SAINT-CYR DE VALORGES : LE BAPTÊME DE LAIR<o:p></o:p>
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Les contes des Bords du Rhins
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Clémence Placide navait guère quitté, au cours de sa longue existence, les abords immédiats de son village natal : Saint-Cyr-de-Valorges.
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Dans son jeune temps, aller jusquà Roanne était une expédition et elle avait conservé, malgré le développement des moyens de transport, une certaine méfiance à légard des voyages. « Et si je mourrais en cours de route » avait-elle coutume de répéter à ceux qui la plaisantaient sur son attitude.
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Un jour, cependant, au grand étonnement de sa famille et de ses voisins, elle se laissa entraîner dans une « aventure » quelle naurait jamais imaginait si son petit fils, Éric avec la fougue de son âge, ne lui avais proposé. « Mémé, je temmène, si tu veux, à un baptême de lair, mon amis André de Régny membre des Chemins du Passé, qui a appris à piloter à larmée, veut bien de prendre à bord de son appareil, bien sur je taccompagne ».
La réponse ne fut pas moins surprenante que la question : « Cest à voir mon garçon, cest à voir ». Et sur le moment laffaire en resta là, chacun intimement persuadé que les propos de lautre relevés tout au plus dune aimable plaisanterie.
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Mais dans la tête de Clémence, lidée fit son chemin et un dimanche matin, alors quelle revenait de la messe vêtue de se plus beaux atours, elle lança à son petit-fils : « Croix-tu que ce serait une tenue convenable pour un baptême de lair ? ».
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Dès lors, Eric ne douta plus de son entreprise et lon prit rendez-vous pour la semaine suivante, en téléphonant à Bois Dieu à Régny chez lami André pour la semaine suivante sous réserve que le temps se maintint au beau.
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Ce fut un samedi très ensoleillé et Clémence avait préparé lombrelle quelle ne sortait que dans les grandes circonstances.
« Tu sais, Mémé, dans lavion cest inutile » souligna le petit-fils malicieux.
« Dit donc, tu me crois déjà gâteuse ? Allez en route ! »
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Eric se mit au volant de sa Renault 5 et, en moins dune heure, on fut à pied duvre sur laérodrome de Roanne-Renaison à Bois Combray.
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Il fallut attendre un assez long moment : tous les avions avaient pris lair. Comme le soleil était chaud Clémence Placide ouvrit son ombrelle et proposa moqueuse : « Veux-tu profiter de son ombre ? » Le petit-fils sourit mais il préféra sallonger sur lherbe en attendant le moment du départ. Trois-quarts dheure sécoulèrent avant quun monomoteur quadriplace natterrit et vain sarrêter à quelques mètres de Clémence. Après une solide poignée de main avec le pilote, Eric sécria « Dépêche-toi, Mémé, et laisse ton ombrelle, elle ne pourrait même pas nous servir de parachute ».
Mémé sinstalla non sans quelques appréhension devant toutes ses manettes boutons et lampes qui clignotaient et lon décolla.
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La visibilité était excellente et Clémence distinguait parfaitement les élèments d un paysage quelle avait appris à connaître sous un autre angle.
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« Tiens, des chevaux »
« Cest le club hippique de Saint-Cyr-de-Favières, précisa André le pilote. « dans quelques minutes nous survolerons Saint-Cyr-de-Valorges ».
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Mémé était tout yeux. Nullement incommodée par les mouvements dun appareil sensible aux « trous dair » elle suivait avec une attention soutenue la leçon de géographie que lui donnait son petit-fils.
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« Tient-toi bien, on va passer en rase-mottes au-dessus de ta maison » et il ajouta à lintention du pilote « Cest bon André, tu peux y aller ».
Mémé riait étonnement radieuse, elle avait cru apercevoir ses poules. Mais déjà lavion avait repris de la hauteur et séloignait de Saint-Cyr après avoir décrit quelques cercles, de plus en plus larges, autour de son clocher ; encore quelques minutes de vol et il se poserait à nouveau sur laérodrome de Roanne-Renaison.
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« Cest un peu trop rapide » remarqua Clémence qui avait pris goût à laventure. Eric lui signala que les heures en « lair » coûtaient chères et André le pilote de surenchérir en précisant que « leur contrôle était strict ».
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« Ça ne fait rien » conclut Mémé, « vous avez bien mérité un rafraîchissement ». Et les prenant chacun sous un bras, elle les entraîna vers le bar dans une sorte de complicité juvénile.
Avant de rentrer, Eric lamena visiter la « caravelle » avion très performant encore il ny pas si longtemps, mais aujourdhui complètement dépassé. Clémence Placide entrée à lavant de lappareil fut très impressionnée en empruntant lunique couloir permettant de traverser les rangées de fauteuils et de sortir à la queue de celui-ci. En elle-même elle pensas « pauvre avion, avoir fait tant de beaux voyages dans la monde entier et finir sa vie là, dans la « cambrousse », comme cest triste ». En franchissant la portière de la carlingue, juste avant de descendre quelques marches pour rejoindre la terre ferme, un rayon de soleil lui caressa le visage. Son sourire revint aussitôt.
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Le retour au village fut triomphal. Les voisins prévenus, vinrent féliciter Clémence qui un peu grisée, ne savait plus où donner de la tête ; et les moins fiers nétaient pas les gens de son âge qui se disaient au fond deux-mêmes quaprès tout eux aussi
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Mais le dimanche suivant, à la grandmesse, lorsque M. le Curé entonna le « Notre Père qui est au cieux » Mémé se souvint que là-haut, effectivement, on était assez bien placé pour surveiller son monde et elle nen fut que plus recueillie tout au long de loffice.
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Léo MIQUEL (1982)<o:p></o:p>