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Et le
service devint public
Patrick MARCHAND
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Parler de la poste, cest partir en voyage. Un voyage dans lhistoire de notre pays, à travers lévolution de ce grand service public, indispensable à la vie sociale et aux relations humaines. Un voyage aussi dans les souvenirs ; avec les calendriers des postes de notre enfance, le personnage familier du facteur, lépopée de lAéropostale où brillent les noms de Mermoz et de Saint-Exupéry. Un voyage enfin dans nos curs : avec la révélation des joies et des peines que contient toute correspondance, une fois lenveloppe ouverte <o:p></o:p>
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Une enveloppe correctement affranchie et glissée dans
la boîte : ce simple geste suffit pour quune lettre parvienne à son
destinataire, généralement dès le lendemain, même lorsquelle est expédiée de
lautre bout de <st1:PersonName productid="la France. Il" w:st="on">la France.
Il</st1:PersonName> ny a personne aujourdhui pour sen étonner. Plus
personne non plus pour se souvenir quil y a deux siècles, envoyer une lettre
était un privilège de riche et que les habitants des campagnes ont été, jusquà
une date relativement récente, les laissés-pour-compte de la distribution
postale.
Le principe dun service accessible au plus grand nombre nétait pas, à
vrai dire, lidée la mieux partagée de lAncien Régime. <st1:PersonName productid="La Révolution" w:st="on">La Révolution</st1:PersonName>, puis les
réformes du XIXe siècle, notamment la mise en place du service
rural en 1830 et labaissement des tarifs en 1848, ont permis un accès
généralisé des citoyens au service postal, en dautres termes la mise en place
dun véritable service public.<o:p></o:p>
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Un service créé pour les rois :<o:p></o:p>
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Cest en Chine, entre le XIIe et le XIIIe siècle
avant notre ère, quaurait été inventé le principe de la poste. Cyrus, le roi
de Perse, aurait, pour sa part, été le premier à créer, vers 500 avant J.-C.,
un service de transport pour ses missives. Plus près de nous, on sait que
lempereur Auguste avait instauré le cursus publicus (la course publique), réseau de
relais et dhôtelleries, qui permettait dacheminer les messages. Messages
stratégiques, il va sans dire. Ce système du cursus publicus
disparaît avec
les invasions barbares. On ne trouve guère trace dune organisation stable au
Moyen Âge. Même si lexistence de relais de poste sous Charlemagne est
attestée, il est peu probable que ces établissements aient connu une grande
extension. Il faut attendre Louis XI pour quils soient réellement mis en
place, vers 1476. Et cela, dans une préoccupation, une fois encore, uniquement
stratégique. Pas question pour les « chevaucheurs de lÉcurie du
Roy » dacheminer la correspondance des particuliers !
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Les routes « montées en postes »,
cest-à-dire pourvues de relais, étaient dirigées vers les théâtres
dopérations, <st1:PersonName productid="la Bourgogne" w:st="on">la Bourgogne</st1:PersonName>
et <st1:PersonName productid="la Guyenne" w:st="on">la Guyenne</st1:PersonName>
par exemple. Il sagissait pour le roi dêtre promptement informé du sort de
ses armées en mouvement aux frontières du royaume. Le système, qui ne subira
guère de modifications jusquà la fin du XIXe siècle, était
simple : le chevaucheur, encore appelé courrier (vitesse oblige), laissait
un cheval fourbu au relais, en prenait un nouveau et, toujours au galop, se
rendait au relais suivant. Lopération était ainsi répétée autant de fois quil
était nécessaire jusquau point de destination. Au temps de Louis XI, il
semble que ce dispositif neut quun caractère provisoire. Distants de
7 lieues (<st1:metricconverter productid="28 km" w:st="on">28 km</st1:metricconverter>),
les relais étaient supprimés une fois que les opérations militaires étaient
terminées.
