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LA ROUTE AUTREFOIS ENTRE ROANNE (Loire) ET LYON (Rhône)

Michelin et ses pneus (article de presse 1928).

 

CHEZ MICHELIN<o:p></o:p>

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Tous ses amis savaient que le fantaisiste Fernand Reynaud abhorrait les établissements Michelin, pieuvre aux tentacules multiples  qui régissait Clermont-Ferrand. On sait moins que l’arrivée du Bibendum à Roanne ne se fit pas toute seule. Grâce aux efforts du maire M. Paul Pillet et surtout de monsieur Pierre Basset (§) de la Chambre de Commerce, qui mena d âpres et longues négociations ; l’usine de pneus s’installa finalement chez nous.

Vous trouverez ci-dessous un article paru dans le journal « L’HUMANITE » en date du 30 juillet 1928. Nous ne connaissons pas le nom de l’auteur qui a signe seulement M.H. sans doute par suite de représailles possibles.


PHILANTHROPIE RATIONALISEE<o:p></o:p>

L’ « usine modèle » du « bon patron Michelin », n’est qu’un bagne, des salaires de famine, aucune protection contre les accidents, amendes en cascade…

Les trompettes de la renommées ont apprit à la terre toute entière non seulement que les pneus Michelin sont les plus solides de l’univers, mais aussi que Michelin est le meilleur patron dans le meilleur des mondes, que la firme qu’il dirige à Clermont-Ferrand est un paradis pour les ouvriers, le dernier cri du confort et du bien être pour les salariés.

Des ouvriers étant accourus dans la « boite » et s’étant  pris, comme mouches au miel, à l’appât de promesses mirobolantes, il convenait aux exploités de chez Michelin de remettre les choses au point en dégonflant…le pneu de la « philanthropie » de ce « bon M. Michelin ».

Ils prennent la parole aujourd’hui. Ils vont dire comment les choses se passent dans les usines de Clermont-Ferrand. Ce que la renommée bourgeoise vante comme un paradis industriel ressemble davantage à un bagne.


COMMENT MICHELIN EMBAUCHE<o:p></o:p>

L’embauche est conditionnée par les qualités supérieures, d’ouvrier, du postulant, sa capacité au rendement.

D’abord il faut signer un contrat qui lie absolument l’ouvrier à la boîte.

Ensuite trois épreuves vous attendent :

  • Une épreuve de force et de résistance
  • Une de réflexe consistant dans le triage d’écrous dans le minimum de temps
  • L’examen du degré d’instruction.

Selon la force et l’intelligence dont ils font preuve, les candidats sont employés comme : manœuvres, manœuvres spécialisés ou spécialistes ; mais seulement après avoir passé la visite médicale du médecin de la compagnie. Celui-ci diagnostique bien souvent « une faiblesse des tissus » du postulant. Qui peut jouer plus tard au  détriment de l’ouvrier, s’il a le malheur d’attraper pendant son travail « un effort » ou une hernie.

Si celui-ci fait  appel au tribunal de Clermont, auquel le contrat l’oblige de s’adresser, il lui sera démontré que la justice et la médecine du travail ne peuvent que rendre hommage à la philanthropie désintéressée de M. Michelin , en déboutant l’ouvrier de sa réclamation.


LES SALAIRES QU’IL OFFRE<o:p></o:p>

Ce bon « monsieur Michelin » connaît l’art de diviser pour mieux exploiter. Le personnel est divisé en trois catégories :

  • Les simples manœuvres « bonnes à tout faire » touchent <st1:metricconverter productid="1,50 F" w:st="on">1,50 F</st1:metricconverter> de l’heure plus <st1:metricconverter productid="2,80 F" w:st="on">2,80 F</st1:metricconverter> de vie chère par jour.
  • Les manœuvres spécialisés sont payés 34 et <st1:metricconverter productid="36 F" w:st="on">36 F</st1:metricconverter> par jour
  • Quand aux spécialistes « aristocratisés » par Michelin, comptant de 1200 à 1500 ouvriers sur 15 000, ils gagnent de 40 à 50 F ;

Ses spécialistes n’ont pas la vie belle cependant, ils marchent rationalisés au chronomètre.

