Il y a 40 ans jour pour jour : le dimanche 7 juin 1970
SOCIETE D’ARCHEOLOGIE ET D’HISTOIRE DES MONTS DE TARARE
INAUGURATION DE LA STELE DE LA CHAPELLE
(Lieu de la rencontre entre François Ier et Jacques V d’Écosse)
Texte de l’allocution prononcée par M. le Docteur Dollet, président de la Société d’Archéologie et d’Histoire des Monts de Tarare :
« Monsieur le Sous-préfet, Monsieur le Consul Général de Grande-Bretagne, la Société d’Archéologie et d’Histoire des Monts de Tarare vous remercie de l’honneur que vous lui faites de présider la cérémonie d’inauguration de cette stèle, commémorant la rencontre en ce lieu de notre roi François Ier et du roi Jacques V d’Écosse, en l’an 1536.
Je remercie également, en son nom, Madame J.O. Mac Cormick et Madame Rivière, qui nous font l’honneur et le grand plaisir de leur présences ; Monsieur Rivière, député-maire de Tarare, qui nous a toujours manifesté beaucoup de bienveillance, mais que son état de santé prive du plaisir de venir jusqu’ici et représenté par Monsieur Mallière, Monsieur Georges Dickson, Vice-président de l’Association Franco-Écossaise, qui nous a envoyé le télégramme suivant :
« Au nom Association Franco-Écossaise, je vous exprime vifs regrets de ne pouvoir être présent inauguration stèle commémorant rencontre historique et contribuant grandement resserrement liens ancienne alliance. Vous informe adresserai rapport à président branche écossaise, Lord Mansfield, et vous prie partager avec autorité locales félicitations heureuse initiative, et profonde union pensée » D Dickson
Je remercie aussi Monsieur le Professeur LEGLAY, directeur de la circonscription des Antiquités Historiques de la Région Rhône-Alpes, Président d’honneur de notre société, retenu au Loin ; Messieurs les Maires de Joux, Amplepuis, Machezal, les Sauvages ; Monsieur le lieutenant de Gendarmerie de Tarare, Monsieur le Commissaire de Police ; les Présidents et membres des Sociétés voisines, Messieurs Sainclair et Thimonier de l’Arbresle, Aubonnet d’Amplepuis, Mirio de Bully, Bécaud et Fustier de Saint-Symphorien-de-Lay, qui souvent nos font partager leurs activités culturelles, et Monsieur le Président du Rotary-Club de Tarare.
La Société d’Archéologie et d’Histoire des Monts de Tarare souhaite la bienvenue à tous en ce col de la Chapelle chargé d’histoire. Il est des lieux privilégiés où des hommes illustres, des conquérants ou des saints laissèrent sous leurs pas des monuments que la malignité du temps, des éléments, des hommes, n’ont pas abattus. En ce lieu de passage où la terre semblait nue sous le ciel, il était bon que des mains pieuses marquent d’un signe un passé que nous aimons.
Un artiste de grand talent, connu ici et au loin par ses peintures, ses fresques, ses sculptures, a réalisé cette œuvre, Monsieur Louis Josserand, membre éminent de notre Société. Il a offert ses dons, son talent, son temps et son toujours jeune enthousiasme, pour manifester l’hommage de notre temps à la grandeur de notre passé. Je sais la joie qu’il ressent aujourd’hui, lui redis nos remerciements, notre fierté. Il vous dira tout à l’heure, l’histoire des évènements de 1536 que nous commémorons et que, grâce à lui, le voyageur verra surgir à son passage.
Nos Remerciements vont aussi à ceux et celles, qui, de près ou de loin, ont contribué à l’établissement du fait historique ou à la préparation matériel du monument : M. Joly, Mme David, Mme Lorin, Melle Gorse, M. Grassard, M. Bédard Directeur des Services technique de la ville, M. Durand Ingénieur en Chef des Ponts et chaussées, Mrs Yves et Pouilly, géomètres, M. Puthinier, Jardinier-chef de la ville, M. Bérerd, animé d’un zèle infatigable, aidé de Mrs Thival, Duperray, Mignard, Terrasson, et Mrs les correspondants de presse Waridel et Guilloud.
Monsieur le Maire de Joux, ce monument fait maintenant t partie du sol de notre commune. La Société d’Archéologie et d’Histoire des Monts de Tarare vous le remet, heureuse de collaborer avec vous dans l’amour de notre région.