On ignore à quelle époque ils sont devenus des établissements
permanents. Toujours est-il que lon dispose dune liste dressée sous
Henri III, en 1584, et qui en dénombre déjà 252. En 1632, ce sont
623 maisons de poste (comme on les appelait aussi) qui jalonnent les
routes de France, lesquelles convergent toutes sur Paris et Lyon, signalant
lattraction de ces grands pôles économiques. En 1708, leur nombre sélève à
800. Le réseau ne cessera de sétendre au cours des siècles suivants : on
comptera plus de 1 400 relais à <st1:PersonName productid="La Révolution" w:st="on">la Révolution</st1:PersonName> et environ
2 000 vers 1850, date à laquelle ils commenceront à décliner en raison de
la concurrence du chemin de fer. Extension mais aussi densification du
réseau : les distances entre chaque relais passent de <st1:metricconverter productid="28 km" w:st="on">28 km</st1:metricconverter> sous
Louis XI à <st1:metricconverter productid="16 km" w:st="on">16 km</st1:metricconverter>
en moyenne au XIXe siècle.<o:p></o:p>
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Les maîtres de poste au cur du dispositif :<o:p></o:p>
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Le fonctionnement de ces relais était assuré par les maîtres de poste. Mais, contrairement à ce que lon croit habituellement, le maître de poste ne manipulait pas de lettres. En effet, il existait, sous lAncien Régime, deux systèmes postaux différents, organisés de façon autonome. Lun était une simple infrastructure de transport : la poste aux chevaux ; lautre était chargé de la collecte, de lacheminement et de la distribution : la poste aux lettres. Une double organisation qui perdurera jusquen 1873, date de la disparition officielle de la poste aux chevaux. <o:p></o:p>
Le rôle du maître de poste se limite donc à la fourniture de chevaux et
de guides : les postillons. Ses principaux clients sont les voyageurs
pressés et fortunés et, bien sûr, les courriers chargés de transporter les
lettres. Propriétaire du relais, le maître de poste exploite son entreprise avec
son propre capital : chevaux, harnais, voitures lui appartiennent. Il a
seul le droit et lobligation de faire galoper ses chevaux, privilège
professionnel qui le distingue des autres loueurs de chevaux et des
entrepreneurs de voitures publiques. Pour toute rémunération, il perçoit de
ladministration de maigres gages, <st1:metricconverter productid="180 livres" w:st="on">180 livres</st1:metricconverter> par an, soit léquivalent de
six mois de travail dun manouvrier. Ce nest donc pas la poste qui nourrit son
homme, mais les privilèges fiscaux attachés à la fonction, notamment lexemption
de la taille. Lessentiel de ses revenus provient dactivités annexes,
lexploitation du relais ne constituant quun complément de ressources. Quel
est le maître de poste qui ne tient pas à ferme quelques hectares de
terre ? La plupart dentre eux sont cultivateurs et beaucoup sont
aubergistes. Mais cest sans doute le labour qui permet de rentabiliser au
mieux la cavalerie postale. Après quatre à cinq ans dutilisation intensive,
les chevaux sont mis à la charrue tandis que leurs fumiers vont engraisser les
terres. <o:p></o:p>
De mariage en succession, le relais de poste reste souvent au sein de
la famille. Ainsi, les Bertin, maîtres de poste à Roye, en Picardie, tinrent la
poste durant trois siècles. Nombreux sont ceux qui fortifieront leur position à
<st1:PersonName productid="La Révolution" w:st="on">la Révolution</st1:PersonName>
en se portant acquéreurs de biens nationaux. Au XIXe siècle,
ils ont acquis une position de notable et occupent parfois la mairie. Certains
joueront un grand rôle dans linnovation agricole, tel Cretté de Palluel,
maître de poste de Saint-Denis, promoteur avec Parmentier de la pomme de terre.