Un temps type étant exécuté par un étalon, suit le temps de travail plus ou moins rapproché du modèle, l’ouvrier sera plus ou moins payé sans que jamais les salaires augmentent en proportion  de la production et du prix de revient économisé par le patron.


LE DANGEREUX TRAVAIL DES GOMMES<o:p></o:p>

Le service Z est celui de la préparation des gommes qui sont lavées, déchiquetées et mélangées aux autres ingrédients nécessaires pour donner au  caoutchouc, sa résistance. Travail insalubre à cause de l’odeur qui s’échappe des mélanges. Travail dangereux source d’accidents car les machines sont basses et sans protection et le parquet non content d’être incliné, est ruisselant d’eau savonneuse.

Dernièrement un contremaître glisse, essaie de se raccrocher , et prise dans l’engrenage, sa main est affreusement mutilée. Ne voila-t-il pas que la « philanthropique » direction interroge le chef de service pour savoir si l’ouvrier « n’était pas saoul » au moment de sa chute.

Les femmes qui travaillent nombreuses dans ce service, sont obligées de manger avec les mains sales de cambouis pour ne « pas perdre de temps » et elles jouissent encore grâce à la « bonté » du patron, pendant le casse-croûte, du parfum des water-closets installés dans l’atelier même, ainsi que le veulent les exigences de la rationalisation.

Ici on confectionne le pneu. Les manœuvres voient souvent leurs mains prises dans les cylindres, qui servent à étirer les gommes et que la prévoyance patronale a oublié de munir d’appareils préservateurs. Une fois coupées et transformées par les procédés secrets du patron, les feuilles de caoutchouc passent à la cuisson, dans des chambres à air réfractaires à la chaleur

Pour arracher de ces chambres du pneu chauffé de 100 à 110 degrés, les manœuvres, qui ne sont préservés qu’insuffisamment par une espèce de pâte, se brûlent souvent ; en moyenne 2 à 300 ouvriers chaque année  envoyés à l’assurance pour leurs brûlures, ont appris à connaître la divine sollicitude de M. Michelin qui n’a pas les « moyens » de protéger ses ouvriers.

Le progrès de la production est la rançon des souffrances des producteurs.

En 1924 : 50 ouvriers sortaient 5 à 32 pneus par jour. En 1928 : 18 ouvriers sortent 644 pneus par jour. En 1924 les ouvriers gagnaient 30 à 35 Francs, maintenant 35 à 36 Francs : Philanthropie rationalisée.


DEBOUT SANS CESSE ET GARE AUX AMENDES<o:p></o:p>

La fabrication de chambre à air pour vélo est confiée aux femmes. Le tube caoutchouc fabriqué par une machine à trois vitesses appelée « chieuse » est amené sur la table où il est coupé, valvé, manchonné par les ouvrières qui travaillent debout, sans aucun siège pour se reposer.

Dans le même service, une femme est obligée de surveiller et d’alimenter huit presses à déclanchement automatique. Si elle se met en retard, les amendes pleuvent. Mais ce service à produit en 1924, un excédent de 2 500  pneus avec un personnel réduit, et c’est ce qui seulement importe en un rationalisant philanthropique.

Michelin achète la marchandise travail, il la transforme en machine à profit à laquelle il veut donner le maximum de rendement sans égards pour les besoins de l’ « animal humain ».

Surmenages, brûlures, accidents, mutilations sont les conséquences de l’absence d’hygiène, d’appareils de protections, de sécurité, du travail intensif.

La chaîne humaine broyée passe à l’assurance. Ça fait partie des frais généraux. Ce qui compte, c’est la plus value, les superprofits. Le temps c’est de l’argent.

Voilà  Michelin déshabillé de son pardessus philanthropique.

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(§) Historien bien connu de Roanne, discret, trop tôt disparu. A 18 ans, jeune résistant, il a « sauvé » le trésor des maquisards au Combat du Gué de la Chaux.



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