Texte de l’allocution prononcée par monsieur Pignard, Maire de Joux :
« Monsieur le Sous-préfet de Villefranche, Monsieur le Consul général de Grande-Bretagne, Monsieur le Président de la Société d’Archéologie et d’Histoires, Messieurs,
A nom de la commune de Joux et de son conseil municipal, j’accepte volontiers la garde de la stèle qui va être inauguré dans quelques instants.
Mes concitoyens et moi-même, sommes très honorés par cette mission de confiance et nous vous remercions de nous en avoir chargés. Nous sommes heureux de participer à la conservation d’un souvenir du passé ; nous le somme aussi de savoir que cette partie de notre commune, sur cette route, a été le lieu d’une rencontre pacifique et sentimentale franco-écossaise.
Et nous vous assurons, Messieurs, de notre bonne volonté pour que ce monument reste bien ce qu’il doit être, c²’est à dire un « témoin historique ».
Texte de l’allocution de Monsieur le Docteur Fustier :
« Je représente le Président de l’Association des Chemins du Passé, Monsieur Bécaud, et nous venons saluer ici cette manifestation de culture et de souvenir qui est tout à fait dans la façon qu’a cette Association des Chemins du Passé, laquelle désire être toujours en liaison et en sympathie avec tout autre mouvement qui fait revivre un petit peu ce qui a été sur nos routes. C’était une route, qui était à l’époque la voie romaine puisqu’aucune autre existait, que c’est passé cet évènement haut de très grande importance ; et nous sommes heureux que vous ayez fait ce très beau monument, et que vous fassiez aujourd’hui cette manifestation du souvenir.
Texte de l’allocution prononcée par Monsieur Josserand :
« Nous avons voulu faire de l’Histoire, et vous voyez ce que cela à donné… Monsieur le Préfet, vous qui êtes artistes, nous vous prions d’être indulgent, vos conseils seront les bienvenus.
Notre projet initial représentait la Salamandre de François Ier et le Lion d’Écosse (que nous avions reçu d’Édimbourg, grâce aux « Amitiés Franco-Écossaise..) ; mais nous avons estimé, pour être mieux compris, qu’il était préférable de placer des figures et des emblèmes mieux connus.
Nous savons par les réactions des passants que nous y sommes parvenus. Toutefois, beaucoup de ces gens nous ayant demandé des éclaircissements sur le site et les raisons qui nous ont poussés à cette entreprise, nous avons cru bon de rédiger cette plaquette dont je vous lirai quelques extraits…
D’abord, je veux vous dire qu’aujourd’hui est un grand jour pour nous, parce que c’est la réalisation d’un rêve de jeunesse. Monsieur le Consul, votre grand humoriste Bernard Shaw a écrit ceci « La jeunesse est une fleur merveilleuse qu’il ne faut pas confier aux enfants.. » Eh bien, nous avons cueilli cette fleur et nous la garderons toujours. Malgré nos difficultés nous avons passé ici d’agréables et divertissants moments…
C’est ainsi qu’on nous a demandé lequel des deux personnages est Napoléon ! Nous avons répondu : il n’est pas là, mais au Pin Bouchain, représenté par un buste de grande qualité.. C’est bien et cela suffit…
On nous a dit aussi que nous aurions dû évoquer la Chapelle de Sienne ; alors nous avons répondu : Oui, mais pourquoi pas aussi le Beaujolais car nous avons été ici en Beaujolais, Beaujolais historique qui s’étendait jusqu’au-delà de Charlieu, jusqu’en Brionnais. Joux et les Sauvages étaient en Beaujolais, et derrière nous, à partir de Tarare, c’était le Lyonnais. Remarque curieuse : Anse, à quatre kilomètres de Villefranche (la plus belle lieues de France) était en Lyonnais, et j’ajoute : si bien que le très beau circuit des Pierres Dorées, cher à Monsieur le Sous-préfet et à notre ami Mirio, se trouve en Lyonnais ; mais ses crûs estimés rachètent son origine..
Je dirai encore, qu’ayant lu dernièrement dans un numéro d’Archéologie, sous la signature de M. Cursel, conservateur des Monuments Historiques de Saône-et-Loire, parlant de l’antiquité « .. La ligne des crêtes qui sépare le pays de Ségusiaves de celui des Eduens n’est franchissable qu’en trois points : au col des Echarmeaux, au col du Pilon et au col de la Chapelle.. ». Ici donc est le col, tout le monde en convient ».