Cest donc le maître de poste qui, sous lAncien Régime, recrute,
dirige et rémunère les postillons, lesquels sont chargés daccompagner et de
guider les voyageurs ou le courrier de la poste aux lettres (entendez le
cavalier) et surtout de ramener les chevaux, une fois atteint le relais
suivant. Population frondeuse, les postillons, qui portent beau dans leur
uniforme « bleu de roi », ont souvent maille à partir avec les autres
usagers de la route qui doivent sécarter du chemin à leur passage. Car, selon
la réglementation, ils ont priorité de passage. De même, lentente nest pas
toujours cordiale avec les courriers et les voyageurs que les postillons
tentent de rançonner en exigeant souvent de largent en plus du prix de la
course payée au maître de poste. On compte 4 000 postillons en 1763,
8 000 en 1843. Les postes de Paris, de sa banlieue et des grandes villes
sont les mieux pourvues en chevaux ; 67 chevaux au relais du Bourget
en 1801, 229 à Paris en 1849.<o:p></o:p>
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Galoper de relais en relais :<o:p></o:p>
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À lorigine, le courrier est donc un homme et le terme ne désignait pas, comme aujourdhui, la correspondance dont il devait assurer le transport. Il dépendait administrativement de la poste aux lettres et constituait le trait dunion avec la poste aux chevaux. Le métier était non seulement pénible, mais aussi très risqué. Nombreux furent les courriers qui succombèrent aux agressions des malandrins, tel Excoffon, le courrier de Lyon, assassiné aux environs de Lieusaint (Seine-et-Marne) en 1796. Dautres périrent en raison du mauvais entretien des routes, comme ce malheureux courrier qui fut retrouvé noyé à la sortie de Laval en 1727. Pour tous, une station assise prolongée à cheval occasionnait toutes sortes de maux aux endroits les plus stratégiques du corps. Pourtant, la place de courrier était recherchée pour les revenus quelle procurait. Non pour le traitement que le postulant en attendait de ladministration, mais pour le trafic auquel il se livrait en transportant des marchandises pour son propre compte. Combien de courriers furent-ils condamnés pour sêtre livrés à ces pratiques illicites, tel Quillot, arrêté en 1736 avec un chargement de six paniers de truffes, deux ballots dartichauts de Gênes, un baril dhuile ? <o:p></o:p>
Sous Louis XIII, les courriers partaient de Paris deux fois par
semaine pour les grandes villes de province. Au milieu du XVIIIe siècle,
à raison de <st1:metricconverter productid="8 km" w:st="on">8 km</st1:metricconverter>
à lheure et en « courant la poste » nuit et jour, il fallait
56 heures en été et 60 heures en hiver pour couvrir les
110 lieues qui séparaient Paris de Lyon. En 1840, seulement 34 heures
étaient nécessaires pour franchir la même distance. Il faut attribuer ce
progrès à lamélioration des routes. À <st1:PersonName productid="La Révolution" w:st="on">la Révolution</st1:PersonName>, ce sont 41 routes de poste qui
étaient parcourues par des courriers. Sur les routes dimportance secondaire,
le transport des lettres était confié à des entrepreneurs particuliers,
rémunérés par ladministration générale. Le volume des lettres augmentant au
fil des années, on adjoignit dabord au courrier un cheval spécial appelé le
« mallier », chargé de transporter des sacs supplémentaires, puis on
lui attela bientôt un chariot. Enfin, en 1793, on résolut de construire des
véhicules, les « malles-poste », où pouvaient prendre place également
un ou deux voyageurs.<o:p></o:p>
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La naissance dun monopole :<o:p></o:p>
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La principale utilisatrice de cette infrastructure de
transport que constituait la poste aux chevaux était donc la poste aux lettres.
Celle-ci ne se mit en place véritablement quau début du XVIIe siècle,
sous la surveillance du contrôleur général des postes, officier du roi. Les
lettres des particuliers déposées dans un bureau, situé en ville, étaient
ensuite prises en charge et acheminées par le courrier, puis distribuées par
les facteurs des bureaux de destination. Jusqualors, les particuliers
navaient donc eu dautres solutions que de confier leurs lettres à un voyageur
doccasion, ou, plus sûrement, aux messageries de lUniversité.
