LA lIBERATION DE ROANNE A TRAVERS LE LIVRE DE :
PETRUS FAURE « La Terreur Rouge »
Pour le trentième anniversaire de la victoire c’est un document explosif qui vient d’être placé dans les librairies.
L’auteur Pétrus Faure se défend cependant d’avoir choisi cette date de parution de son ouvrage « La Terreur rouge ». Il n’en demeure pas moins que ce livre va soulever les passions parce qu’il est tout à la fois le rappel d’événements contemporains et une très violente attaque contre le parti communiste.
L’auteur souhaite cependant demeurer un historien et rappelle qu’il n’a pas été victime de l’épuration à la Libération mais au contraire d’un gouvernement de Vichy. Il souhaite donc qu’on lui accorde le bénéfice de l’objectivité. Nous ajouterons aussi celui du courage sans cependant que cette qualité puisse faire admettre l’ensemble de ses conclusions.
Avec une longue vie politique (maire du Chambon-Feugerolles durant quarante-cinq ans conseil général, député) M. Pétrus Faure a été juré au procès du maréchal Pétain en tant qu’ancien parlementaire n’ayant pas voté les pleins pouvoirs en 1940. Historien régionaliste avec de nombreux ouvrages dont principalement « Histoire du mouvement ouvrier dans la Loire » et « Un témoin raconte » il a quelques titres pour rapporter et commenter des événements auxquels il a été mêlés et « qu’il a vécus souvent en partisan, puisque durant toute sa vie, il s’est prétendu être : un homme de gauche ».
La Terreur rouge a pour but de démontrer que les communistes ont essayé de prendre le pouvoir à la Libération et qu’ils furent les artisans d’une répression beaucoup plus sanglante que celles que vécurent les révolutionnaires de 1793 ou de la Commune.
Sur ce premier point Pétrus Faure formule plus une hypothèse qu’il ne prouve une réalité et parmi les plus nombreux historiens qui ont étudié le phénomène politique du PC « fort en 1944 de 500 000 adhérents et de millions de sympathisants » nous suivrons plus facilement la thèse de Henry Amouroux qui a depuis longtemps écrit que le « sort du monde fut réglé à Yalta et que la France tomba dans la corbeille anglo-américaine » il était donc impossible à Maurice Thorez d’effacer Charles de Gaulle.
Par contre que les communistes aient cherché et réussi à occuper des postes importants à la Libération c’est indéniable mais ils expliqueront que leur participation active à la Résistance et le prix qu’ils ont payé leur donnaient des droits à ces fonctions.
Reste la répression
Pétrus Faure établit un bilan et le détail n’est évidemment pas très agréable à connaitre car les vengeances personnelles se dissimulèrent parfois sous des actes de justice expéditive. Il présente un constat et ne juge pas la Résistance et n’accuse que les communistes.
Par-delà un essai un peu succinct d’histoires sociales économiques et politique (déjà décrites dans les ouvrages précédents) l’auteur de la « Terreur Rouge » établit une comparaison entre 1793 et 1944 mais faire de Lucien Monjauvis préfet communiste de septembre 1944 à septembre 1947 un nouveau Javogues il y a peut-être malgré certaines apparences un pas difficile à franchir Pétrus Faure n’écrit-il pas « en dehors de sa soumission aveugle (au parti communiste) c’était un homme simple, calme, pondéré, et, tout compte fait, son influence fut quelques fois heureuse pour toute question où le parti n’est pas impliqué ». On ne saurait en dire autant de Javogues.
La « Terreur rouge » de Pétrus Faure n’est pas un livre facile et sa plus grande qualité est d’être un ouvrage courageux jusque dans ses multiples partis-pris.
Muré dans la solitude d’une totale cécité âgé aujourd’hui de 84 ans ayant toujours plongé dans l’action directe et ayant tiré tout à la fois la passion et la sagesse Pétrus Faure nous confiait : « J’ai essayé d’être objectif, juste, non partisan. Il est possible que, sur certains points, je me sois trompé, mais je ne veux être qu’un historien sachant – et mon âge me permet de ne pas le craindre – que je ne serai à l’abri ni des haines, ni des vengeances »
Jean Bertail (article du journal « La Dépêche » du 29/04/1975
Avertissement : nous ne rentrons dans aucune polémique seuls nous intéressent les divers renseignements et chiffres fournis dans cet ouvrage. Nous les livrons ci-dessous à nos lecteurs sans commentaire, à titre d’informations.
Les troupes allemandes quittent Saint-Etienne le 19 août 1944 et Roanne le 21 août.
