort ou au Bois du Puy ou des rochers imposants et chaotiques peuvent se prêter facilement à l’élaboration de légendes.
D’après certains auteurs, il y aurait eu autrefois une autre catégorie de divinité secondaire qui jouissait largement de la sympathie générale. Ces génies, qui étaient désignés sous le nom général de « Maïa », présidaient à tous les actes de notre vie, nous suivaient pas à pas et nous récompensaient ou nous châtiaient selon nos mérites divers.
Cette croyance, dont on ne retrouve d’ailleurs que très peu de traces, aurait en quelque sorte précédée celle instaurée par le christianisme d’après laquelle chacun de nous a son ange gardien qui veille continuellement à sa sécurité, le défendant contre les attaques insidieuses du démon.
Il ne semble pas que ce nom de Maïa ait quelque rapport avec la plus belle des Pléiades, filles d’Atlas et de Pléïon qui aimée de Zeus, donna le jour à Hermès.
Devenu une étoile, Maïa, chaque année, par sa conjonction avec le Soleil, nous annonce le printemps et la venue du mois qui porte son nom : Mai.
De l’ancienne fête de la Terre qui se célébrait au renouvellement de l’année, il ne nous est guère resté que la coutume de « chanter le mai », coutume très amusante, d’ailleurs, qui consiste à former des groupes de jeunes (et même de moins jeunes) qui, nantis de quelques instruments de musique et de paniers, vont de ferme en ferme ou de maison en maison, dans la nuit du 30 avril au 1° mai, chantant l’espoir que le mois de mai « pendant lequel les rosiers boutonnent » verra un renouveau florissant des cultures et de l’amour car « toutes les filles qui ont un serviteur recevront un bouquet de fleurs liés d’or et d’argent ». En contrepartie, les bénéficiaires de ces chansons nocturnes remettront, d’assez bon gré, quelque présent aux jeunes gens, principalement des œufs, ce qui procurera l’occasion d’organiser un mâchon un peu plus tard.
Une coutume du 1° mai, qui était générale en France mais qui ne semble pas avoir été pratiquée à Amplepuis, consistait à planter au cours de la nuit un arbre vert et enrubanné devant la porte d’une personne que l’on voulait spécialement honorer. Il y avait aussi le 1° dimanche de mai, la bénédiction des croix. Les gens, surtout ceux de la campagne, apportaient de gros paquets de petits bâtons de noisetier, soigneusement écorcés, pour les faire bénir. Une extrémité de ces bâtons était fendue pour permettre d’y insérer transversalement une autre baguette afin de figurer une croix :
On plaçait ensuite ces petites croix dans les champs afin que les récoltes soient protégées.
On en mettait également dans chaque puits pour qu’il ne tarisse pas.
Ces coutumes, disparues d’Amplepuis, sont encore pratiquées dans certaines régions de France.
(A SUIVRE)…