Lorganisation de la poste aux lettres relevait, depuis 1630, de
lautorité des maîtres des courriers : ils avaient acheté leur charge et
leur domaine de compétence se limitait à une seule région postale (<st1:PersonName productid="la France" w:st="on">la France</st1:PersonName> en comptait alors
vingt). Cette organisation régionale prit fin en 1672, date décisive à laquelle
le commerce exclusif des lettres fut concédé à deux familles sur lensemble du
territoire français. Cest la naissance des fermiers des postes qui rachètent
alors, non seulement les charges des maîtres des courriers, mais également
celles des messageries universitaires. Cest donc aussi la naissance de ce que
lon pourrait appeler un monopole dexploitation. Les fermiers des postes en
tireront de larges profits jusquà <st1:PersonName productid="la Révolution. Et" w:st="on">la Révolution. Et</st1:PersonName>, en 1792, autre tournant majeur,
cest lÉtat qui prend en main ladministration des postes et qui en assure la
gestion avec ses propres agents. Le monopole dÉtat existe. Reste à mettre en
place un véritable système au service du public.<o:p></o:p>
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Vers un service ouvert à tous :<o:p></o:p>
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Pour cela, il fallait à la fois
améliorer la distribution sur lensemble du territoire, notamment dans les
campagnes, et faire en sorte que les tarifs ne soient plus prohibitifs.
Premier objectif donc : multiplier les bureaux de poste. Pour
mesurer le chemin parcouru, il faut savoir quen 1603 il nexistait
probablement que deux bureaux de poste : Paris et Bordeaux. Au début du
XVIIIe siècle, environ 900 (17 000 aujourdhui) sont gérés
par autant de directeurs. La tâche principale de ces derniers consiste à
relever les lettres déposées dans la boîte, à porter sur chacune delles le
poids et la taxe à percevoir
sur le destinataire, avant de la confier au
courrier. Le directeur du bureau destinataire devait, quant à lui, organiser la
distribution au moyen de facteurs. <o:p></o:p>
Jusquen 1848-1849, le prix de la lettre était donc payé par le
destinataire, pour des raisons de confiance mais aussi de convenances :
acquitter le prix du transport au départ revenait à faire affront au
destinataire en doutant de ses capacités financières. Aussi, peu de lettres
voyageaient-elles avec la mention « port payé ». À larrivée, le port
était perçu par le facteur (quand il y en avait un), ou plus généralement par
le directeur du bureau de poste même. Considérant la masse de lettres traitées
manuellement, et sachant quil devait tenir compte pour calculer la taxe du
poids de la lettre et de la distance à parcourir, on imagine sans peine sa
charge de travail ! En 1821, le nombre total de plis circulant en France
sest élevé à environ 45 millions, pour atteindre plus de
120 millions en 1848. Il fallait impérativement trouver des moyens de
simplification comptable. <o:p></o:p>
Ce fut chose faite en 1848 lorsquon décida dabaisser les tarifs
daffranchissement et dabandonner le critère de la distance pour calculer la
taxe. Ainsi naquit le timbre-poste. Un tarif progressif suivant le poids de la
lettre et uniforme sur tout le territoire mettait fin aux multiples calculs
auxquels devait se livrer le directeur des postes. Mais les Français furent
dabord réticents à lusage de la petite vignette postale : en 1852, 22 %
des lettres seulement étaient affranchies au départ. Devant cette attitude
timorée, une prime à laffranchissement fut décidée en 1854. La tendance alors
se renversa. Un an plus tard, 85 % des lettres sont revêtues dun
timbre-poste. Quelques jalons encore pour apprécier lévolution du
trafic : le nombre dobjets manipulés par la poste passe de
800 millions en 1875 à plus de 20 milliards en 1993.
Le métier de directeur des postes a lui aussi considérablement évolué.
Depuis 1864, on lappelle receveur. À cette époque, sa place était recherchée
pour le prestige quelle conférait à son titulaire. Nombreux furent les
instituteurs qui y postulaient
alors que les militaires briguaient les emplois
de facteurs.<o:p></o:p>
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