En quittant Saint-Etienne ces troupes laissent volontairement à la caserne DESNOETTES une vingtaine de personnes parmi lesquelles Albert SEROL ancien maire de Roanne, ancien ministre et Pierre GAUTHIER secrétaire général de la mairie de Roanne tout deux arrêtés par la gestapo à Roanne quelques jours avant.
Il y eut peu de problème pour la nomination des sous-préfets, Elie VIEUX, à Roanne, instituteur militant et remplacé à la présidence du Comité de Libération par l’employé municipal FOURNIER.
Le conseil municipal de Roanne comme d’autres dans la Loire fut révoqué avant la fin de l’année 1940.
Le 22 août 1944 à 20 heures, ANTOINE commandant militaire de la région de Roanne et des membres des comités clandestins, prennent possession de l’hôtel de Ville devant une foule de 10 000 personnes.
Pierre GAUTHIER, ne peut reprendre son poste que deux jours plus tard et diriger la mairie jusqu’à la mise en place d’Auguste DOURDEIN qui prit la place d’Albert SEROL (socialiste comme lui).
Dans la valse de la Presse à la Libération, dans le roannais fut crée un quotidien « LA LIBERTE ROANNAISE » qui dura peu.
Arrestation aussi de GASTAL, secrétaire de l’Union des syndicats et de son adjoint PONCHON sans que l’on connaisse le mobile.
Novembre 1942 : à Saint-Etienne installation de la GESTAPO en 3 groupes
Allemand commandé par ALBERT
Français commandé par LORNAGE
Italien commandé par ANDRE et POZZI
Parmi les membres de la gestapo française : FREDDY de Saint-Etienne et KARCHER de Roanne furent les plus actifs et responsables de nombreux actes criminels.
1943 : mise en place dans la Loire de la MILICE, elle groupe 224 francs-gardes, 57 miliciens et 47 femmes, elle eut pour chef GUILLAUMIN exécuté par la Résistance, puis GUILLOU ET BOUVIER ;
La « milice » de Roanne est créée le 30 janvier 1944, elle a pour chef de « centaine » Jean FONT elle comprend quelques dizaines de membres.
Occupation ou libération, la délation, arme de la lâcheté permet aux couards d’assouvir leur haine ou leurs intérêts avec le minimum de risque.
A la Libération les arrestations étaient effectuées par la police locale aux ordres du préfet et par les milices patriotiques aux ordres des Comités locaux de libération.
Il y eut près de 1 500 arrestations pour Saint-Etienne et Montbrison et près de 400 pour Roanne.
Deux camps de prisonniers furent alors crées dont celui de Mably.
Ce camp d’environ cinq hectares (actuel Parc Louise Michel) fut utilisé pour les besoins de la cause. Un poste de garde, un bâtiment administratif, quatre locaux de détention : un pour les femmes (50 environ) et trois pour les hommes (60 environ) par bâtiments, le tout complété d’un parloir et d’un mirador.
Près de 300 personnes, pour la plupart des personnalités bien connues : MARTIN, président du tribunal de Roanne, ROLLET juge d’instruction, VACHOT chirurgien dentiste au Coteau, PRADES chirurgien dentiste à Roanne, GASTAL, secrétaire de l’Union des syndicats de Roanne et son adjoint PONCHON, DEVERNOIS industriel de Roanne, TROIGROS restaurateur à Roanne, PERRET, hôtelier au Coteau, MAMET, homme d’affaires à Roanne etc.
Ils y furent internés, de la libération à janvier 1945. La plupart des prisonniers furent remis en liberté après un stage plus ou moins long, sans avoir jamais été interrogé et ne furent pas poursuivis.
Le premier responsable du camp fut Bill MURARD, qui fut remplacé suite à un accident par MARIOTI
Les exécutions sommaires : elles furent moins nombreuses que dans d’autres départements.
La plupart avaient un caractère plus ou moins politique mais quelques unes eurent lieu sous couvert de la Résistance pour servir certains intérêts particuliers.
Notons : celle de SOLIGNAC à Saint-Just-en-Chevalet, ARTZET tué dans la rue à Montbrison, Melle CHAUX conduite à Roche-en-Fay pour être exécutée. Trois personnes furent également tuées dans la région de Roanne, le capitaine LAFFAY qui fut commandant d’arme dans cette ville, le pharmacien CARON de Saint-Just-en-Chevalet et le maître carrier Claude MONTABERT, de Saint-Symphorien-de-Lay assassiné à Neulise.
Je termine ce bref exposé avec quelques lignes de Pétrus Faure :
« Dans les périodes de répression, où pour certains la vie des autres ne compte pas la justice n’est plus qu’un simple mot. Dès que le calme renaît, la justice redevient ce qu’elle doit être, la grande loi des sociétés civilisées »