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LA ROUTE AUTREFOIS ENTRE ROANNE (Loire) ET LYON (Rhône)

La "Grande Peur" de 1789


 

LA « GRANDE PEUR » DE 1789

Vers la fin du mois de juillet 1789, dix ou douze jours après la prise de <st1:PersonName productid="la Bastille" w:st="on">la Bastille</st1:PersonName>, une effrayante rumeur courut <st1:PersonName productid="la France" w:st="on">la France</st1:PersonName> entière : « Les brigands arrivent, ils pillent les demeures, incendient les récoltes ; ils égorgent femmes et enfants » Cette alarme se répandit du nord au sud et de l’est à l’ouest du royaume, presque dans le même moment.

Le décret, que l’Assemblée nationale publia le 10 août 1789, constate dans son préambule la généralité et la simultanéité de la panique. « Les alarmes ont été semées dans les différentes provinces dit l’Assemblée, à la même époque et presque le même jour.

Un messager paraissait haletant, les yeux fous, la voix étranglée sur son cheval blanc d’écume. Il se penchait sur sa selle et, étendant le bras dans la direction qu’il voulait désigner : les brigands approchent ; ils sont là-bas derrière le coteau ; j’ai vu luire leurs armes dans la feuillée du bois. Sur la route, les sabots de leurs chevaux soulèvent des nuées de poussières, l’horizon est rouge des incendies qu’ils allument : ils vont comme un ouragan !

Un jour, la terrible rumeur circula au Coteau. C’était vers la fin d’août, à la nuit tombante. Un courrier, couvert de poussière et montant un cheval qui paraissait exténué, s’arrêta aux premières maisons de l’agglomération et jeta aux habitants ces mots sinistres : « Les brigands sont à deux lieues d’ici ! »

Nul ne songea à vérifier l’exactitude des paroles du courrier auquel une coïncidence bizarre vint donner quelque créance.

Vers la même époque la maréchaussée de Roanne arrêta au bas de Rhins, deux pauvres diables déguenillés et incontinents, « en raison du crime commis dans le voisinage » les conduisit aux prisons du bailliage. Les vagabonds suivirent le grand chemin et traversèrent le Coteau, escortés par les cavaliers de la maréchaussée. Il n’en fallut pas davantage pour confirmer les bruits mis en circulation. C’est en vain que l’enquête de la justice reconnut dans l’un de ces vagabonds un faux saunier incorrigible, plusieurs fois condamné à Villefranche et dans l’autre, une façon de sorcier de campagne, au sujet duquel une plainte avait été déposée par le curé de Sainte Marguerite de Neaux et deux habitants de cette localité ; la rumeur publique n’en continua pas moins à voir dans ces pauvres diables les chefs des brigands tant redoutés.

Cependant, la panique se dissipa, mais ce fut pour renaître quelques jours plus tard. Comme il arrive ordinairement aucun fait précis ne lui donna naissance, les détails ne firent pourtant pas défaut.

D’après la rumeur publique, un voyageur venant de Lyon et se rendant à Roanne, avait raconté qu’il venait traverser un pays terrorisé. Près de Lyon, les routes étaient encombrées de  fugitifs gagnant la grande ville, poussant devant eux leurs bestiaux et traînant sur des charrettes leurs objets les plus précieux. En approchant de Roanne, la même panique régnait, les villes importantes comme Lay, Saint-Symphorien et Régny organisaient à la hâte des « milices civiles » ou des « gardes citoyennes ». Les localités moins importantes envoyaient des messagers demander de l'aide et secours aux villes de Tarare et Feurs.

Quant aux habitants des hameaux, ils quittaient leurs demeures et se cachaient dans les plus épais fourrés des bois, parfois même creusaient des retraites souterraines dont ils dissimulaient l’entrée avec des ronces et des buissons épineux ; ceux que la maladie obligeait à rester chez eux, n’osaient ni parler, ni faire de feu pour ne pas dévoiler leur présence aux brigands.

Mais une affaire regrettable, survenue à la même époque et dont le dénouement eu lieu au Coteau       , continua à entretenir longtemps la surexcitation des habitants.

Le château de l’Aubépin en Beaujolais, renfermait à cette époque deux pièces de canons. Ce curieux spécimens d’une artillerie démodée  avaient été donné deux siècles auparavant par le roi Henri IV à Antoine de Sainte Colombe, seigneur de l’Aubépin. Par ce don le roi avait voulu reconnaître la fidèle  et loyale amitié de son ancien compagnon d’armes. Or dans le courant de l’automne 1789, deux mariniers roannais qui avaient des relations dans le voisinage de l’Aubépin, rappelèrent à leurs compatriotes l’existence des canons. Les mariniers s’émurent et projetèrent d’aller les enlever. Mais les autorités locales, redoutant le danger, prirent les devants et ce fut un détachement de la garde nationale qui fut chargé de cette opération. Le détachement partit avant le jour, s’adjoignit, en passant au Coteau de quelques gardes de cette localité, commandés par le sieur Théodet et arriva sans encombre à l’Aubépin. Les canons furent réparés à la hâte et amenés au Coteau. Là, comme il faisait nuit noire, et que les travaux en cours et une crue du fleuve rendaient l’accès de Roanne difficile pendant l’obscurité, on décida de laisser les canons «  à la vigilance et au patriotisme » des habitants du Coteau.

L’expédition avait été préparée en secret et exécutée si rapidement qu’elle n’avait rencontré ni opposition, ni protestation. Mais lorsque l’enlèvement fut connu, il excita dans la région  particulièrement dans les paroisses de Fourneaux et de Sainte Colombe, une très vive effervescence. Une réunion de protestation fut tenue à Fourneaux  où l’on parla de prendre contre le Coteau et Roanne les mesures les plus extrêmes. Un membre proposa même d »affamer » ces localités, invitant les habitants des campagnes à ne pas y transporter leurs denrées cette idée fut repoussée. Une motion finale parût plus efficace ; Elle consistait à solliciter  l’intervention de François Courtin, marquis de Saint Vincent dans le but d’arranger cette affaire regrettable. Mais les négociations n’aboutirent pas  et peu à peu l’affaire se calma car l’attention publique fut sollicitée par d’autres évènement bien plus graves.

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