(Monsieur Josserand lit alors quelques passages de la plaquette qu’il a rédigée.)…
Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous procurer cette brochure, quitte à la laisser au fond d’un tiroir où vos petits-enfants et vos petits-neveux, qui auront encore plus de loisirs que nous, seront heureux de la trouver. Car dans l’Europe qui tôt ou tard naîtra parce c’est fatal, ils seront peut-être appelé à vivre sous d’autres cieux. Mais ils conserveront malgré tout, épinglé au cœur, l’amour du pays et la nostalgie des Mont de Tarare…
Intervention de Monsieur le Docteur Fustier de Saint-Symphorien-de-Lay :
« Je voudrais, de la part de Chemins du Passé, qui ont beaucoup étudié cette question, Monsieur le Consul, vous dire combien il est symbolique qu’un roi d’Écosse et un roi de France se soient rencontrés ici ; parce qu’en quelque sorte, comme vous le disiez, Monsieur, tout à l’heure, cette région était en Beaujolais ; et sans la fidélité des Beaujeu à la couronne de France, la France n’aurait pas existé, elle se serait cantonné à l’Ile de France. Il a fallu, après le mariage de Saint-Louis, pour que le roi puisse accéder à ses possession du Sud, donc pour que la France se fasse, il a fallu toute la fidélité de ce Beaujolais, cela a été fort grave comme vous le savez, les Bourguignons étant très opposés d’une façon traditionnelle, à la constitution du royaume de France ».
Texte de l’allocution de Monsieur J.O. Mac Cormick, Consul Général de Sa Majesté Britannique :
« …Je voudrais féliciter tous ceux qui ont contribué à organiser cette cérémonie si intéressante tant sur le plan historique que sur le plan esthétique
Le travail historique de vos collaborateurs a été si bien accompli qu’il me reste très peu de chose à ajouter. Je voudrais quand même signaler certaines particularités de celui qui à participé à cette rencontre historique, c'est-à-dire Jacques V d’Écosse.
C’était un roi qui avait un grand défaut et une grande qualité. Son défaut c’est qu’il était très économe, même avare. Son père, Jacques IV, était un héros dans son pays et il était nommé Jacques le Bien Aimé. Il a dépensé tout l’argent de la couronne, et il a laissé peu de chose pour son fils Jacques V. Celui-ci, qui était devenu roi très jeune, a beaucoup souffert de sa pauvreté, et il a résolu d’amasser une fortune. Il a réussi, mais son peuple est mécontent, et il fut nommé Jacques le Mal Aimé. Les Écossais ont loué le père, mais ils ont imité le fils, puisqu’on sait que les Écossais ont la renommée d’être très économes.
Mais Jacques V avait aussi une très grande qualité, à savoir qu’il voulait absolument épouser une femme françaises. Je le loue de bon cœur, puisque j’en ai épousé une moi-même…
Pendant plus de vingt ans le jeune roi et ses régents ont négocié pour qu’il épouse une princesse de France. En 1536 il a réussi, et comme vous savez cette princesse est morte tragiquement quelques semaines après son mariage.
Mais après un intervalle de deuil, Jacques V a repris ses négociations et finalement il a épousé une autre française, la princesse Marie de Guise. Elle fut la mère de la célèbre Marie Stuart, reine d’Écosse et de France, et la grand-mère de Jacques VI d’Écosse, qui est devenu Jacques Ier d’Angleterre, et qui a réuni les couronnes des deux pays. Depuis ce temps, les relations entre la France et l’Écosse ont été très étroites, et aujourd’hui la France est un pays très aimé en Écosse.
Monsieur le Maire, Monsieur le Président, il me reste à vous remercier et à vous dire, au nom des Britanniques et surtout des Écossais de cette région, combien nous sommes touchés d’entendre évoquer ces faits historiques et de voir organiser une célébration qui servira, j’en suis sûr, à resserrer les liens d’amitié entre nos deux pays, à tous, merci…
Texte de l’allocution de Monsieur Causeret, Sous-préfet de Villefranche.
« François Ier, s’étant égaré à la chasse en poursuivant un gibier, accepta l’hospitalité d’un charbonnier qui lui offrit dans sa hutte le gîte et le couvert. San reconnaître le roi de France, le charbonnier se mit le premier à table, prenant la meilleurs place, alléguant que :
« Par droit et par raison,
Chacun est maître en sa maison. »
C’est justement par raison que deux rois se rencontrèrent, pour bien montrer à Charles-Quint, qui désirait que le soleil ne se couchât point sur son Empire, que chacun était bien maître en sa maison.
