Les points sur les i à Sainte Colombe<o:p></o:p>
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Les contes des Bords du Rhins<o:p></o:p>
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A première vue, cela napparaît pas absolument nécessaire ; la lettre, avec son seul jambage, ne prête guère à confusion, moins, en tous les cas, que dautres qui ne sauraient se passer, sous peine derreur dinterprétation de cet auxiliaire apparemment anodin que lon appelle un accent.
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La formule nen a que plus de force et limage du point que lon met ostensiblement sur un i indique tout le soin que lon apporte à sexprimer avec précision et plus encore le désir impérieux dêtre parfaitement compris.
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Nul doute quil sagit là dun langage de chef. Seule, une autorité établie, à défaut dêtre reconnue, peut se permettre une semblable attitude. On voit mal, en effet, un quelconque subalterne mettant les points sur les i dans ses rapports avec ses chefs hiérarchiques et si cela se produit parfois il faut y voir que lexception qui confirme la règle.
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On était à la veille délections législatives et les candidats à la députation se dépensaient sans compter pour aller de communes en Cantons apporter la bonne parole.
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Il y avait alors un certain Dufolclot Emile, enfant du pays puisque né à Bouchouchette, à un jet de pierre de Sainte-Colombe qui défendait avec une fougue peu commune le programme du PS PC RPR UDF quil convient de développer comme suit :
Parti Social Populaire Centriste et Républicain pour des Réformes Urgentes, Définitives et Françaises.
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« Il faut lançait Émile à toute volée, devant un auditoire dont la réceptivité narquoise aurait découragé tout autre que lui, il faut amener, jallais dire contraindre, le gouvernement à préciser ses positions sur les problèmes qui nous préoccupent et qui, par voie de conséquence, sont aussi les miens ».
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Dans la salle, lopposition était représentée par le F.D.U., R.P.R., C.P., S.P., qui se voulait : Formation pour la Défens de lUnité Républicaine par le Rassemblement des Citoyens Patriotes et Sans Parti.
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Lassistance séchauffa promptement dès lors que les adversaires, reléguant au second plan les priorités socio-économiques, en vinrent à échanger des propos aigres-doux.
Émile sentant quil perdait peu à peu le contrôle de son public sécria soudain :
« Camarade, rien ne sert de discourir à tort et à travers ; ce quil faut, cest mettre les points sur les i. »
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Au même instant, et par le plus fortuit des hasards, un fruit un peu trop mûr lancé depuis la salle, vint atterrir sur le haut du crâne de Dufolclot, sans toutefois sy écraser. Un rire énorme éclata et lorateur, nullement impressionné et beau joueur, joignit le sien à celui de lassistance. Son attitude, face à ladversité, lui acquit durant quelques minutes la sympathie de lauditoire et il en profita avec habileté pour développer son programme :
« Cest bien, en effet, de fruits et de légumes quil sagit et cest sur ce terrain que je compte mener mon combat : majorer les prix à la production tout en les diminuant à la consommation. »
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Lhomme politique qui lui faisait face, un nommé Jules Paradeu, sefforça de contrecarrer lÉmile, mais le fait même dêtre natif de Saint-Etienne chargeait son propos dune pesante suspicion. Ce nest pas que les gens de Saint-Cyr-de-Valorges fussent tous daccord avec le discours de Dufolclot, chez nous la chose nest guère concevable, mais ici on connaissait Émile et si ses emportements puérils prêtaient le plus souvent à sourire, on le savait honnête à défaut dêtre compétent.
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Lautre létranger, allez savoir ce quil avait derrière la tête sous ses dehors séduisants quand bien même il développa des idées bien reçues dans la salle.
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La tension monta dun cran lorsquil fut question de mettre en parallèle les promesses et les réalisations. On se bombarda de chiffres et lon fit appel une fois de plus aux points sur les i :
« Qui a permis le ravalement du monument aux morts de Machézal ? (§)
Qui a trouvé le financement des travaux de mises à deux voies du chemin communal qui mène à la Casse ?
Qui ?...
Émile tonnait à tous les vents.
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Aussitôt, Jules Paradeu coupa la parole à lorateur et, avec une malice que les gens du cru mirent sur le compte de ses origines stéphanoises, il sécria à son tour :
« Qui a défendu contre lemprise du pouvoir lUniversité dEté de Croizet-sur-Gand ?
Qui a suggéré de doubler la hauteur du barrage de Saint-Maurice-sur-Loire. »
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Puis la voix se fit papelarde et lindex accusateur :
« En revanche, mes chers concitoyens, qui a fait financer sur le dos des contribuables du département, et parce quil était originaire du lieu lélevage de castors de Bouchouchette ? »
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Cette fois la coupe était pleine. Quand le flot des injures fut tari on en vint aux mains et la bagarre fut générale.
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Cest alors quun garnement, qui avait des lettres parce quil avait fait des brillantes études au collège de Régny, grimpa sur lestrade et, désireux denflammer un peu plus les esprits hurla au micro en montrant le poing :
« Allez-y, les gars, cest celui-là quil faut mettre sur les i. »
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Léo MIQUEL (1982)
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(§) Il sagit dun clin dil de lauteur, le village de Machézal ne possède pas de monument aux morts, en dehors des inscriptions contenues dans léglise