PÂQUES<o:p></o:p>
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Chez nos amis les Russes, la fête de Pâques pourrait sappelait aussi bien fête du Baiser. Il est dusage quon embrasse ce jour-là, nimporte où et à quelle heure, la première personne quon rencontre.
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Le tzar lui-même, en sortant de sa chambre, à minuit sonnant, pour se rendre à léglise, donne le baiser de la paix à la sentinelle qui veille devant sa porte. Dans les rues, les cochers descendent de leurs sièges pour accoler le premier passant qui se présente, que ce soit un grand seigneur ou un simple moujik comme eux. Et la cordiale cérémonie se renouvelle à lintérieur des châteaux ou dans ces magnifiques hôtels qui longent la perspective Newski : à une certaine heure de la journée, tout le personnel du château ou de lhôtel, domestiques, serfs de la glèbe, vieux bergers au casaquin de laine, pénètre dans le grand salon du logis pour recevoir le baiser des maîtres.
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« Christos voskrest ! Christ est ressuscité ! » Disent-ils les uns aux autres. Mais il ne ressuscite pas le même jour pour tous les hommes, à cause de la différence des calendriers.
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Le concile de Nicée à pourtant déterminé dès 325 lépoque où Pâques doit être célébré. Trois conditions sont requises : la fête doit venir après le quatorzième jour de la lune pascale ; elle doit coïncider avec le jour de léquinoxe ou suivre ce jour, que le concile a fixé sans modification possible au 21 mars ; il faut enfin quelle ait lieu un dimanche. Le comput ecclésiastique a été établi pour régler officiellement la date annuelle de cette grande fête religieuse. Il règle du même coup le dimanche de Rameaux, qui la précède de huit jours et qui porte encore dans le peuple le nom de Pâques fleuries, par allusion aux perches garnies de fleurs quon mêlait jadis aux branches de laurier, dolivier ou de gui, destinées à être bénites par lofficiant. Notons en passant que quelques villes de France, notamment Arcachon, continuent à piquer des roses au milieu des rameaux. Cest dun effet charmant.
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Lannée civile commença pendant longtemps à Pâques. Cest en 1564 seulement quun édit de Charles IX recula louverture de lannée au 1er janvier.
Elle avait varié jusqualors et avait été tantôt fixée à Noël, tantôt au 1er mai, et enfin à Pâques sous les rois de la troisième dynastie. LÉdit de Charles IX ne laissa pas de rencontrer certaines résistances. On continua de se souhaiter « la bonne année » le jour de Pâques. Cet usage était encore courant jusquà la fin du XVII° siècle, et aujourdhui encore, il sest conservé sans quelques cantons du midi de la France.
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Peut-être même est-ce à la persistance de cet usage que nous devons les « ufs de Pâques », qui sont comme une variante des étrennes et qui soffrent, dailleurs, avec le même cérémonial.
Quelle est leur origine ? Je ne sais trop. Les savants ergotent et, à grand renfort de textes, cherchent à démontrer que luf est ici un symbole et quil faut y voir limage en raccourci de la création du monde. Une explication plus simple nous est donnée par les légendaires. Au temps primitif de lÉglise, disent-ils, il était interdit de manger des oeufs en carême. Les poules persistant à pondre, force était bien de les laisser faire. Mais, au lieu de confier les ufs à la poêle, on les serrait précieusement dans une réserve et, le vendredi ou le samedi saint, on allait à léglise les faire bénir : ils figuraient le dimanche suivant au menu familial, entre le pot-au-feu et la tarte montée.
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Quoi quil en soit de cette explication, il est certain quau moyen âge on échangeait de voisins à voisins des ufs de Pâques teints en rouge ou en bleu et que les petits cadeaux passaient aussi bien que les nôtres pour entretenir lamitié. Dans certaines familles, on allait jusquà les dorer. Dautre les faisaient peindre par de vrais artistes. Lusage sen maintint bien après le moyen âge, et lon montrait il y a peu de temps, parmi les curiosités du musée de Versailles, deux ufs de Pâques peints et historiés par Lancret et Watteau pour madame Victoire, fille du roi Louis XV, à qui ils furent offerts.
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Combien différents, les ufs de Pâques daujourdhui ! Et, dabord, ils nont plus des vrais ufs que lapparence ; ils sont en sucre ou en chocolat, et beaucoup, par leurs proportions gigantesques, seraient digne davoir été pondus par cet oiseau Rock des Mille et une Nuits qui, de ses ailes ouvertes, couvrait tout un pan du ciel. Si fastueux et si énorme soient-il, jai le mauvais goût de nadmirer que médiocrement ces tours de force de pâtisserie moderne et, a tant faire que de convertir les ufs en friandises, je nhésite pas à leur préférer les simples ufs à surprise.
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Et comment, en ce jour tout imprégné de surnaturel, ne pas donner un souvenir ému à ces chères belles cloches de Pâques dont le retour fait chaque année lémerveillement des bébés guettant, les yeux en lair, le passage des voyageuses aux robes dairain ?
Connaissez-vous la légende des cloches de Pâques ? :
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Donc chaque année, le jour du jeudi saint, aux sons du Cloria toutes les cloches de la chrétienté senvolent vers Rome. Sitôt parties, sitôt rendues. Leur essaim sassemble au-dessus de la Ville Éternelle, et, à trois heures de laprès-midi, à lheure où le Christ expire elles font entendre un funèbre lamento.
Quand les ténèbres couvrent la terre, le dernier pape entré au ciel descend et bénit les cloches. Cest alors une allégresse générale : des bruits argentins, pareils à des rires séchappent des plus grosses canpanes, les ailes des métalliques voyageuses battent dune fièvre dattente, si vive est leur hâte de retourner au clocher natal où elles ramèneront la joie de vivre. Mais toutes hélas ! Nont pas cette bonne fortune. Il arrive quà la bénédiction pontificale quelques unes ne soient pas touchées de leau sainte.
Malheur à celles-là, car leur retour est plein de périls : Jésus est mort ; les anges prient à son chevet ; ils ne peuvent veiller sur elles, et le diable, toujours aux aguets, en profite pour leur jouer mille tours pendables. Il lance à leurs trousses son armée infernale, les monstres hurlants de lErèbe se précipitent sur les pauvrette, les cernent, les pressent, les bousculent et les culbutent parfois dans quelque lac ou dans un torrent. Tantôt ils soulèvent devant elles un brouillard aussi épais quune muraille afin quelles ségarent en route ; tantôt ils se roulent sur la neige des hautes montagnes et la font entrer en ébullition : au milieu de ces vapeurs ardentes, lairain menace de fondre. Cest ainsi que plus dune a rendu le dernier soupir.
Telle est la légende des cloches de Pâques, et jen sais peu daussi jolies et qui éveillent en nous de plus aimables souvenirs.
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Cloches qui courez au ras des prairies,
Cloches qui frôlez la cime des bois,
Sur laile dargent de vos sonneries
Emportez mon âme au ciel dautrefois !
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Cette fête de Pâques, où tout sunit pour lallégresse des hommes, où à la joie de la résurrection du Sauveur sajoute le sentiment don ne sait quel renouveau du cur et de lesprit, soulagés, enfin des pieuses angoisses de la semaine sainte, où la nature elle-même, frémissante et légère, semble prendre sa part du bonheur universel, cest bien, comme le veut la liturgie, la fête des fêtes, le triomphe des triomphes.
Christos voskrest ! Christ est ressuscité, et avec lui le sourire et lespoir de ce pauvre globe terraqué.
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Fêtes et Coutumes Populaires (1922)<o:p></o:p>
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