Quatre cent trente quatre années sont passées depuis cette entrevue, et je suis heureux, Cher Monsieur le Maire, de me trouver aujourd’hui dans votre commune et de pouvoir y rencontrer et saluer toutes les personnalités qui ont bien voulu répondre à l’aimable invitation de la Société d’Archéologie et d’Histoire des Monts de Tarare ; et qui ont tenu à assister à l’inauguration de la stèle qui commémore cet évènement :
Madame Rivière, Monsieur J.O. Mac Cormick, Consul Général de Grande-Bretagne, et Madame, Monsieur le Maire de Joux, M. le docteur Dollet, président de la Société d’Archéologie et M. Josserand, qui a dessiné et sculpté cette stèle qui porte les deux médaillons.
Monsieur Josserand, vous avez mis en valeur ces paroles de François Ier qui disait « Je peu faire un noble, Dieu seul peut faire un grand artiste ». En vous adressant toutes mes félicitations pour cette œuvre, je tiens à présenter mes compliments au Président de la Société d’Archéologie et d’Histoire des Monts de Tarare et à tous ceux qui ont conçu cette réalisation et qui ont mis tout en œuvre pour la mener à bien.
Cette région, où a eu lieu la rencontre, a dû rappeler, par certains points, et toutes proportions gardées, à Jacques V, son pays, qui, comme le dit Walter Scott « …est une sorte de monde sauvage rempli de bois, de rivières, de montagnes aussi élevées que les ailes du Diable lui-même seraient fatiguées, s’il voulait voler jusqu’en haut ».
Jacques V avait deux motifs impérieux de venir en France rencontrer François Ier, mais il ne pensait certainement pas que ce serait en plaine nature. Il désirait en effet voir le roi pour lui faire part de sa volonté de se ranger à ces côtés afin de lutter avec lui contre les ambitions de Charles Quint qui constituait, à lui tout seul, toute une coalition, mais aussi pour lui demander la main de Marie de Bourbon, fille du duc de Vendôme. Cette dernière démarche n’eut jamais de suite, car elle ne fut jamais entreprise : en effet, alors que le roi d’Écosse, âgé de vingt-cinq-ans, se mettait à la recherche du roi de France qu’il n’avait pas trouvé à Lyon, il vit fortuitement, dans une circonstance toute particulière, au bord de la Turdine, dit-on, une jeune fille qui lui fut présentée, après, comme Madeleine de France, fille du Roi. Ébloui par sa grâce et sa beauté, il demanda sa main à François Ier, qui la lui accorda ; Marie de Bourbon ne fut plus qu’un souvenir.
Il n’y à rien de nouveau sous le soleil, car, déjà en ce temps-là, les hommes proposaient et les évènements disposaient.
Dans le monde moderne que nous connaissons, où tout s’accélère, où tout est mouvement, l’étude d’aujourd’hui incite à la prévision. Qui, de notre génération, peut regarder ce qui est, sans rechercher à percevoir ce que sera demain ? Eh bien malheureux est celui pour qui le présent n’est pas déjà un futur...
Dans ce monde grouillant et mouvant, en perpétuelle mutation, il est bon de s’arrêter quelquefois pour permettre à notre âme de rattraper notre corps ; il est nécessaire de faire un retour en arrière, de remonter le cours de l’Histoire. Car, certes, le présent est plein de l’avenir, mais il est aussi rempli du passé.
Remercions donc comme ils le méritent ceux qui nous replongent dans le passé, ceux qui ont réalisée et fait ériger cette stèle, qui rappellera aux passants qu’en ce lieu, il y a bien longtemps, deux rois se sont rencontrés, surtout par raison, afin que « chacun soit maître en sa maison ».
Finalement l'Hôtel de Cluny fut le théâtre d'un événement qui lui donna une consécration royale : le mariage de Madeleine, fille de François Ier, avec Jacques V roi d'Écosse.
« Le dimanche dernier de décembre 1536, Jacques, roi d'Écosse, fit son entrée à Paris et vint loger en l'hostel de Cluny-lès-Mathurins, où le roi l'attendait, et le lendemain, 1er janvier, il épousa Madeleine ».