ET LA LUMIERE FUT : dans la Vallée du Lignon
Difficile de penser que c’est seulement à partir de 1930 que l’électricité a été installée dans la plupart des communes de la Vallée du Lignon.
En 1926, très rares étaient les agglomérations pourvues d’un réseau electrique. Citrons, en descendant le cours du Lignon : Jeansagnières, Chalmazel, Sauvain, Saint-Georges-en-Couzan, Sail-sous-Couzan, Leigneux, Boën et Trelins ; en descendant le cours de l’Aix : Saint-Just-en-Chevalet, Saint-Germain-Laval et Nervieux, et aux sources de l’Anzon, Noirétable, desservi par les chutes locales.
C’était bien peu, si l’on ajoute que cette distribution d’électricité ne permettait en général que la desserte en éclairage, qu’elle était limitée strictement au bourg et enfin bien souvent intermittente par manque d’énergie ou en raison des pannes beaucoup plus fréquentes que de nos jours.
A cette époque, les maires de cinq communes prirent l’initiative de demander un projet commun, c’étaient ceux des Débats, de l’Hôpital, St-Laurent, Saint-Didier et Saint-Thurin.
L’étude consistait simplement de prévoir une ligne unique allant des Débats à Saint-Thurin passant par Rochefort, Grand-Vernay et Grand-Ris.
Ce projet a été abandonné car, en 1927, s’est crée un Syndicat d’Electrification dit de « La Vallée du Lignon » groupant 42 communes (dont les cinq citées plus haut) situées entre Montbrison et Saint-Germain-Laval.
Ce syndicat dû à l’initiative du regretté meunier de Montverdun, M. Antoine Jacquet fit établir une étude d’électrification générale et en concéda la réalisation et l’exploitation à trois sociétés de distribution différentes qui étaient « les Forces Motrices du Lignon » à Boën, « le Secteur hydroélectrique à Montbrison », « L’Hydroélectrique d’Auvergne » à Clermont-Ferrand.
Le montant des travaux, qui ont été menés rapidement par plusieurs entreprises, s’élevait à une somme qui paraîtrait de nos jours ridicules. Un kilomètre de ligne basse tension était facturé 14 000 francs cuivre compris…
La reconstruction d’un poste de transformation équipé valait 11 000 francs. Le prix du kilomètre de ligne, basse tension variait de 9 700 francs (éclairage) à 17 000 francs (éclairage et force motrice).
C’étaient les prix de 1929 ! N’allait pas croire pour autant que les communes allaient demander le maximum de réseau qui leur était nécessaire, l’éclairage suffisait alors à la majorité des gens qui ignoraient les services qu’ils pouvaient attendre des usages domestiques et de la force motrice.
Certains même, craignant la foudre et aussi l’électrisation se refusait à faire exécuter leur branchement.
La ligne passait devant leur habitation sans qu’ils en demandent l’utilisation.
Je me souviens que, dans le but de faire connaître l’usage agricole, le premier agriculteur de chaque commune, souscrivant un contrat était exonéré pendant dix ans de toute garantie de recettes.
Il s’est trouvé dans plusieurs communes qu’aucun usager n’a demandé à bénéficier de cette faveur et dans d’autres, malgré l’exonération il n’y a pas eu de consommation « force motrice » pendant plusieurs années. Que ceux qui, aujourd’hui regrettent d’être mal ou insuffisamment alimentés comprennent que ce n’est pas exclusivement la faute des premiers installateurs.
Que dire des difficultés rencontrées si ce n’est que pour le passage des lignes en dehors des chemins, il fallut souvent employer la procédure spéciale dite des « servitudes » sanctionnée par un arrêté préfectoral.
Je veux bien évoquer, sans le nommer, un propriétaire qui avait accusé vertement l’entrepreneur « de déboiser la République » parce qu’il avait coupé quelques pins rabougris sur un terrain où seuls les genêts pouvaient librement s’épanouir. De même certains s’ingéniaient à trouver des raisons pour l’implantation des poteaux se fasse de préférence…chez le voisin.
Terminons, si vous le voulez bien, par une petite anecdote, savoureuse, celle de « la lampe à pétrole ».
Lors des réceptions de réseaux, les représentants des diverses administrations, du Concessionnaire, de l’Entrepreneur, du Syndicat d’électrification et de la Municipalité se réunissaient pour entendre les discours et déguster « le vin d’honneur ».
C’était dans une des premières localités mises en service dont le bourg, est très groupé autour de la grand’place de l’église.
Après que l’éclairage électrique eut provoqué le « OH » d’admiration et le non moins traditionnel « O chiane » (çà éclaire !) nous vîmes une vieille paysanne installer au milieu de la place, une table sur laquelle ostensiblement trônait une lampe à pétrole de grand modèle avec un écriteau non moins grand : « A vendre ».
Les années ont passé. Les trois sociétés concessionnaires ont été nationalisées ; les moyens de production, de transport et de distribution d’électricité ont été considérablement augmentés.
Parallèlement les besoins en énergie des usagers deviennent de plus en plus nombreux et urgents. Ils motivent encore actuellement de la part du « Syndicat de la Vallée du Lignon » et des autres communes des projets de renforcement du réseau initial qui cette fois nous l’espérons, donneront pleine satisfaction.
R. BRAILLON (Almanach du Lignon) année 1959